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Caroline Guiela Nguyen, une "soif de récits" à la tête du Théâtre national de Strasbourg

De passage au Théâtre national de Strasbourg (TNS) pour y présenter son spectacle "Fraternité, Conte fantastique", Caroline Guiela Nguyen évoque auprès de l'AFP sa "soif de récits" et ses projets en tant que prochaine directrice de l'institution.

"Ma passion absolue dans la vie, c'est d'inventer des récits et de les voir, de les visualiser", confie l'artiste de 41 ans, entre deux séances de réglages avant la représentation du soir.

"C'est pour ça que j'ai toujours exercé en tant qu'auteure et metteur en scène, je n'ai jamais été comédienne. J'étais assez malheureuse quand j'étais à l'intérieur d'un récit, parce que je ne le voyais pas. Alors que d'être à l'extérieur, pouvoir le penser, c'est vraiment ce qui m'anime."

Avant "Fraternité, conte Fantastique", en tournée en France et en Europe, Caroline Guiela Nguyen a déjà monté une dizaine de pièces avec sa compagnie Les Hommes approximatifs, ainsi que plusieurs films et créations radiophoniques. Avec à chaque fois une constante: donner à voir ou à entendre des histoires souvent absentes des salles de spectacle.

"Il y a plein de gens qui ne sont pas encore sur les plateaux de théâtre. De même qu'il y a des langues que je n'entends pas sur les plateaux, alors que je les entends dans ma cité, dans ma rue, dans l'école de ma fille. Pourquoi ?", interroge-t-elle.

"Avec Benjamin, mon costumier, on devait habiller une comédienne. On s'est rendu compte que dans les stocks des théâtres, il y a très peu de taille au-dessus du 38. C'est très concret ! Qu'est ce que ça raconte ?"

- "Besoin d'imaginer l'autre" -

En 2017, sa pièce "Saïgon" avait marqué le festival d'Avignon, avec ses récits d'exilés vietnamiens des première et deuxième générations, une parole rarement entendue en France, a fortiori sur scène.

"Mais je ne suis pas en train de cocher des cases quand je fais un spectacle", prévient-elle. "Seulement, si je n'ai pas l'impression d'être un minimum en contact avec des gens qui peuplent notre époque, je suis dans un îlot et ça ne m'intéresse pas", dit celle qui est née d'une mère vietnamienne et d'un père pied-noir d'Algérie.

"Mon père est parti faire la Seconde guerre mondiale, il a libéré Colmar, il est rentré et il y a eu la guerre d'Algérie. Ma mère il y a eu la guerre du Vietnam, elle est partie sur un bateau, elle a dû se cacher dans des caves. Et moi, j'ai grandi au calme dans un petit village du sud de la France, j'étais complètement à côté de la réalité historique, géographique que mes parents avaient vécue", dévoile-t-elle. "Mais leurs exils m'ont donné une soif de récit, un besoin d'imaginer l'inimaginable, d'imaginer l'autre."

Forte de sa déjà riche expérience théâtrale, elle arrive néanmoins très humble à la tête du TNS, seul théâtre national en province, où elle succèdera en septembre à Stanislas Nordey . "Moi, je n'ai jamais dirigé de lieu, donc j'écoute beaucoup les gens me parler de comment ça fonctionne une maison", explique-t-elle.

- "Grand festival scolaire" -

Sa réserve ne l'empêche pas de nourrir beaucoup de projets pour cette institution, qu'elle connaît pour y avoir étudié la mise en scène entre 2005 et 2008.

"Dans les grands axes que je veux expérimenter, le premier, c'est la question de la diversité, sur les plateaux mais aussi dans les salles", détaille-t-elle.

Elle projette également un "grand festival scolaire", où artistes et classes de lycées monteraient ensemble des spectacles. Et pour élargir le regard, elle prévoit déjà des partenariats avec les théâtres de Bruxelles, Liège, Stockholm, Madrid, Milan et Berlin.

Quant à l'école du TNS, elle souhaite qu'y soient abordés "de façon conjointe théâtre, cinéma et audiovisuel, parce que ça me nourrit de façon hyper puissante, et je le constate aussi chez plein de mes collègues". Elle réfléchit à la possibilité d'une "association" avec la chaîne Arte.

Heureuse de retrouver un lieu qu'elle "redécouvre", Caroline Guiela Nguyen ne cesse d'exprimer son attachement au théâtre. "C'est un outil qui peut nous permettre d'allier une grande exigence artistique avec des préoccupations de comment on fait société, comment on pense la société, et je trouve que c'est beau".

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