Accueil Actu Magazine Culture

Nadia Tereszkiewicz, des arabesques au grand écran

Nadia Tereszkiewicz, auréolée d'un César à 26 ans, fait souffler un vent de fraîcheur sur le cinéma français, portée par des rôles éclectiques et un désir de "pousser les curseurs", elle qui se voyait un destin de danseuse.

La mise en abyme lui porterait-elle bonheur? Comme dans "Les Amandiers", de Valeria Bruni Tedeschi, la comédienne franco-finlandaise incarne une actrice à ses débuts dans "Mon Crime", ode à la sororité dans le Paris des années 1930, signée de François Ozon.

Amoureuse passionnée dans "Seules les bêtes" de Dominik Moll, baby-sitter bienveillante chez Monia Chokri, épouse troublante dans la série "Possessions": Nadia Tereszkiewicz jongle avec les identités féminines, parvenant à s'épanouir dans des univers disparates.

"Le cinéma me permet de pousser les curseurs: je peux raconter des parts de féminité qu'on a tous et qu'on n'a pas explorées", confiait-t-elle récemment à l'AFP, en marge du festival du cinéma français de Rome.

Dans une année 2023 prolifique, elle sera à l'affiche de "La dernière reine" le 19 avril, avant "Rosalie", en sélection à Cannes (Un certain regard) et "L'île rouge" de Robin Campillo.

En incarnant l'alter ego sensible de Valeria Bruni Tedeschi au sein de l'école de théâtre des Amandiers à la fin des années 1980, la jeune actrice a décroché en février le César du meilleur espoir féminin.

"J'ai halluciné d'être devant tout ce métier qui me disait bravo. Ça me donne un peu de confiance et de courage pour continuer" dans un secteur "tellement aléatoire", reconnaît-elle. "Mais en même temps, c'est une responsabilité".

- "Dans un livre" -

D'origine polonaise, cette polyglotte curieuse - le finnois est sa langue maternelle, elle maîtrise l'anglais et l'italien et a pris des cours d'arabe et d'hébreu - s'est "découvert une cinéphilie européenne tardive mais intense" et rêve de tourner en Italie ou dans les pays nordiques.

"J'ai grandi avec une curiosité de l'étranger. Les films traversent les frontières", dit-elle, en confiant retourner chaque été en Finlande.

Elle aurait pourtant pu briller sur d'autres planches, celles des demi-pointes et des arabesques. Mais après 14 ans de danse-études, elle renonce à son école de ballet au Canada, "bloquée avec le classique" et avide d'apprendre.

Passionnée de littérature - elle convoque Maupassant, Tolstoï, et Alice Munro - l'étudiante entre en classe préparatoire littéraire option théâtre, et voit 200 pièces en deux ans, où le goût des mots rejoint celui de la scène.

Cette petite-fille de poète, qui se voyait enseigner - elle rate Normale Sup' de peu "à cause du latin" - mais ne tient pas longtemps assise, se glisse alors dans des silhouettes de danseuse sur des tournages, en guise de petits boulots.

Dans l'ombre, elle en observe les coulisses, finit par intégrer la classe libre du Cours Florent et obtient son premier rôle dans "Sauvages" de Denis Berry, sorti en 2019.

"Là, sur le plateau, j'ai compris que j'aimais jouer. J'ai senti un bonheur immense, l'impression que tout se rejoignait, que le temps s'arrêtait. J'avais l'impression d'être dans un livre", raconte Nadia, teint clair rehaussé d'un regard bleu perçant.

- Chopin et Pink Floyd -

De son passé de ballerine, elle a gardé des madeleines de Proust musicales, qui entremêlent Chopin et Tchaïkovski à Bjork et Pink Floyd. Mais surtout un rapport instinctif "aux autres, à l'espace, au corps".

"Elle a une présence, quelque chose qui imprime la pellicule", vante le comédien Fabrice Luchini, qui lui a donné des conseils d'élocution sur le tournage de "Mon crime", crayon dans la bouche à l'appui.

Le film au casting prestigieux a dépassé le million d'entrées, lui offrant une première grande tournée aux quatre coins de l'hexagone.

Difficile de ne pas voir dans le destin de son personnage, comédienne malicieuse agressée par un producteur mais prête à tout pour s'émanciper, une résonance aux enjeux d'aujourd'hui.

"Je suis fière de faire partie d'une génération où les choses changent, où la parole se libère. Il y a de plus en plus de réalisatrices, de directrices de production, de productrices, d'actrices avec des rôles forts", relève-t-elle.

À lire aussi

Sélectionné pour vous