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Repas froids, salles climatisées, vigilance accrue: les protocoles pour protéger les personnes âgées des effets des fortes chaleurs sont rodés mais les acteurs du secteur peinent à les mettre en place, faute de moyens humains, alors que les canicules se multiplient, du fait du réchauffement climatique.
Des températures estivales se sont installées sur la France depuis fin mai. Et Météo-France prévoit pour juin à août des températures probablement supérieures aux normales.
Pour le professeur Jacques Boddaert, gériatre à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, c'est "maintenant qu'il faut commencer à adopter les bons réflexes" pour protéger les personnes âgées, plus vulnérables à la chaleur car elles "sentent moins la soif" et prennent parfois des "médicaments qui favorisent la déshydratation".
Or, ce phénomène peut déclencher une "cascade" de conséquences chez les seniors: "la tension baisse, ce qui risque de provoquer une chute, qui peut ensuite entraîner des blessures", décrit le spécialiste.
Il y a 20 ans, les hôpitaux avaient été débordés par un afflux de patients lors d'un épisode caniculaire exceptionnel, qui s'était soldé par 15.000 morts. Dans la foulée, les pouvoirs publics ont organisé la réponse, avec un "plan canicule", désormais en place chaque année du 1er juin au 15 septembre.
Celui-ci prévoit notamment un système d'alerte à l'avance en cas de fortes chaleurs, des protocoles spécifiques dans les structures de soins aux personnes âgées et des mesures en faveur des seniors isolés.
- Tension -
Depuis 2003, "il y a eu des progrès incontestables mais la situation reste extrêmement tendue en raison du manque de personnel" pour appliquer les mesures prévues, commente auprès de l'AFP Pascal Champvert, président de l'AD-PA, association de directeurs d'Ehpad et de services à domicile.
Les Ehpad prévoient par exemple des repas froids, des distributions d'eau et des salles ventilées ou climatisées. "Mais s'il n'y a pas suffisamment de personnel pour aider les résidents à se servir ou à se déplacer, ils n'en bénéficient pas", pointe-t-il.
Même constat du côté de l'Union nationale de l'aide, des soins et des services aux domiciles (UNA). "Les structures se sont mises à niveau" mais souffrent du "sous-effectif chronique", souligne le directeur des politiques publiques, Vincent Vincentelli.
Aider la personne âgée à préparer ses repas et à prendre ses médicaments mais aussi à boire plus souvent et à fermer ses volets aux heures les plus chaudes: "il faut être plus présent alors qu'il s'agit de la période où il y a la plus grande tension en ressources humaines en raison des congés", déplore-t-il.
Les collectivités sont également mises à contribution pour veiller au bien-être des personnes âgées lors de canicules. Elles doivent inciter les seniors isolés à s'inscrire sur les registres communaux afin de recevoir des appels de la mairie, pendant les périodes de chaleurs excessives.
- Repenser la ville -
En parallèle, "des maires posent des brumisateurs éphémères, remettent au goût du jour les fontaines, ouvrent des salles climatisées", indique Luc Carvounas, co-président de la commission des affaires sociales de l'Association des maires de France.
"Les réflexes sont acquis" toutefois cela reste insuffisant, "il faut repenser les villes" pour les adapter aux températures plus élevées, ajoute le maire d'Alfortville (Val-de-Marne).
Malgré les mesures prises par différents acteurs, chaque épisode de canicule continue d'entraîner des décès. L'an dernier, ces épisodes ont ainsi provoqué la mort de 2.800 personnes, selon Santé publique France.
"On s'est malheureusement habitué à avoir des personnes qui meurent de la chaleur", déplore auprès de l'AFP Yann Lasnier, délégué général de l'association Petits frères des pauvres, qui lutte contre l'isolement des seniors.
Outre les mesures actuelles, il faudrait selon lui "végétaliser les villes", "blanchir les toits" ou encore "trouver comment avoir des espaces fraicheur au sein des immeubles".
"Il va falloir se pencher sur le sujet de plus en plus", insiste le responsable associatif.
Car la France subit des vagues de chaleur à la fois plus fréquentes et plus intenses sous l'effet du changement climatique. Depuis 1947, 46 vagues de chaleur ont été recensées en France. 29 d'entre elles ont eu lieu après 2000, selon Météo France.