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Nouveau caillou de taille dans la chaussure de la majorité: deux juges d'instruction parisiennes ont ordonné jeudi un procès en correctionnelle visant François Bayrou et dix autres personnes dans l'affaire de l'emploi irrégulier d'assistants d'eurodéputés du MoDem.
Dans leur ordonnance de renvoi, consultée par l'AFP, les magistrates sont catégoriques: "des assistants parlementaires ont travaillé au profit du parti centriste alors qu'ils étaient rémunérés par le Parlement européen".
Si ces délits présumés n'ont pas causé "d'enrichissement personnel des députés ou des cadres du parti", ils ont "bénéficié" à l'ex-UDF et à son successeur le Modem en allégeant leur masse salariale, estiment les deux magistrates.
Les onze cadres centristes de l'époque, parmi lesquels figurent aussi l'ancien garde des Sceaux Michel Mercier ou l'ex-eurodéputé Jean-Luc Bennahmias, mais aussi l'ex-UDF et le MoDem en tant que personnes morales, seront donc prochainement jugés par le tribunal correctionnel de Paris, principalement pour "détournement de fonds publics", complicité ou recel de ce délit.
Selon l'ordonnance, François Bayrou, actuel Haut-commissaire au Plan et proche allié d'Emmanuel Macron, "apparaît comme le décideur et le responsable de la mise en place et du fonctionnement du système frauduleux" mis en cause.
Il sera jugé pour "complicité par instigation de détournements de fonds publics commis entre juin 2005 et janvier 2017, en qualité de président du parti UDF puis Modem".
Début février, M. Bayrou avait récusé tout emploi fictif et autres "procédés" de détournement de fonds publics au sein de son parti.
- Non-lieu pour Goulard -
Pour les juges pourtant, "au regard du mode de fonctionnement des partis (...) et du poids de ses deux têtes, François Bayrou et Marielle de Sarnez", décédée en janvier 2021 et qui ne fait donc plus l'objet de poursuites, "il apparaissait clairement que les arbitrages et instructions données avaient été de leur fait".
"Les détournements des fonds européens ont été organisés par les partis politiques UDF et (son successeur) MoDem dont la responsabilité est engagée et plusieurs personnes, membres de la gouvernance des partis en mettant en place les rouages nécessaires au système frauduleux, ont été identifiées comme complices des détournements", analysent les magistrates.
Les députés européens mis en cause ont, eux, "été les vecteurs de ces détournements par l'emploi fictif d'assistants parlementaires au profit exclusif du parti politique".
Malgré les demandes contraires du parquet, un non-lieu a été ordonné pour Sylvie Goulard, qui avait démissionné du ministère des Armées après les révélations sur ces faits, ainsi que pour l'ex-eurodéputée Nathalie Griesbeck.
Les juges considèrent Mme Goulard comme "étrangère aux détournements réalisés" et pensent qu'"aucun élément ne permet d'attester qu'elle ait eu conscience d'employer" un assistant parlementaire travaillant un court temps pour le parti centriste, même si "elle a pu être négligente".
Pas de procès non plus pour l'actuelle députée MoDem Maud Gatel, assistante parlementaire de Marielle de Sarnez jusqu'en 2009, conformément aux demandes du ministère public.
- Démissions -
"Six années d'enquête et d'instruction, pour que, année après année, la plupart des accusations disparaissent. Nathalie Griesbeck, Robert Rochefort, Mme Goulard, Maud Gatel et deux ans après sa mort Marielle de Sarnez sont lavés du soupçon de détournement", a réagi sur Twitter François Bayrou.
"Ne restent mis en cause que quatre ou cinq contrats (à temps partiel) datant d'il y a quinze ans", soit "moins de 2% de la masse salariale" de l'UDF puis du MoDem, a-t-il souligné.
L'enquête avait débuté en mars 2017 après la dénonciation d'une ancienne élue Front national, Sophie Montel, sur des emplois fictifs de collaborateurs de dix-neuf de ses collègues de tous bords.
Puis un ancien collaborateur du MoDem, Matthieu Lamarre, avait affirmé avoir été en partie rémunéré en 2011 comme assistant de M. Bennahmias alors qu'il travaillait pour le parti à Paris.
Ces révélations avaient fragilisé le MoDem, principal allié du président Macron, et entraîné la démission de François Bayrou, alors garde des Sceaux, Marielle de Sarnez (Affaires européennes) et Sylvie Goulard, un mois après leur entrée au gouvernement en 2017.
Les investigations ont essentiellement visé la législature européenne 2009-2014 mais aussi, dans une moindre mesure, les législatures antérieure et postérieure.
Le préjudice du Parlement européen est évalué à 1,4 million d'euros.
Des enquêtes comparables visent le Rassemblement national (RN), dont le dossier est en cours de clôture, et La France insoumise (LFI).