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En France, grand exercice militaire avec l'Ukraine en toile de fond

Des colonnes de blindés traversent de paisibles villages, pendant que des troupes se livrent ailleurs à un combat urbain acharné: la France organise son plus gros exercice militaire depuis 30 ans, pour entraîner ses troupes à la "haute intensité", avec le conflit ukrainien en toile de fond.

Près de 2.000 véhicules, dont des centaines de chars, 40 hélicoptères, 100 drones sont mobilisés depuis deux semaines et jusqu'à vendredi dans l'Est du pays, théâtre du premier conflit mondial. En jeu: la reprise par les forces d'"Arnland" d'une zone envahie par l'ennemi "Mercure".

Quelque 12.000 soldats, dont 85% de Français mais également des Belges, Britanniques, Allemands, Américains ou Espagnols, participent à l'exercice "Orion", sur un territoire grand comme le Portugal. Plus de 100.000 autres combattants, virtuels, sont manoeuvrés par les état-majors.

Orion est "un super jeu numérique, mélangé à de l'animation sur le terrain menée par des forces réelles", explique le colonel Jean, qui anime un centre des opérations, où des écrans montrent les progrès des deux armées - bleu pour Arnland, rouge pour Mercure - en instantané.

Le "jeu de guerre est quelque chose de très sérieux", assure-t-il. Placés "dans des situations complexes", imprévisibles, les deux camps, qui se livrent "une partie d'échec", essaient de "faire mat", précise le gradé.

Mardi au petit matin, des unités de chars Leclerc d'Arnland ont profité ainsi d'un épais brouillard pour contourner les forces de Mercure et les vaincre par surprise, "alors qu'elles buvaient leur café", sourit le colonel Patrick Guillaume, en charge d'un régiment blindé.

- "Progrès" -

Orion est "une phase d'entraînement extrêmement réussie", affirme-t-il, car "tout le monde a vraiment progressé". La résistance des militaires et celle des matériels a été éprouvée.

Dimanche matin, ses troupes s'employaient à libérer Jeoffreville, une ville de taille moyenne, inhabitée, où les soldats français s'entraînent depuis une décennie au combat urbain.

Des centaines d'hommes, dont des dizaines héliportés, ont combattu pendant des heures, sous les grenades d'exercice et le crépitement des balles à blanc. Arnland a fini par s'imposer.

A la tête des "ennemis" Mercuriens, le général en retraite Thierry Prunière disposait pourtant, outre son armée régulière, de créateurs de fake news "pour influencer la population" et induire l'ennemi en erreur, sur des réseaux sociaux visibles des seuls stratèges d'Orion.

Ses hommes, secondés par des milices, pouvaient aussi mener une guerre sale, à l'aide d'armes chimiques ou de mines antipersonnel, que les troupes d'Arnland, qui suivent les doctrines française ou otanienne, s'interdisent d'employer. Cela n'a pas suffi et la défaite de Mercure sera actée vendredi, selon l'ensemble des acteurs.

Si l'exercice a été décidé plusieurs années avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, tous ont aussi reconnu s'inspirer des retours d'expérience du conflit actuel.

- Leçons d'Ukraine -

Les fréquentes pertes d'aéronefs en Ukraine, notamment par la Russie, "montrent par l'exemple qu'il ne faut pas voler haut, de jour", indique le général Frédéric Barbry, chef des forces aéromobiles pour Orion.

Après plusieurs missions dans le Sahel, où les missions s'effectuaient en altitude face à des groupes en forte infériorité technologique, le pilote d'hélicoptère Valentin et son chef de bord Laurent confirment changer leurs pratiques pour un combat face à un ennemi à armes égales.

"Quand on vole de nuit, ça nous donne un petit avantage", confie le second, qui, après avoir vu des vidéos d'hélicoptères russes abattus en Ukraine, assure "faire le maximum pour ne pas être à leur place" un jour.

Lundi, Arnland a monté deux petits ponts mobiles pour enjamber une rivière. Une thématique récurrente en Ukraine, où les cours d'eau sont nombreux et où le fleuve Dniepr, parfois large de plusieurs kilomètres, constitue une frontière stratégique entre les deux camps.

"On a ce conflit dans la tête", opine le colonel Cédric Méreuze, qui supervisait l'opération. Et d'insister sur l'impératif de sécurisation absolue des sites de franchissement, après un désastre en mai 2022 pour l'armée russe, qui a perdu des dizaines de blindés le long de la rivière Donets.

Orion signe "le retour à un type de manoeuvre, à un niveau de complexité auquel nous n'étions pas confrontés" depuis 30 ans, se réjouit son concepteur, le colonel Christophe Richard.

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