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C’est un coup de billard à trois bandes. On avait l’impression que le principal opposant au Mercosur était Emmanuel Macron, et que celui qui bloquait le recours aux avoirs russes était Bart De Wever. Mais à Bruxelles, la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, a poussé ses pions dans la partie.
Surprise d’abord sur le Mercosur. A priori, l’Italie a tout à gagner dans ce traité que l’Europe négocie depuis 25 ans. Il vise à supprimer environ nonante pour cent des droits de douane entre l’Union européenne et les pays du Mercosur : 270 millions de consommateurs pour un PIB d’environ 2.700 milliards d’euros. Ce genre de transaction n’a rien de neuf. L’Union européenne a déjà signé 44 accords de libre-échange avec près de 80 pays.
Sur le papier, il s’agit donc d’un marché à fort potentiel pour les entreprises européennes tournées vers l’exportation : les allemandes, bien sûr, mais aussi les italiennes. Car l’Italie, troisième économie de l’UE, a comme l’Allemagne conservé un solide tissu industriel, notamment dans l’automobile. Sans compter qu’en Amérique du Sud, il y a de très nombreux habitants d’origine italienne… souvenez-vous du pape François.
L’Italie est favorable, mais…
Mais voilà : l’Italie est aussi un grand pays agricole, avec une inquiétude particulière sur la viande bovine, la volaille, le riz, le maïs et le sucre. De plus, elle ne veut en aucun cas de ce qui est interdit dans l’Union : l’utilisation d’antibiotiques et d’hormones de croissance dans les élevages, ou celle de pesticides dans les champs. Ce jeudi, les syndicats agricoles italiens étaient eux aussi dans les rues de Bruxelles, même si leur principale préoccupation était plutôt le maintien de la politique agricole commune. Au fond, l’Italie reste favorable au Mercosur, mais elle demande un moratoire, le temps d’obtenir des garanties sur ces questions agricoles. L’accord pourrait ainsi être signé dès janvier.
Dans le sommet européen qui se tient à Bruxelles, la stratégie italienne sur le Mercosur est l’arbre qui cache la forêt. En faisant entendre sa voix sur ce dossier économique majeur, l’Italie reprend de l’influence pour peser sur le désaccord principal : le gel des avoirs russes.
Giorgia Meloni partage en grande partie l’opinion de Bart De Wever : elle craint une lourde condamnation de l’Europe par les tribunaux internationaux, et d’éventuelles représailles russes contre la péninsule. Sa tactique a commencé à payer, puisque l’Europe a décidé de débloquer un prêt de nonante milliards d’euros pour l’Ukraine – et ce, sans recourir au dégel des avoirs russes. Ainsi, le sommet européen pourrait se conclure ce vendredi non pas par un divorce mais par un mariage… à l’italienne !














