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Gérald Darmanin a annoncé dimanche à Mayotte une révision constitutionnelle déjà controversée destinée à supprimer le droit du sol sur l'île de l'océan Indien, confrontée à une grave crise migratoire et à une situation sociale et sécuritaire explosive.
Le 101e département français, que visite le ministre de l'Intérieur avec la nouvelle ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux, est paralysé depuis le 22 janvier par des blocages et des barrages routiers installés par des "collectifs citoyens" qui protestent contre l'insécurité et l'immigration incontrôlée.
"Nous allons prendre une décision radicale, qui est l'inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle que choisira le président de la République", a déclaré M. Darmanin à la presse dès sa descente d'avion.
"Il ne sera plus possible de devenir français si on n'est pas soi-même enfant de parent français", a-t-il ajouté, assurant que cette mesure "extrêmement forte, nette, radicale" et censée couper "littéralement l'attractivité" de l'archipel, sera "évidemment circonscrite à l'archipel de Mayotte".
Département français le plus pauvre de France, Mayotte est peuplé de 310.000 habitants, selon l'Insee - probablement beaucoup plus selon la Chambre régionale des comptes - dont 48% d'immigrés comoriens ou d'autres pays d'Afrique.
La plupart arrivent clandestinement à bord de barques de pêche traditionnelles depuis l'île comorienne d'Anjouan, distante de seulement 70 km. Beaucoup vivent dans des "bangas" (cases) insalubres organisés en bidonville.
En 2022, selon le ministère de l'Intérieur, 44% des enfants nés à Mayotte avaient deux parents étrangers et 38% au moins un parent français.
- "Mayotte en colère" -
Selon M. Darmanin, la fin du droit du sol à Mayotte permettra notamment de supprimer les titres de séjour territorialisés, un dispositif empêchant les détenteurs d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone et dont les collectifs d'habitants en colère demandent la suppression.
La suppression de ce dispositif sera actée dans un projet de loi Mayotte bientôt déposé à l'Assemblée nationale, a-t-il précisé.
"Il faut que nous allions très vite", a commenté pour sa part Eric Dupond-Moretti, assurant ne pas avoir de calendrier.
Le nombre de titres de séjours émis à Mayotte diminuera de 90% avec ces nouvelles mesures et le durcissement du regroupement familial permis par la récente loi immigration, a précisé à l'AFP l'entourage de Gérald Darmanin.
Quelques centaines de Mahorais, notamment membres des collectifs bloquant l'île, attendaient à Mamoudzou l'arrivée des ministres, accueillis par des huées et aux cris de "Mayotte en colère".
Leur cortège s'est aussitôt rendu à une rencontre avec des élus et des habitants, et des échauffourées ont brièvement éclaté entre des manifestants qui tentaient de les suivre et les forces de l'ordre.
"Maintenant, on attend du concret (...) On n'a pas d'échéancier. La fin du visa territorialisé, c'est quand ? La loi Mayotte, elle s'applique quand ? Si ça se fait dans l'immédiat, on lèvera les barrages mais on ne veut pas que des mots", a réagi auprès de l'AFP Zafira Ahmed, syndicaliste Force ouvrière et membre des "Forces vives".
- "Wuambushu 2" -
"Les annonces sont très encourageantes mais on attend de voir les actes. Tout ça va prendre du temps et pour le moment, ça ne changera pas notre quotidien", a estimé une manifestante, Eirini Arvanitopoulou.
Saluant des "annonces fortes", le député LR de Mayotte Mansour Kamardine a demandé que la suppression du droit du sol à Mayotte soit inscrite dans le projet de loi constitutionnelle sur la Nouvelle-Calédonie, dont l'examen débutera en mars au Parlement.
La gauche s'est elle indignée de l'annonce de la fin du droit du sol, le PS annonçant qu'il s'opposerait à cette révision de la Constitution. "Après avoir brisé le tabou de la préférence nationale, la Macronie attaque la conception même de la nationalité, fondement de la République", a déploré l'eurodéputée LFI Manon Aubry.
SOS Racisme a fustigé une "remise en cause particulièrement spectaculaire du principe d’égalité".
La droite et l'extrême droite ont à l'inverse applaudit l'annonce de M. Darmanin. "Enfin !", a salué Eric Ciotti (LR). "Je dis bravo", a renchéri Marion Maréchal (Reconquête), qui a demandé l'extension de la mesure "à l'ensemble du territoire français".
Avant son arrivée, le ministère de l'Intérieur a annoncé la préparation d'une "nouvelle opération d'ampleur contre la délinquance et l'immigration illégale" et évoqué un "rideau de fer" maritime pour empêcher l'arrivée des clandestins. Il s'agirait de nouveaux outils technologiques et un engagement plus important des moyens maritimes, selon son entourage.