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Ce vendredi Saint, les chrétiens commémorent la passion du Christ. À cette occasion, l’Église expose à Argenteuil, une petite ville au nord de Paris, la Sainte Tunique que Jésus aurait portée lors de son chemin de croix. C’est l’un des grands mystères de l’Église catholique. Son authenticité, comme celle du Saint Suaire de Turin, reste très débattue.
Depuis le concile Vatican II, l’Église fait preuve de prudence face aux récits entourant les reliques. On n’est plus au Moyen Âge, à l’époque où l’on vendait à prix d’or des morceaux de tibia attribués à tel ou tel saint. Pourtant, aujourd’hui encore, le Saint Suaire de Turin et la tunique d’Argenteuil continuent d’intriguer et de diviser, aussi bien les fidèles que les scientifiques.
Moins connue que le suaire, la tunique aurait été portée par le Christ pendant sa passion, jusqu’à sa crucifixion. Lors de son agonie, elle aurait été — comme le rapporte l’Évangile de Jean — jouée aux dés par des soldats romains, au pied de la croix.
La seule certitude historique, c’est sa réapparition en l’an 813. Charlemagne en aurait fait don à sa fille Théodrade, moniale à Argenteuil. À l’origine, il s’agissait d’un tissu d’une seule pièce, sans couture, comme on en fabriquait dans l’Antiquité, maculé de taches de sang.
Mais en 1793, en pleine Terreur révolutionnaire, le curé d’Argenteuil découpe la tunique pour la protéger. Il enterre les morceaux dans son jardin. Lorsqu’ils sont récupérés et reconstitués au XIXe siècle, une partie a disparu, et le reste, longtemps en contact avec la terre, est très abîmé. Le tissu exposé aujourd’hui — visible jusqu’au 11 mai — a donc été replacé sur une tunique reconstituée.
Comme pour le suaire de Turin, l’Église a confié l’étude de l’étoffe à des scientifiques. Là encore, le débat est vif. La datation au carbone 14 situerait la confection du tissu plusieurs siècles après la passion du Christ. Mais cette analyse est contestée, en raison de l’état très dégradé du vêtement et de son enfouissement prolongé. D’autres éléments plaident pour son authenticité : les pollens retrouvés dans les fibres de laine proviendraient bien du Moyen-Orient, et les taches de sang semblent authentiques — ce ne serait pas de la peinture.
Un historien, Jean-Christian Petitfils, qui vient de publier une enquête sur le sujet, penche pour l’authenticité. Ce n’est pas le cas de l’Église, qui ne se prononce pas formellement. Pour elle, la tunique est avant tout un support de foi, pas nécessairement un objet historique.
Elle n’est d’ailleurs montrée — on parle alors d’ostension — que tous les cinquante ans. La dernière fois, c’était en 2016. En 2025, c’est une exception : l’exposition a lieu à l’occasion d’une année jubilaire décrétée par le pape François. On attend 400 000 visiteurs, du fidèle fervent au touriste sceptique.
Comme le résume le recteur de la basilique d’Argenteuil : "Nous sommes dans le cadre de la piété populaire, et nous ne prétendons pas manipuler la grâce. Ce qui se passe dans le cœur de chacun est de l’ordre du secret".


















