Partager:
"On voudrait nous rendre enragés qu'on ne ferait pas mieux": le comité national des pêches dit la détresse d'une profession fragilisée par le Brexit, les règlementations européennes et un sentiment d'abandon dans une lettre ouverte au président Emmanuel Macron.
"Je n'ai jamais vu un tel déferlement d'attaques (...). La souveraineté alimentaire, tout le monde en parle, mais quand il s'agit de la concrétiser, il n'y a plus personne", écrit le président du comité Olivier Le Nézet à Emmanuel Macron, dans un courrier que l'AFP a pu consulter mercredi.
Il évoque des "agressions" devenues "intolérables" parce qu'elles "remettent en cause le fondement de notre métier, nourrir les Français et les Européens".
En toile de fond, un secteur durement affecté par la crise sanitaire du Covid puis par le Brexit, qui a abouti à l'envoi à la casse de 90 navires, et plus récemment par le "plan d'action" de la Commission européenne visant à éliminer d'ici 2030 la pêche de fond (chaluts, dragues...) dans les aires marines protégées.
Lundi, une décision du Conseil d'Etat a mis le feu aux poudres: la plus haute juridiction administrative française, saisie par des associations de défense de l'environnement, a donné six mois au gouvernement pour fermer certaines zones de pêche dans l'Atlantique afin de préserver les dauphins dont les échouages se sont multipliés dans le golfe de Gascogne.
"Depuis cinq ans, nos pêcheurs sont à l'initiative de programmes scientifiques et techniques pour déterminer des solutions d'évitement (sonars, observations, filets spéciaux pour éloigner les cétacés, NDLR), pour concilier activités de pêche et protection des dauphins (...). Le Conseil d'Etat vient de tout remettre en cause", affirme Olivier Le Nezet, précisant que le comité national étudiait "la possibilité d'un recours".
Mercredi, plusieurs centaines de pêcheurs ont manifesté à Rennes dans une ambiance tendue pour protester contre "les réglementations", évoquant pêle-mêle la décision du Conseil d'Etat, le prix du gazole maritime et le "manque d'écoute de l'Etat".
Interrogé par l'AFP, M. Le Nezet a "évidemment condamné" les débordements violents - un tracteur a été lancé en direction des forces de l'ordre - tout en soulignant la "détresse de toute une profession".
"On dirait que l'Etat ne voit plus d'avenir à notre filière", résume-t-il dans sa lettre au président, demandant "une pause dans cette avalanche de mauvais coups".