Partager:
L'islamologue suisse Tariq Ramadan comparaît devant un tribunal correctionnel de Genève pour "viol et contrainte sexuelle" à partir de lundi, des accusations qu'il nie en bloc.
Tariq Ramadan est arrivé peu après 08H30 (06H30 GMT) au tribunal, où la sécurité a été renforcée et où le public était déjà nombreux pour pouvoir assister aux débats.
Ni l'islamologue -chemise bleue à carreaux, manteau sombre et souriant- ni ses conseils n'ont fait de déclaration aux journalistes venus eux aussi nombreux pour couvrir ce premier procès qui doit débuter à 09H00 locales et devrait durer trois jours.
La plaignante suisse, qui dit vivre sous la menace et souhaite donc être appelée sous le prénom d'emprunt de "Brigitte", avait une quarantaine d'années à l'époque des faits, qui remontent à près de 15 ans.
Elle assure que l'islamologue l'a soumise à des actes sexuels brutaux accompagnés de coups et d'insultes, le soir du 28 octobre 2008, dans une chambre d'hôtel à Genève.
Tariq Ramadan, âgé de 60 ans aujourd'hui et menacé d'un procès en France pour des faits similaires, a reconnu l'avoir rencontrée mais affirmé au cours de l'enquête avoir renoncé à avoir une relation sexuelle avec elle.
L'intellectuel suisse, figure charismatique et contestée de l'islam européen, risque entre deux et dix ans de prison. Joint par l'AFP, l'un de ses avocats français, Me Philippe Ohayon, s'est refusé à tout commentaire.
Le jugement sera prononcé le 24 mai, a précisé à l'AFP la justice genevoise. Tariq Ramadan pourra faire appel.
Docteur de l'université de Genève où il a écrit une thèse sur le fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans qui était son grand-père, Tariq Ramadan était professeur d'Etudes islamiques contemporaines à l'université d'Oxford au Royaume-Uni jusqu'en novembre 2017 et invité de nombreuses universités au Maroc, Malaisie, Japon ou Qatar.
Populaire dans les milieux musulmans conservateurs, il reste contesté, notamment par les tenants de la laïcité qui voient en lui un partisan de l'islam politique.
En France, il est soupçonné de viols commis entre 2009 et 2016 sur quatre femmes, une affaire qui a déclenché sa chute en 2017.
Le parquet de Paris a requis en juillet son renvoi devant les assises et il appartient aux juges d'instruction chargés des investigations d'ordonner un procès ou pas.
Le dossier français lui a valu plus de neuf mois de détention provisoire en 2018 dont il est ressorti libre en novembre de la même année. Il reste sous contrôle judiciaire depuis.
Tariq Ramadan est tenu de résider en France mais il bénéficie d'autorisations exceptionnelles de sortie du territoire français pour se rendre en Suisse dans le cadre de l'affaire jugée cette semaine à Genève.
- Correspondance intime -
Convertie à l'islam, "Brigitte" a indiqué durant l'enquête qu'elle avait fait sa connaissance lors d'une séance de dédicaces, quelques mois avant la nuit du 28 octobre 2008, puis lors d'une conférence en septembre.
S'en était suivie une correspondance de plus en plus intime sur des réseaux sociaux. Le soir des faits, elle l'a rejoint dans l'hôtel où il séjournait à Genève.
C'est dans sa chambre que, durant des heures, il l'aurait contrainte à des actes sexuels, avec violence, selon "Brigitte", qui s'est constituée partie civile.
Selon l'acte d'accusation, il s'est rendu coupable de "viol à trois reprises" durant la même nuit et de "contrainte sexuelle", au point de l'étouffer. L'islamologue conteste ces accusations.
"Ce procès pour ma cliente est une épreuve, et non une thérapie. Elle en attend la reconnaissance de souffrances qui l'ont accompagnée pendant 15 ans et qu'elle s'est fait un devoir douloureux de révéler", affirme à l'AFP son avocat français François Zimeray, ancien diplomate et spécialiste des droits humains.
"Elle s'attend à une confrontation difficile, douloureuse mais elle y est prête, convaincue que ce combat est pour elle un devoir autant qu'une épreuve", a-t-il ajouté.