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L'enseignante d'Evaëlle a été relaxée jeudi par le tribunal correctionnel de Pontoise des poursuites pour harcèlement sur mineurs dont la pré-adolescente qui s'est suicidée en juin 2019.
EN DEUX MOTS :
- Une enseignante a été relaxée malgré les accusations de harcèlement liées au suicide d’Evaëlle, une élève de 11 ans en 2019.
- Le tribunal a jugé que les faits reprochés ne prouvaient pas une intention de nuire, évoquant des comportements d'autorité légitimes en classe.
- Les parents d’Evaëlle, bouleversés, dénoncent une décision incompréhensible et annoncent faire appel.
Lisant ses motivations détaillées, la présidente du tribunal a notamment considéré que les éléments à charge étaient "discordants, indirects, peu circonstanciés" ou relevant de "comportements adaptés et légitimes s'agissant de l'autorité dont doit faire preuve un enseignant en classe".
Lors du procès en mars, au terme de deux jours d'audience, la procureure avait requis 18 mois de prison avec sursis et une interdiction définitive d'enseigner à l'encontre de cette femme de 62 ans.
L'ancienne enseignante était dans une position de "toute puissance" et avait un "contact assez rude avec les élèves", avait décrit le ministère public.
Dans sa relation avec Evaëlle, elle "la jette en pâture au collectif, la fait pleurer". Son "harcèlement est le déclencheur et catalyseur du harcèlement des mineurs", a affirmé la procureure. Deux d'entre eux seront jugés devant le tribunal des enfants avant la fin de l'année.
"Les défailles du système scolaire"
Le tribunal a pourtant considéré qu'il n'y avait "pas d'élément permettant de caractériser l'élément intentionnel de l'infraction" soit "qu'elle aurait volontairement cherché la dégradation des conditions de vie" d'Evaëlle, faits pour lesquelles l'enseignante était jugée. "Une partie des faits reprochés (...) correspond à des comportements adaptés et légitimes s'agissant de l'autorité dont doit faire preuve un enseignant en classe", a estimé la présidente. La magistrate a également reconnu que "les événements de juin 2019 sont dramatiques" et qu'il est "légitime que la famille d'Evaëlle recherche les causes de la tragédie".
Cependant, elle a soulevé que la date du suicide d'Evaëlle avait été exclue de la période de prévention pour laquelle l'enseignante avait été jugée et ne pouvait ainsi donc pas être considéré comme un élément factuel appuyant les poursuites. "Les défaillances du système scolaire et de l'Education nationale (...) largement commentés dans le cadre de cette procédure ne relèvent pas de la mission attribuée par la loi au tribunal correctionnel", a conclu la présidente du tribunal.
La réaction des parents
"Je suis dans l’incompréhension totale, dans l'incompréhension totale. Je pense que les faits, les témoignages étaient là. Ils n'ont pas été entendus. Et certaines motivations ne correspondent pas à la réalité. Voilà. Donc je pense qu'il va falloir qu'on réexplique les choses encore une fois lors de notre appel", a déclaré en larmes la mère d'Evaëlle, après la relaxe de l'enseignante des poursuites pour harcèlement sur la pré-adolescente qui s'est suicidée en juin 2019, ajoutant qu'elle va faire "appel". "Je le vis comme: la justice cautionne le comportement de cette professeure et qu'elle a le droit de se comporter comme ça vis-à-vis de nos enfants. Elle a le droit. C'est cautionné. On ne risque rien. Et je pense que non, à partir du moment où il y a de la maltraitance. Alors après, vous appelez ça harcèlement, comme vous voulez, mais il y a eu de la maltraitance. Enfin on peut pas le nier, ça. Là, c'est vraiment incompréhensible."

Combien de suicides d'adolescents par an en France?
Chaque année en France, environ 20 enfants se suicident en raison du harcèlement scolaire, selon les estimations des associations de terrain spécialisées. "On estime qu’un à deux élèves se suicident chaque mois après avoir subi du harcèlement scolaire, soit une vingtaine d’enfants par an, environ", indiquait en 2023 Laure Boutron-Marmion, avocate au barreau de Paris et spécialiste de la défense des mineurs. Ceci est une estimation et aucune donnée officielle n'existe à ce sujet.
Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans en France, et le harcèlement scolaire est souvent identifié comme une cause majeure de pensées suicidaires durant cette période de vie.
Et en Belgique?
En Belgique, le suicide est la première cause de décès chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans, représentant près de 27 % des décès dans cette tranche d'âge, selon le site belgiqueenbonnesante.be. Bien que des chiffres précis sur le nombre de suicides directement liés au harcèlement scolaire soient difficiles à obtenir et à définir, il est établi que ce phénomène joue un rôle majeur dans les pensées suicidaires parmi les jeunes victimes. Un enfant harcelé a quatre fois plus de risques de faire une tentative de suicide à l'adolescence.
Selon l'Unicef, environ un enfant sur quatre ayant subi du harcèlement scolaire aurait déjà pensé au suicide.
Ne restez pas seul(e)! Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe une ligne d'écoute anonyme accessible 24h/24 et 7 jours sur 7, où vous attendent les bénévoles du Centre de prévention du suicide au 0800/32.123.



















