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L'espoir de trouver encore des survivants s'amenuisait vendredi en Turquie et en Syrie, quelque 100 heures après le violent séisme qui a tué plus de 21.000 personnes dans l'une des pires catastrophes survenues dans la région depuis un siècle.
Au total, 17.674 décès ont été comptabilisés en Turquie, selon le vice-président Fuat Oktay, tandis que 3.377 personnes ont trouvé la mort en Syrie après le séisme d'une magnitude de 7,8 qui a secoué la région lundi matin, suivi de nombreuses répliques dont l'une de 7,5 lundi à la mi-journée.
De part et d'autre de la frontière, des milliers d'habitations sont détruites. Les secouristes redoublent d'efforts pour rechercher des rescapés, même si la fenêtre cruciale des 72 premières heures pour retrouver des survivants s'est refermée, la situation étant en outre aggravée par un froid glacial.
Le ministre des Affaires étrangères turques, Mevlüt Çavuşoğlu, a précisé auprès de l'agence de presse Anadolu que près de 6.500 personnes issues de 56 pays étaient actuellement déployées pour apporter leur aide aux endroits sinistrés. "Des équipes provenant de 19 autres pays arriveront en Turquie dans les 24 heures", a-t-il ajouté. Des centaines de secouristes venus de Malaisie, d'Espagne, du Kazakhstan, d'Inde et d'ailleurs y sont ainsi à pied d'oeuvre.
Un premier convoi d'aide composé de six camions a pu entrer jeudi dans les zones rebelles du nord-ouest de la Syrie depuis la Turquie par le poste-frontière de Bab al-Hawa, a pour sa part constaté un correspondant de l'AFP. Le convoi, composé de six camions transportant couvertures, matelas, tentes, matériel de secours et lampes solaires devrait couvrir les besoins d'au moins 5.000 personnes, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). L'organisation des Casques Blancs, des secouristes qui opèrent en zones rebelles syriennes, a cependant fait part de sa "déception", estimant que cette aide était "routinière" et non spécifique à la recherche de survivants sous les décombres.
La quasi-totalité de l'aide humanitaire destinée aux zones rebelles est acheminée à partir de la Turquie par le point de passage de Bab al-Hawa, le seul actuellement garanti par l'Onu. La diplomatie turque a indiqué s'employer à ouvrir deux autres points de passage "avec les régions sous contrôle du gouvernement" de Damas "pour des raisons humanitaires".
En Turquie, certains habitants dénoncent l'inaction du gouvernement et la lenteur des secours. "Je n'ai vu personne avant 14h00 le deuxième jour du séisme", soit 34 heures après la première secousse, tonne Mehmet Yildirim. "Pas d'État, pas de police, pas de soldats. Honte à vous! Vous nous avez laissés livrés à nous-mêmes".
Arnaud Gabriel, notre journaliste RTL info, est à Iskenderun en Turquie. Il témoigne : "Il y a des survivants qui restent devant des tas de débris, de bétons, des amas très impressionnants et qui espèrent une bonne surprise. C'est très touchant mais ce qui est fort, c'est de voir la manière dont ils (survivants) vivent la catastrophe. Ils la vivent avec une fatalité impressionnante. Ils en veulent à personne, ils ne cherchent aucun responsable. Ils sont debout, forts pourtant ils ont tout perdu."
L'Organisation internationale pour les Migrations (OIM) a indiqué dans un communiqué que ce convoi, composé de six camions transportant couvertures, matelas, tentes, matériel de secours et lampes solaires devrait couvrir les besoins d'au moins 5.000 personnes. Mercredi, un responsable onusien avait averti que le stock des Nations unies dans le nord-ouest de la Syrie permettait à peine de nourrir 100.000 personnes pendant une semaine. Le séisme a fait au moins 21.000 morts, selon les derniers bilans officiels, dont 17.134 en Turquie et 3.317 en Syrie. Vingt-trois millions de personnes sont "potentiellement exposées, dont environ cinq millions de personnes vulnérables", estime l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle redoute une crise sanitaire majeure qui causerait encore plus de dommages que le séisme.
Les organisations humanitaires s'inquiètent particulièrement de la propagation de l'épidémie de choléra, qui a fait sa réapparition en Syrie. A Tloul, un village du nord-ouest de la Syrie, les habitants ont dû fuir après qu'un barrage en terre s'est effondré sous les secousses du séisme. "Notre situation est dramatique. Regardez l'eau qui nous entoure", a déclaré Louan Hussein Hamadé, un des rares habitants à être resté dans le village sinistré, tout comme les champs environnants.
"Solidarité"
Réunis en sommet à Bruxelles, les dirigeants de l'Union européenne --qui organise début mars une conférence des donateurs pour la Turquie et la Syrie-- ont observé un moment de silence pour les victimes du séisme. Ils ont envoyé une lettre à M. Erdogan exprimant leur "solidarité" avec le peuple turc et proposant d'accroître leur aide à la Turquie.
L'UE a envoyé de premiers secours en Turquie quelques heures après le séisme lundi. Mais elle n'a initialement offert qu'une aide minimale à la Syrie par le biais des programmes humanitaires existants, en raison des sanctions internationales en vigueur depuis le début de la guerre civile en 2011.
Mercredi, Damas a officiellement sollicité l'assistance de l'UE et la Commission a demandé aux Etats membres de répondre favorablement à cette requête. Le commissaire européen Janez Lenarcic, coordinateur de l'assistance de l'Union européenne, était jeudi à Gaziantep, dans le sud-est de la Turquie, où il devait rencontrer des responsables turcs mais aussi les organisations humanitaires actives dans le nord-ouest de la Syrie, a indiqué la commission. Dans les zones rebelles, le séisme complique l'arrivée d'aide, rendant difficilement praticables les routes d'accès à Bab al-Hawa, unique point de passage actuellement garanti par l'ONU.
L'envoyé spécial de l'ONU, Geir Pedersen, a appelé à Genève "à ne pas politiser" l'aide à ce pays, ajoutant avoir évoqué le sujet avec des représentants des Etats-Unis et de l'Union européenne. La France a annoncé qu'elle allait mettre en place une aide d'urgence à la population syrienne à hauteur de 12 millions d'euros. De son côté, Londres a annoncé jeudi une aide financière supplémentaire d'au moins 3,4 millions d'euros, soit un montant total de près de 4.3 millions d'euros alloués aux Casques Blancs, les secouristes opérant en zone rebelle.
Deux autres passages
De son côté, la Turquie a annoncé s'employer à ouvrir deux autres passages frontaliers avec la Syrie pour permettre d'acheminer l'aide. "Pour des raisons humanitaires, nous visons aussi l'ouverture des postes-frontières avec les régions sous contrôle du gouvernement" de Damas, a dit le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu.
Des milliers d'habitations sont détruites de part et d'autre de la frontière et les secouristes poursuivent leurs efforts pour rechercher des rescapés dans les décombres, même si la fenêtre cruciale des 72 premières heures pour retrouver des survivants s'est refermée, la situation étant en outre aggravée par un froid glacial.
A Adiyaman, le séisme a piégé dans leur hôtel totalement effondré des adolescents et leurs accompagnateurs, venus de République turque de Chypre du Nord (RTCN, reconnue par la seule Turquie) disputer un tournoi de volley-ball. Selon Nazim Cavusoglu, ministre chypriote-turc de l'Education venu sur place, un enseignant et trois parents ont été extraits vivants mercredi soir. "Trente-trois personnes sont toujours piégées", a-t-il confié à l'AFP.
"Bien sûr qu'il y a des lacunes"
Le froid rend les conditions de vie infernales pour les rescapés. Dans la ville turque de Gaziantep (sud), les températures ont chuté tôt jeudi à -5°C. Dans les camps de tentes du nord de la Syrie en revanche, les réfugiés avaient conscience d'avoir eu de la chance dans leur malheur. "Le séisme était terrifiant, mais les habitants ont remercié Dieu de vivre sous des tentes après avoir vu ce qui s'est produit autour d'eux", se consolait Fidaa Mohammad, une habitante du camp de Deir Ballout.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan, en visite dans les zones sinistrées, a esquissé mercredi un mea culpa face à la montée des critiques: "Bien sûr qu'il y a des lacunes, il est impossible d'être préparé à un désastre pareil". Les responsables turcs ont ces dernière semaines émis à plusieurs reprises des mises en garde sur l'usage des réseaux sociaux avant les élections présidentielle et législatives du 14 mai, où M. Erdogan brigue un nouveau mandat après 20 ans au pouvoir.

















