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Le rachat de Warner Bros par Netflix, annoncé vendredi, suscite l’inquiétude d’une partie d’Hollywood, des exploitants de cinémas et d’élus quant à l’avenir de la diffusion en salles et à une concentration excessive du secteur.
Netflix a mis 72 milliards de dollars (près de 83 milliards de dollars avec la dette) sur la table pour récupérer notamment son concurrent dans le streaming vidéo HBO Max, ainsi que les célèbres studios Warner Bros et leur catalogue.
L’opération placerait sous un même toit deux des trois plus grosses plateformes mondiales de vidéo à la demande (en excluant Amazon Prime au modèle hybride), soit plus de 300 millions d’abonnés pour Netflix et 128 pour HBO Max.
Au total, les futurs mariés investissent chaque année plus de 20 milliards de dollars en contenus, ce qui ferait de l’entité fusionnée, le premier acteur sur la planète en la matière, de loin.
Dès mercredi, le sénateur républicain Mike Lee avait prévenu, sur X, que ce projet « devrait alarmer les autorités de la concurrence partout dans le monde ».
Pour sa collègue démocrate Elizabeth Warren, il « menace d’augmenter le prix des abonnements, d’entraîner un choix plus réduit, (…) tout en menaçant l’emploi aux Etats-Unis ».
Un officiel, cité par la chaîne CNBC sous anonymat, a indiqué que cette acquisition suscitait un « fort scepticisme » au sein du gouvernement Trump.
Sollicitée par l’AFP, l’autorité de la concurrence, la FTC, s’est refusée à tout commentaire. La Maison Blanche, elle, n’a pas donné suite.
Mercredi, David Ellison, patron du groupe de médias Paramount Skydance, candidat à la reprise de Warner Bros, a exposé à Donald Trump et des membres du Congrès ses réticences face à la solution Netflix, susceptible de fausser la concurrence, selon lui.
Le dirigeant a l’oreille du président, qui est proche de son père Larry Ellison, président de l’entreprise technologique Oracle.
Le gouvernement Trump a donné en juillet sa bénédiction au rachat de Paramount par Skydance Media, initié par David Ellison.
« La corde au cou »
Par extension, plusieurs acteurs d’Hollywood, au diapason d’Elizabeth Warren, redoutent que le chef de l’Etat n’utilise le pouvoir du régulateur comme levier pour dicter ses conditions ou privilégier un fidèle.
« Ce qui me terrifie (…), c’est la façon dont ce gouvernement s’est servi de projets de fusions comme instruments de pression politique et de censure », a écrit la comédienne Jane Fonda dans une tribune publiée par le site spécialisé The Ankler.
Pour obtenir le feu vert de la FTC, Skydance avait ainsi promis à la FCC, un autre régulateur américain, des changements de ligne éditoriale au sein de la chaîne CBS, accusée par Donald Trump d’être « hors de contrôle ».
Fin 2024, l’ancien promoteur avait attaqué CBS en justice lui reprochant d’avoir modifié de façon trompeuse une interview de sa rivale démocrate Kamala Harris.
Quelques jours seulement avant que la FCC ne donne quitus à Skydance, CBS avait annoncé la fin de l’émission « The Late Show », dont l’animateur, Stephen Colbert, est très critique du président américain.
Outre la concurrence dans le streaming, de possibles conflits d’intérêt et une atteinte à la liberté d’expression, la fédération d’exploitants Cinema United voit dans l’absorption de Warner Bros par Netflix « une menace sans précédent » pour les salles obscures.
Interrogé vendredi lors d’une conférence téléphonique avec des analystes, le codirecteur général Ted Sarandos a assuré que Netflix ne remettrait pas en cause la sortie en salle des films produits par Warner Bros, mais entendait réduire la période d’exclusivité avant la diffusion en vidéo.
Souvent fixé à 45 jours, ce délai a été ramené, après la pandémie de covid-19, à un mois, voire 17 jours dans certains cas.
Dans une lettre adressée à des membres du Congrès, un collectif de producteurs a averti que le passage de Warner Bros sous le giron de Netflix reviendrait à mettre « la corde au cou du secteur » des salles de cinéma.
















