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Depuis 2023, une épidémie de lucilie bouchère du Nouveau Monde, une mouche tropicale dont les larves mangent littéralement les animaux vivants, remonte progressivement l’Amérique centrale. L’insecte a déjà atteint le sud du Mexique, menaçant de franchir la frontière américaine.
Elles peuvent tuer une vache en une à deux semaines
Le parasite, Cochliomyia hominivorax, est redouté : ses larves s’installent dans les plaies d’animaux à sang chaud, les creusant de l’intérieur avec leurs crochets buccaux. « Elles peuvent tuer une vache en une à deux semaines si rien n’est fait », alerte Thomas Lansford, vétérinaire adjoint au sein de la Texas Animal Health Commission.
Retour d’une ancienne stratégie
Les États-Unis avaient déjà éradiqué cette mouche dans les années 60 et 70 en utilisant une méthode révolutionnaire : élever des mouches mâles stériles et les relâcher en masse. Ces mâles s’accouplent avec des femelles sauvages, qui pondent alors des œufs non viables. Une manière efficace de faire chuter les populations en quelques générations.
« Les femelles ne s’accouplent qu’une seule fois dans leur vie. Une fois qu’elles ont rencontré un mâle stérile, leur cycle est rompu », explique le Dr Phillip Kaufman, professeur à l’université Texas A&M.
Une usine à mouches en projet
Mais aujourd’hui, seule une installation au Panama est capable de produire ces mouches stériles – environ 100 millions par semaine – ce qui est insuffisant pour contenir l’épidémie. Le 18 juin, le ministère américain de l’Agriculture (USDA) a donc annoncé la création d’une nouvelle « usine à mouches » près de la frontière entre le Texas et le Mexique.
Son coût estimé : 300 millions de dollars. Une autre installation de dispersion devrait également ouvrir sur la base aérienne de Moore, au Texas. Des travaux de rénovation d’une ancienne usine au Mexique sont aussi prévus.
Une menace pour les éleveurs
Depuis le début de l’épidémie, plus de 35.000 cas d’infestation ont été enregistrés, dont 83 % chez les bovins. « C’est une corvée quotidienne d’inspecter notre bétail », témoigne Stephen Diebel, éleveur texan. « Une infestation peut ruiner une exploitation entière. »
Il n’existe ni vaccin ni répulsif efficace. Seules des mesures préventives, comme éviter les interventions douloureuses sur les animaux en été, permettent de réduire les risques. Les animaux sauvages comme les cerfs ou les rongeurs peuvent aussi être porteurs, rendant la surveillance encore plus complexe.
Pour les professionnels du secteur, l’enjeu économique est colossal. « Si ces mouches s’installent ici, cela pourrait coûter 10 milliards de dollars à l’industrie de l’élevage », avertit Stephen Diebel. « Dépenser 300 millions aujourd’hui, c’est un investissement pour notre survie. »
Grâce à des progrès récents, l’USDA envisage déjà de rouvrir certains ports de commerce fermés à cause de l’épidémie. Mais la bataille est loin d’être terminée. Les prochaines semaines seront décisives pour contenir la progression de ce fléau venu du sud.



















