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La première journée, samedi, du redéploiement des rebelles Houthis des trois ports de la région de Hodeida, dans l'ouest du Yémen en guerre, s'est déroulée "conformément aux plans établis", a déclaré dimanche l'ONU, en dépit d'affirmations contraires du gouvernement yéménite.
"Les trois ports (de Hodeida, Salif et Ras Issa) ont été surveillés simultanément par des équipes des Nations unies, alors que les forces militaires quittaient les ports et que les gardes-côtes assumaient la responsabilité de la sécurité", a indiqué l'ONU dans un communiqué.
Près de l'entrée du grand port de Hodeida, stratégique pour l'arrivée d'aide humanitaire, la situation semblait calme dimanche. Il n'y avait aucun signe d'activité militaire en dépit de points de contrôle rebelles, selon un correspondant de l'AFP. De même, aucun combat ni survol d'avion n'ont été signalés depuis samedi.
Des responsables gouvernementaux yéménites ont toutefois mis en doute le retrait rebelle, affirmant que les Houthis ont transféré l'autorité sur ces installations portuaires de la mer Rouge à des forces leur étant favorables.
La coalition militaire sous commandement saoudien qui soutient le gouvernement n'a pas encore réagi à ces développements.
"Au cours des prochains jours, les activités (dans les ports) devraient être axées sur l'élimination" des équipements "militaires et le déminage", a précisé la Mission des Nations unies chargée de soutenir l'accord de Hodeida.
Conclu en décembre 2018 en Suède, cet accord visait à mettre fin à de violents combats autour de Hodeida après des mois d'offensive militaire des forces progouvernementales yéménites soutenues par les Saoudiens et les Emiratis.
"La vérification formelle" par les Nations unies du premier redéploiement aura lieu dans les trois ports le mardi 14 mai, a-t-elle ajouté.
Le gouvernement yéménite "s'est engagé à exécuter sa part de la phase 1 (des redéploiements) à la demande de l'ONU", poursuit la Mission de l'ONU.
- "En douceur" -
Dans un tweet dimanche, un des principaux responsables rebelles, Mohammed Ali al-Houthi, a "remercié les frères des forces armées" ayant servi dans les trois ports pour ce redéploiement "en douceur".
Yahya Sharafeddine, directeur-adjoint du port de Hodeida, a déclaré dimanche à l'AFP que pour les civils travaillant là, "l'activité est normale". "N'importe quel bateau ayant une autorisation peut venir et décharger" sa cargaison, a-t-il ajouté.
Plus tôt, dans un tweet, le ministre yéménite de l'Information Mouammar al-Iryani avait qualifié de "manipulation" le retrait rebelle.
"Ce que les miliciens Houthis ont fait, c'est la répétition d'une pièce de théâtre sur le transfert du contrôle du port à des forces" qui leur sont favorables, a-t-il écrit.
Parlant sous le couvert de l'anonymat, un employé du port de Salif a affirmé que "rien n'a changé. Les mêmes gens sont là. C'est juste un subterfuge".
Des experts estiment qu'après des mois d'immobilisme, le désengagement militaire annoncé dans la région de Hodeida pourrait constituer une percée.
"Les deux prochaines semaines nous diront s'il y a bien eu un transfert (d'autorité dans les ports) ou si c'est une nouvelle gueule de bois", affirme Farea al-Muslimi, analyste associé au centre de réflexion londonien Chatham House.
Le désengagement militaire des belligérants dans la région de Hodeida était prévu par l'accord interyéménite arraché en Suède.
Annoncé à plusieurs reprises par l'ONU, notamment en février et en avril, le retrait effectif des ports tardait à être mis en oeuvre, suscitant l'inquiétude de la communauté internationale, alors que des millions de Yéménites sont menacés par la famine.
- L'espoir né en Suède -
L'essentiel des importations et de l'aide humanitaire est censé arriver via Hodeida.
La guerre au Yémen oppose depuis plus de quatre ans des forces progouvernementales, appuyées militairement par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, aux rebelles Houthis, soutenus par l'Iran et qui contrôlent de vastes zones de l'ouest et du nord du Yémen, dont la capitale Sanaa.
Le conflit a tué des dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux civils, selon diverses organisations humanitaires.
Environ 3,3 millions de personnes sont toujours déplacées et 24,1 millions, soit plus des deux tiers de la population, ont besoin d'assistance, selon l'ONU.
Pour l'expert Farea al-Muslimi, l'accord de Suède "est très difficile à exécuter car les lignes sont très floues et chaque partie l'interprète à sa manière".
Adam Baron, analyste associé au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), estime lui que les développements à Hodeida représentent "une percée potentielle après des mois d'immobilisme". Il reste toutefois prudent car "la confiance entre les deux parties frôle l'inexistence, ce qui continue d'entraver tout effort" de désescalade.
Selon lui, "une mise en oeuvre de l'accord (à Hodeida) ne signale que des progrès sur (...) un aspect du conflit". "Il est essentiel de se rappeler que le Yémen n'est pas Hodeida et que même dans le calme relatif qui y règne, le conflit continue à brûler" ailleurs.
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