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Présidentielle tchèque: la migration au coeur de la phase ultime de la campagne

Un président sortant hostile aux migrants et son rival appelant à la solidarité avec ceux qui en ont besoin et dénonçant "l'intolérance": l'affrontement sur la migration est au centre du second tour de la présidentielle tchèque, vendredi et samedi.

Ce sera un "thème très important voire primordial" de la phase finale de la campagne, estime l'analyste Jiri Pehe. "On peut s'attendre à une série d'attaques et de contre-attaques".

En accord avec une bonne partie de l'opinion publique, le président Milos Zeman qualifie l'afflux de migrants en Europe d'"invasion organisée" et s'oppose à leur accueil, à l'origine selon lui d'un "bouillon de culture propice à des attaques terroristes".

Quand M. Zeman "veut mobiliser ses supporteurs, il se présente comme un défenseur du pays à tout prix, presque prêt à aller lui-même défendre la frontière, arme à la main", analyse M. Pehe.

A l'inverse, son rival, l'ex-patron pro-européen de l'Académie des sciences Jiri Drahos met en garde contre "la peur, l'hystérie et l'intolérance fomentées par les populistes et les extrémistes", tout en estimant qu'il faudrait en priorité aider les migrants dans leur pays d'origine pour les inciter à y rester.

- Sujet clivant -

Selon un sondage de l'institut CVVM, pas moins de 81% des Tchèques s'opposent à l'accueil de migrants musulmans et deux tiers d'entre eux sont hostiles aux quotas de répartition.

La question divise même les familles. Martina Horankova, quinquagénaire originaire d'Usti-nad-Labem (nord-ouest), dit ainsi apprécier "la position ferme" du président sortant. "Je veux que mon pays reste sûr. Je crains que Drahos n'obéisse à tout ce que nous ordonne Bruxelles", affirme-t-elle.

Son mari Stanislav pense en revanche que "Drahos saura distinguer entre les réfugiés et ces escrocs de migrants économiques".

L'idée des quotas obligatoires est rejetée par les deux candidats, tout comme par le Premier ministre Andrej Babis, alors que la République tchèque n'a jusqu'à présent accueilli que 12 migrants.

Toutefois, en juin 2017, M. Drahos avait déclaré qu'"accueillir quelque 2.600 réfugiés ou migrants, une fois contrôlés du point de vue de la sécurité, ne devrait poser aucun problème".

"Je me demande bien sûr combien d'entre eux resteraient chez nous"(plutôt que de continuer leur voyage vers l'Europe de l'Ouest), a-t-il ajouté.

"Halte aux immigrants et à Drahos. Ce pays est à nous! Votez Zeman!", tonne une annonce parue dans deux journaux pragois, financée par une association dénommée "Amis de Milos Zeman".

Le même slogan figure depuis le week-end sur des affiches géantes à travers le pays.

"La campagne a jusqu'à présent été menée fair play. Mais ça, c'est une saloperie", a réagi le médecin militant Marek Hilser, arrivé en cinquième position au premier tour, parmi les neuf candidats.

"Drahos est lié à la migration", a insisté le même jour M. Zeman. Il est "logique et justifié d'établir des liens entre M. Drahos et la migration", a-t-il renchéri.

- "Inviteur" -

Nombreux sont les partisans de M. Zeman qui voient en son adversaire un "vitac": un néologisme tchèque qui veut dire "un inviteur" de migrants.

Ils lui reprochent d'avoir signé en août 2015 un "Appel des scientifiques contre la peur et l'indifférence" qu'ils interprètent comme un appel à l'accueil des migrants. Ce que M. Drahos conteste, en soulignant que l'appel en question ne comprenait "pas un seul mot" sur ce thème.

Pour l'adversaire du président sortant, la République tchèque devra "choisir", parmi les migrants, "ceux qui ont vraiment besoin" d'aide, et cela "par le biais de la procédure d'asile et non des quotas", souligne-t-il.

Dans les derniers jours de la campagne, Jiri Drahos "sera probablement sous pression" sur la question migratoire, mais il pourrait aussi bénéficier de l'offensive de son adversaire sur ce thème, analyse Jiri Pehe.

"Il n'est pas tout à fait clair par exemple d'où vient l'argent pour financer les annonces anti-Drahos dans les journaux", observe-t-il.

Vétéran de la gauche connu aussi pour ses opinions pro-russes et pro-chinoises, M. Zeman, est arrivé en tête du premier tour avec 38,56% des suffrages devant M. Drahos (26,60%), qui pourrait l'emporter au second tour, grâce aux reports de voix attendus.

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