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Il faut relancer les chantiers interrompus par la crise du coronavirus: le gouvernement en fait un mot d'ordre et un symbole à l'heure du déconfinement. Mais le secteur du bâtiment prévient qu'une reprise intégrale est improbable dans l'immédiat.
"Il faut qu'on soit très ambitieux avec un objectif qui est la reprise de tous les chantiers avant la fin du mois", a déclaré mardi Julien Denormandie, ministre du Logement, sur la chaîne BFMTV.
Les chantiers, dont beaucoup sont à l'arrêt depuis le strict confinement imposé mi-mars en France face au coronavirus, sont un emblème régulièrement brandi par le gouvernement depuis le début de la crise.
Ils incarnent la reprise économique qu'il souhaite voir émerger au plus vite avec le déconfinement enclenché lundi. Ce jour-là, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, a ainsi réservé son premier déplacement à un chantier proche de Saint-Germain en Laye (Yvelines).
"C'est un secteur absolument vital pour l'économie française (et) qui commence à redémarrer", a-t-il souligné, évoquant explicitement un "symbole".
Car le bâtiment s'avère, à plusieurs titres, crucial. En tant que telle, son activité représente plus de 5% de l'économie française. Au-delà, la santé du secteur est garante d'une offre suffisante en logement, essentielle au bon fonctionnement de l'économie.
Le gouvernement est-il, pour autant, réaliste? Certes, la reprise constitue une réalité dans le bâtiment.
Selon sa principale fédération, la FFB, plus de la moitié des chantiers avaient redémarré ce mardi et le chiffre devrait monter à deux tiers d'ici à la fin de semaine.
Seulement, "même si on se bat pour que tous les chantiers reprennent, c'est illusoire de penser qu'on sera à 100% fin mai", prévient Jacques Chanut, président de la FFB, auprès de l'AFP.
Les freins ne sont "pas du fait des entreprises, mais des clients qui ne peuvent pas ou ne veulent pas", assure-t-il. "Malheureusement, on n'est pas les seuls décideurs".
Les blocages sont en fait différents selon les catégories de clients, qui vont des particuliers en train de refaire leur cuisine aux grands travaux publics, en passant par les promoteurs privés qui construisent des logements.
Chez les gros clients, les tensions se concentrent sur un point: qui doit assumer le coût des mesures sanitaires destinées à éviter la propagation du virus sur les chantiers ?
- Petits clients inquiets -
Le secteur du bâtiment estime que ses marges sont déjà faibles et que beaucoup d'entreprises ne survivront pas à ces coûts supplémentaires. Il demande donc à ses clients de renégocier leurs contrats.
"Quand le client dit: +J'en prends la moitié+, ça redémarre tout de suite", rapporte M. Chanut.
Mais "dans d'autres cas, ça ne reprend pas ou ça ne va pas reprendre avant longtemps", ajoute-t-il, évoquant des blocages avec "certains promoteurs".
En ce qui concerne les marchés publics, la situation est encore plus complexe, car la modification des contrats existants nécessite de revoir la réglementation des appels d'offres.
M. Le Maire a certes ouvert la voie la semaine dernière à un partage des coûts avec les acteurs publics, mais il n'a pas donné de détail concret sur l'évolution des règles.
Reste le cas, bien différent, des petits clients. Chez eux, ce sont surtout des préoccupations sanitaires qui dominent: difficile d'envisager d'accueillir un artisan chez soi quand l'heure est à éviter les contacts.
C'est de loin la première raison qui contraint les petites entreprises du secteur à réduire leur activité, selon un sondage publié fin avril par la Capeb, fédération qui domine l'artisanat du bâtiment.
"Les particuliers avaient peur que l'on vienne se déplacer, alors que ce sont les chantiers qui peuvent le plus facilement redémarrer", rapporte à l'AFP Patrick Liébus, président de la Capeb, même s'il constate une amélioration avec le déconfinement.
Signe que le gouvernement est conscient du problème, il a publié cette semaine une note destinée aux particuliers, les assurant de l'absence de risque grâce à une série de consignes sanitaires en vigueur depuis plusieurs semaines sur les chantiers.