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"Désespérant": Sophie doit se reloger d'urgence mais ne trouve aucun bien... le secteur immobilier alerte sur la situation du pays

Sophie dénonce des conditions de moins en moins humaines, et surtout, des prix de plus en plus élevés. Un scénario qui touche toute la Belgique. Justement, le secteur de l'immobilier tire la sonnette d'alarme et interpelle les ministres. Pour le secteur, le pays est déjà dans une crise du logement sans précédent. Que faire pour y remédier?

"Ça fait 6 mois". Sophie, 50 ans, est maman de deux enfants. Elle nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous pour nous faire part de ses difficultés à trouver un logement. Cette habitante de Nivelles doit quitter d'urgence sa maison, car la propriétaire va revenir y vivre. Mais la recherche de Sophie ne se passe pas comme elle l'espérait: "Je cherche depuis 6 mois. Dès qu’un bien est à un prix raisonnable, il faut tout de suite appeler. Et sur les maisons, on est parfois 30-40 par visite, ou alors on me dit 'on ne fait plus de visites madame, c’est trop tard'", déplore-t-elle. 

Le prix des loyers a flambé dans tout le pays: +5.53% en 1 an pour le Brabant Wallon, la plus forte hausse

Mais la date d'échéance approche, et Sophie n'a toujours pas trouvé de situation pérenne pour elle et ses deux enfants. "C'est vraiment désespérant! Les prix de location flambent énormément. Et trouver une maison à 1.000 euros ou moins par mois, c’est très compliqué, il n’y en a pas beaucoup. Et je ne peux pas me permettre de mettre plus", déplore-t-elle. 

Sophie a même dû se résigner dans sa recherche: initialement, cette maman seule recherchait une maison 3 chambres, mais au vu des prix de location, pas le choix que de chercher une maison 2 chambres: "Je vais me sacrifier, quitte à dormir dans mon salon...", déplore-t-elle. "Se loger, c'est primordial, je donnerai tout ce que j'ai". D'autant que Sophie ne peut pas changer de Région et doit donc rester dans les environs de Nivelles: "J’ai encore un enfant aux études, et l’autre travaille du côté de Genappe. Je ne peux pas m’éloigner et aller dans les Ardennes, là où les loyers sont moins chers", pointe-t-elle. 

D'après les derniers chiffres de la Fédération des agents immobiliers francophones de Belgique (Federia) parus début septembre, les loyers ont augmenté de 2,5% à 3,5% en 1 an, dans tout le pays. À Bruxelles, le loyer moyen d'un studio est donc de 800 euros hors charges. Pour un appartement, le prix moyen grimpe à 1.160 euros. 

En Wallonie, le loyer moyen d'un appartement s'élève désormais à 780 euros. Pour une maison 3 façades, il faut compter en moyenne 950 euros. Si le loyer a augmenté dans chaque province, le Brabant Wallon reste de loin la plus chère de Belgique, et creuse encore l'écart: le loyer moyen pour un appartement y est de 1.069 euros hors charges. Soit une hausse de 5.53% en 1 an, la plus forte du pays. 

Les mamans solos encore plus touchées par la crise du logement

Une situation très stressante pour Sophie qui, pour calmer ses angoisses, doit prendre des calmants. "Je suis très stressée. En tant que maman seule, on n'a pas beaucoup d'aide non plus... Je suis coincée", dénonce-t-elle. 

D'après une récente étude menée par l’asbl Action Vivre Ensemble, les familles monoparentales sont encore plus touchées par la crise du logement. 83% des familles monoparentales sont gérées par des femmes, comme dans le cas de Sophie. Et c'est "l’une des catégories les plus discriminées au sein de la problématique du droit au logement. De par sa condition, la femme est exposée à des difficultés supplémentaires dans l’accès à un logement décent et abordable. Confronté à ces discriminations, le parent solo va bien souvent s’essouffler dans ses recherches et risque in fine de louer un bien inadapté, mal situé et/ou insalubre", pointe notamment l’étude. 

En plus d'être une maman seule, Sophie est également invalide depuis quelques années. Un statut qui peut poser problème dans sa recherche de logement, nous dit-elle. Elle en aurait même déjà fait les frais: "On m’a dit qu’une fois que les propriétaires ont vu que j’étais invalide, mon dossier était mis de côté... Je trouve ça ridicule, je suis invalide depuis quelques années et ce sera jusqu’à ma pension, donc je percevrai le même salaire qu'actuellement". 

Une crise du logement DÉJÀ en cours dans notre pays

Pour Sophie, il n'y a pas assez de biens à louer par rapport à la demande. "C'est en pleine crise", estime-t-elle. Justement, le 2 septembre dernier, le secteur de l'immobilier tirait la sonnette d'alarme et interpellait les ministres par rapport à la situation du pays.

Le logement n’a jamais été aussi inaccessible qu’actuellement

Nous avons rencontré Olivier Carrette, administrateur délégué de l'Union professionnelle du secteur immobilier (UPSI), qui fait partie des fédérations à avoir alerté sur le sujet. "Le pays est déjà dans une crise du logement. C'est une question d'offre et de demande: l'offre diminue, la demande est très élevée, ça veut dire que les prix vont continuer d'augmenter", alerte-t-il.

D'après l'UPSI, il y a 3 grandes causes principales à cette crise, que détaille Olivier Carrette: 

  • D’abord, concernant le secteur immobilier professionnel représenté par l’UPSI: "Il y a l’augmentation de 20% des coûts de matériaux de construction, l’indexation des salaires de 10%, l’inflation de 5%, les taux d’intérêt qui ont augmenté de 1 à 4%. La problématique des permis aussi: à Bruxelles, pour obtenir un permis de construire, ça dure 6 ans, en Wallonie 4 ans, en Flandre 2 ans et 8 mois. Et c’est un problème", pointe Olivier Carrette. 
  • Ensuite, "il y a les investisseurs privés qui sont tout de même bons pour 80% des appartements qui sont mis en location, et pour eux aussi, il y a l’inflation, et les taux d’intérêt élevés" ;
  • Et enfin, "le consommateur final, le Belge lambda, qui désire louer ou acquérir un appartement ou une maison, les taux d’intérêt sont passés de 1 à 4% en 1 an, il n’a plus les moyens, et donc au lieu d’acheter, pour l’instant, il se tourne vers le marché locatif, où il y a trop peu de biens…"

Le secteur craint donc qu'à l'avenir, le logement soit encore plus inaccessible pour tout un chacun: "Tout le monde parle de la durabilité et de l’accessibilité au logement, mais le logement n’a jamais été aussi inaccessible qu’actuellement. Ce n’est pas normal quand on pense que tout ce qui est relatif au logement acquisitif et locatif est la principale dépense des ménages. Et on en parle très peu", pointe l'UPSI. 

Pour enrayer la crise du logement qui touche la Belgique, le secteur demande notamment:

  • Plus de rapidité dans l'octroi des permis et donc une simplification administrative pour pouvoir construire davantage de logements et vite ;
  • Faire en sorte que la mesure qui porte à 6% de TVA sur Démolition et Reconstruction soit reconduite ;
  • Plus de partenariats publics-privés, afin de réguler les prix locatifs. 

Concrètement, qu'est-ce qui a été fait pour tenter de sortir la Wallonie de cette crise? 

"Il manque, en Wallonie comme partout en Belgique, des logements à loyers abordables et bien isolés", pointe Christophe Collignon, ministre wallon du Logement, qui est bien conscient de cette crise. "Elle ne date pas d'hier, ça fait déjà quelques années. Le marché locatif privé subit la loi de l’offre et la demande, et donc augmente les prix. Or, le logement est un droit primaire pour le citoyen", poursuit-il. 

Alors pendant sa législature, le ministre wallon du Logement a tenté de faire évoluer les choses, notamment en concluant des partenariats entre le public et le privé. Et le budget était conséquent: "On a mis une grosse enveloppe sur la table: 100 millions d’euros, pour pouvoir dire à nos sociétés de logement d’aller directement sur le marché privatif et d’acheter des biens qui existent déjà, donc un bloc d’immeubles ou un bloc en construction, pour pouvoir répondre immédiatement à la demande", explique-t-il. 

L'augmentation du niveau de revenu des personnes qui peuvent contracter un prêt social a également été augmentée afin d'en faire bénéficier plus de personnes. Quant aux logements publics, ça prend du temps, précise le ministre, en moyenne entre 5 et 7 ans, donc ils n'arriveront pas de suite...

À terme, il faudra réguler le marché locatif, explique-t-il: "En fonction du bien que vous mettez en location, par rapport à sa qualité, du degré de performance énergétique... On devra concevoir une grille de loyer qui sera plus contraignante. C'est une mesure qui permettra de soulager les ménages. Mais pour ça, il faut différents accords politiques", pointe-t-il. 

Pour le ministre, il s'agit d'une réflexion globale: "Il y a la crise du logement, mais il y a aussi une transition écologique. On doit pouvoir isoler le bâtit. En Wallonie, ce bâtit est très ancien. Je pense que l’on doit se poser la question de comment on habite demain ? Est-ce qu’on va habiter dans des surfaces plus petites, plus mitoyennes ? Il y a sans doute des modes d’habitat qui peuvent varier: le modulaire, les tiny house, des habitats avec des conteneurs rénovés... Il n’y a pas de solution toute faite, je pense qu’on doit ouvrir toute une série de champs pour essayer de rencontrer l’objectif primaire qui est de mieux loger la population". 

Pour les asbl de terrain, la crise du logement est permanente et ne se limite pas à la crise énergétique: les aides doivent être durables 

Pour l'asbl "Rassemblement wallon pour le droit à l'habitat" (RWDH), il faudrait faire plus pour enrayer la crise du logement dans laquelle la Belgique se trouve. Le RWDH regrette notamment, surtout dans le contexte inflationniste que nous vivons:

  • La fin du moratoire hivernal pour les expulsions qui ne sera pas reconduit en Wallonie alors qu'à Bruxelles oui ;
  • Et le fait que l'indexation des loyers pourra reprendre pour les PEB les plus faibles (toujours pour la Wallonie).

Pour l'asbl, la crise du logement est permanente et ne se limite pas à une crise énergétique, les aides devraient donc continuer à être mises en place. Le RWDH demande également que les loyers soient encadrés de façon beaucoup plus stricte afin d'éviter les abus de prix. 

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