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J’ai surpris un “frotteur” dans le tram bruxellois: que faire face à ce type d'agression sexuelle ?

Cet article a été écrit par une journaliste de la rédaction de RTL info, qui souhaite rester anonyme pour éviter toute forme de harcèlement.

17h50. Je quitte la rédaction de RTL Info à Schaerbeek. Le tram 7 arrive à l’arrêt Meiser. À l’intérieur, pas mal de monde. Entre sorties d’école et fin de journée de travail, les gens se mêlent. Brouhahas perceptibles. Le tram démarre, chacun trouve une poignée à laquelle s’accrocher. À chaque arrêt, toujours un peu plus de monde. Pourtant, l'affluence reste sous contrôle. Nous ne sommes pas collés les uns aux autres.

Devant moi, un homme. Il se tient juste devant les portes du tram. Il s’agrippe et se tient de profil. À côté de lui, une femme. Elle fait face aux portes du tram. D’elle, je ne vois que le sac à dos. Le tram avance. Peu à peu, cet homme se rapproche. Jusqu’à se coller contre les fesses de la jeune femme. Deux arrêts plus tard, je mesure la situation. Plus de doute possible. L’homme est en érection. 

J’interviens. Je touche le bras de cette jeune femme: "Madame?". Elle se retourne. Cette femme n’est en fait qu’une ado. 13, 14 ans, tout au plus. Je lui demande (déjà persuadée de la réponse). "Ce Monsieur est avec vous ?". "Non", répond-elle fébrilement, les yeux apeurés et visiblement mal à l’aise. Je demande alors à ce "frotteur" de s’éloigner expliquant qu’il est très clairement inutile de se coller aux fesses d’une parfaite inconnue. Je le fixe. "Je vous vois, et je vois clairement ce que vous êtes en train de faire". Il baisse la tête, se retourne. La scène ne dure que quelques secondes. Je lui demande de sortir. Sans broncher, dès que le tram s’arrête, il se dirige vers la sortie. Pas un mot. Rien. L’ado m’adresse un timide sourire. Comme un merci (ou peut-être pas en fait, je ne sais pas). Puis sort à son tour. 

Face à cela, beaucoup de questions. Comment réagir lorsque l’on est témoin de tels agissements ? D’une telle agression ? Car finalement, on se refait le film dans la tête. J’aurai dû agir plus vite, sortir en même temps qu’elle, lui parler. 

Réaction de la Stib: "Nous prenons de nombreuses mesures pour que les clients puissent voyager en toute sécurité"

Le lendemain matin, je contacte la Stib. J’ai noté l’heure, l’arrêt où ce "frotteur" est sorti. Mais c’est tout. Au service client de la société de transports, on me répond : "à part appeler la police, y’a rien à faire". Je ne suis pas la victime, je ne la connais pas et je n’ai aucune information sur l’agresseur. Vu comme ça, ça semble mal parti. Pourtant, il me semble essentiel de partir de cette expérience pour savoir comment agir. Nous sommes des centaines de milliers à prendre les transports en commun chaque jour, mais combien de nous savent réellement que faire face à une telle situation ? 

Je contacte la porte-parole de la Stib. Je lui explique ma démarche : "J'aimerais que l’on puisse expliquer aux gens quels sont les réflexes à avoir, quelles procédures suivre ?". Au téléphone, on m’explique que ces faits ne doivent pas être minimisés. "Bien au contraire". "Nous prenons de nombreuses mesures pour que les clients puissent voyager en toute sécurité sur notre réseau: personnel de sécurité, caméras de surveillance, boutons d’appel, collaboration avec les polices locale et fédérale", m’explique-t-on. Le réseau de la Stib possède des milliers de caméras. En cas de dépôt de plainte, ces images peuvent être utilisées par la police. 

Lorsque l’on est témoin de harcèlement dans les transports publics, la Stib conseille d’avoir recours à la méthode des 5D

Distraire : faire semblant de connaître la victime (par exemple en lui demandant l’heure)
Déléguer : demander de l’aide aux autorités
Documenter : prendre discrètement des photos et/ou vidéos qui pourraient servir de preuve
Diriger : intervenir en défendant la victime par exemple, tout en mesurant les risques possibles
Dialoguer : demander à la victime comment elle se sent, la rassurer

En cas de fait grave, il est conseillé d'appeler directement la police. "Signalez-vous, auprès des autres voyageurs, auprès de notre personnel de conduite, ou de n’importe quel membre de la STIB présent dans les environs. Utilisez les bornes d’appel, appelez le 1707 si nécessaire. Nous enverrons des agents sur place pour vous porter assistance", recommande la société de transports. 

Quelques réflexes pour venir en aide à une victime de harcèlement. Sur le papier, ça semble peu. Du côté de la Stib, on m’explique que les signalements pour ces agressions sont très rares. "Un par an", me dit-on. "En réalité, les personnes victimes ou témoins de ce type de comportement se signalent directement à la police, et pas auprès de nos agents. Nos chiffres ne sont donc pas représentatifs du phénomène", ajoute la porte-parole. 

Contactée, la zone de police Bruxelles-nord explique ne pas disposer non plus de chiffres. "Les faits de 'frotteurs' sont difficiles à évaluer car l’appellation peut varier en fonction de la tournure de l’événement", me dit-on. Les forces de l'ordre recommandent de déposer plainte ou signaler ces faits, que l'on soit victime ou témoin. "Cela permet de libérer la parole des victimes et d’éviter la banalisation de ce type de faits. Il est également important de mettre fin à la gêne qui existe autour de ces événements", ajoute la porte-parole de la zone.Selon la police, identifier un "frotteur" n'est cependant pas chose aisée. Son mode opératoire pourrait s'apparenter à celui d'un voleur, semble-t-il. 

Je me suis rendue au commissariat de police. Avec le peu d’éléments dont je dispose, j’ai fait un signalement. L'agent qui me reçoit m'explique que ces signalements sont importants. Si cette jeune fille se décide à porter plainte, mon témoignage pourra peut-être l'aider. Peut-être qu’un jour, si ce frotteur récidive, on pourra recouper les faits. Alors peut-être que ce signalement servira. En attendant, il faut en parler. Car il s’agit bel et bien d’une agression

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