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"J’étais en train de mourir à petit feu": Logan, 19 ans, a perdu 93 kg en 1 an

De nombreux professionnels de santé tirent la sonnette d'alarme via le bouton orange Alertez-nous: les troubles du comportement alimentaire sont en hausse, et touchent principalement les adolescents, de plus en plus jeunes. Les conséquences peuvent être graves. Logan, 19 ans, se bat contre l'anorexie depuis 2 ans. Le 11 mai 2022 marquera sa vie à tout jamais. Témoignage. 

Les troubles du comportement alimentaire (TCA), anorexie, boulimie ou encore hyperphagie, sont en hausse et touchent principalement les jeunes. Ces troubles psychiques, qui modifient le comportement alimentaire d’une personne, ont des répercussions physiques et psychologiques. En 2018, 7% de la population belge présentaient des symptômes de troubles alimentaires. En 2021, on parle de 11% de la population, et 18% des 18-29 ans. Après les accidents de la route, les TCA représentent la deuxième cause de mortalité chez les jeunes dans notre pays. 

Ces troubles surviennent de plus en plus tôt. Logan, 19 ans, se bat contre l’anorexie depuis 2 ans. Son témoignage est une belle leçon de vie. Tout débute en 2021. Logan pèse alors 142 kilos et subit du harcèlement scolaire à cause de son surpoids: "On me disait ‘gros lard’ ou ce genre de choses… J’en pouvais plus, je n’étais pas bien du tout dans ma peau", explique l’adolescent.

Au mois de février 2021, Logan décide d’entamer un régime à cause du harcèlement qu’il a subi. Il se rend chez une diététicienne mais n’écoute pas vraiment ses conseils, explique-t-il: "J’avais les critiques reçues lors du harcèlement qui revenaient sans cesse dans ma tête, alors je n’étais jamais content de moi et des résultats, je voulais perdre le plus rapidement possible. J’ai donc poussé au maximum. Je n’aurais pas fait un régime aussi strict sans les critiques".

L’obsession de la nourriture et de son poids

C’est là que le calvaire commence, et que l’anorexie prend peu à peu possession de sa vie. "J’ai commencé à compter ce que je mangeais, à regarder les calories. Et là, c’est devenu obsessionnel: je voulais le moins de calories possible", explique Logan. 

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La nourriture devient alors une obsession pour lui: "Je pensais constamment à la nourriture, dès le réveil. La nourriture tournait en boucle dans ma tête et je ne voyais que ça". 

Au mois de juin 2021, Logan est déjà atteint d’anorexie et souffre des premières crises, mais il est dans le déni. "J’ai commencé à développer la peur des aliments, je ne mangeais plus pendant des jours. Je marchais énormément sans manger, au moins 20.000 pas par jour. Je voulais brûler le plus de calories possibles. La maladie logeait déjà bien dans ma tête à ce moment-là", avoue-t-il aujourd’hui.  

Et peu à peu, Logan développe une obsession pour son poids et la balance: "Je me pesais constamment, facilement 5 fois par jour, le matin, le midi, et plusieurs fois le soir. C’était vraiment obsessionnel, je voulais voir le chiffre le plus bas possible". 

L'adolescent commence alors à se sous-alimenter. Mais, à ce moment-là, il ne se rend toujours pas compte que quelque chose ne va pas: "Je ne réalisais pas que j’étais mal. Je me regardais chaque matin et chaque soir dans le miroir", mais ce n’était jamais assez. "Même prendre 100g c’était inimaginable pour moi à ce moment-là, j’avais peur de redevenir comme avant, en obésité, et de revivre toutes les critiques et je ne pouvais pas, c’était mettre fin à ma vie sinon", témoigne-t-il. 

En 1 an, Logan aura perdu 93 kg

Il se fait hospitaliser deux fois suite à des problèmes de santé liés à l’anorexie : hypotension, hypothermie, bradycardie… Mais cela n’est pas suffisant pour lui faire réaliser, et Logan continue sa descente aux enfers. 

C’est en mai 2022 que sa vie bascule. Il pèse alors 60 kg pour 1m83. Une semaine plus tard, il ne pèsera plus que 49 kg. Le 11 mai, date qui a marqué sa vie à jamais, Logan se fait hospitaliser d’urgence pour la troisième fois. Une ambulance vient le chercher à son domicile. 

Un moment marquant pour le jeune homme: "Je perdais la vie en fait à ce moment-là. Je pensais même que j’étais mort. La seule question que je posais aux infirmiers dans l’ambulance, c’était : "Est-ce que je suis en vie ?". C’était le coucher du soleil, je me sentais partir, et je me disais vraiment que j’étais en train de monter au paradis"

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Cette journée du 11 mai, Logan s’en souvient bien. Il était alors à bout de force, dès le réveil: "J’ai eu des maux de tête au réveil, et j’ai commencé à perdre la mémoire, j’oubliais certains mots. J’enchainais les malaises, et je perdais connaissance", détaille-t-il. "J’étais en train de mourir à petit feu en fait. Si maman n’avait pas fait appel à une ambulance, je ne serai pas là aujourd’hui, je serai parti de ce monde".

Logan est alors directement pris en charge dans un service de revalidation dans un hôpital près de Charleroi. On lui pose une sonde nasogastrique pour le réalimenter. Mais il n'a plus qu'une chose en tête: manger. Dès le lendemain matin, le médecin lui apporte du chocolat et un croissant. Pendant son séjour à l'hôpital, on lui réapprend aussi à marcher: "J’ai commencé par le couloir, ensuite on faisait le tour de l’hôpital". Il restera une semaine en observation dans ce service de revalidation. Ce sera sa dernière hospitalisation. 

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Et là, c’est le déclic: "C’est là que j’ai vraiment remarqué que quelque chose se passait. Ça m’a fait très peur", avoue Logan. "J’ai réalisé que j’étais anorexique. J’ai mis beaucoup de temps à me rendre compte que j’étais malade parce que je ne me trouvais pas maigre du tout. Mais en fait si, je l’étais. C’est une maladie mentale et très peu de gens s’en rendent compte"

Logan entame alors un long chemin vers la guérison. Et se dit : plus jamais ça. 

Les patients qui souffrent de trouble du comportement alimentaire développent une dysmorphophobie 

Cette obsession pour la balance et son reflet dans le miroir est "significative" des troubles du comportement alimentaire, explique Marie Delhaye, pédopsychiatre et responsable du service de psychiatrie infanto juvénile à Erasme. 

Généralement, les patients souffrant de ces troubles ne se voient pas tels qu’ils sont réellement, comme Logan: "C’est régulier, dès qu’on est en dénutrition, il va y avoir une dysmorphophobie. C’est-à-dire que la personne ne se voit plus telle qu’elle est", précise-t-elle. Et ajoute: "Ils ont tellement une mauvaise perception d’eux-mêmes qu’ils se font tout petit pour passer dans un couloir étroit par exemple. Ils se voient obèses alors que finalement ils sont quasiment à l’article de la mort"

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Quels sont les signaux qui doivent alarmer? Comment se rendre compte qu’un proche souffre de troubles alimentaires? "Là où la situation est très grave, c’est quand on a perdu plus de 15% de son poids en 6 mois", met en garde Marie Delhaye. 

D’autre part, "on peut avoir des phénomènes de fatigue, d’épuisement, de bradycardie importante… Là, la situation devient grave: certains vont tomber en dépression avec des idées suicidaires, et donc, il faut vraiment consulter en urgence", explique-t-elle. Généralement, ces signaux doivent alerter.  

Les troubles du comportement alimentaire surviennent comme mécanisme de défense suite à un mal-être profond par exemple, explique Marie Delhaye: "Chaque jeune va avoir une façon de se protéger et se défendre pour pouvoir échapper aux angoisses. L’alimentation peut être un facteur". 

Une prise en charge dans un centre spécialisé est nécessaire pour réconcilier ces jeunes patients avec la nourriture 

A Erasme, il existe un service dédié à la prise en charge des patients qui souffrent de troubles du comportement alimentaire. Ils peuvent y être pris en charge, mais également être suivis par des psychologues et diététiciennes, qui vont les aider dans leur guérison. Car le processus est long et tumultueux. 

Roxane Aglave est diététicienne spécialisée dans la prise en charge des troubles du comportement alimentaire dans ce service. Son rôle, c’est d’accompagner les patients dans la "renutrition". "C’est une des premières choses à faire quand on est face à un patient en dénutrition sévère. Je vais vraiment les accompagner, et remettre en place une structure alimentaire en augmentant progressivement les quantités", explique-t-elle.

Le but de Roxane est donc d’aider les jeunes patients à se réconcilier avec la nourriture: "Retrouver une structure alimentaire, avoir des horaires fixes pour manger, ne plus sauter un repas, pouvoir prendre un goûter qu’il soit sucré ou salé. Reconsommer les aliments qu’ils se sont interdits comme le gras, le chocolat ou encore les féculents", détaille Roxane. 

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Son travail se divise alors en deux parties: "On va d’abord réintroduire tous les aliments qui sont indispensables au niveau de la santé. Et, ensuite, on va réintroduire ces aliments qu’on diabolise dans le quotidien mais qui, finalement, quand on les consomme dans des quantités raisonnables, sont tout à fait ok dans une alimentation équilibrée". 

Roxane fait ce qu’on appelle de "l’éducation alimentaire" pour réconcilier sur le long terme ces jeunes patients en souffrance psychologique. Car ils ont généralement beaucoup d’idées reçues en tête, explique-t-elle: "Par exemple quand ils mangent quelque chose de gras, ils vont avoir la sensation que ça va directement quelque part dans le corps ou que c’est vraiment collé à eux".

Le premier step vers la guérison, c’est la prise de conscience 

Pour Logan, le chemin vers la guérison est encore long, mais il veut y croire. "Je ne me sens pas encore guéri car je sais que ça peut prendre du temps, des années parfois. Il y a eu des évènements qui ont fait que j’ai fait une rechute, pas aussi profonde heureusement. Et là, je remonte la pente et je fais en sorte de la remonter au plus vite et enfin sortir la tête de l’eau". 

Tout se passe dans la tête, la maladie est dedans

Aujourd’hui, Logan essaie de remanger normalement même si la peur de "trop" grossir est toujours bien présente. "Des fois, j’ai la maladie qui me dit "Non ne mange pas ça!"". Comme une petite voix dans la tête qu’on n’arriverait pas à faire taire. "Mais j’essaie de toujours la contredire. J’écoute beaucoup plus souvent mes envies qu’avant et j’essaie de me faire plaisir". 

Le jeune homme fait preuve d’une résilience incroyable. Mais, malgré son envie de guérir, et sa prise de conscience, la maladie reprend parfois le contrôle. Ce qui peut déclencher des crises: "Je m’énerve, je me tape la tête mais je le fais parce que je sais très bien que tout se passe dans la tête, donc la maladie est dedans. C’est un peu pour lui faire mal! Je me fais mal mais j’ai l’impression que la maladie se prend tout et que moi je ne ressens pas la douleur. Ça me fait du bien, et ça me permet de me calmer rapidement", nous explique-t-il.

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Ces crises surviennent quand Logan "mange énormément". Aujourd’hui, il essaie de s’accepter et a réalisé qu’il pouvait manger sans forcément que ça ne change son corps: "J’ai réalisé que manger tout ce que je veux quand je veux ne change pas mon physique. Donc, je me sens mieux et je fais beaucoup moins de crises. La dernière remonte à il y a quelques mois".

Le long chemin vers la guérison 

Aujourd’hui, Logan ne se pèse plus car il sait qu’il va "rechuter". "La balance aujourd’hui je l’ignore, c’est un cercle vicieux, donc je ne me pèse plus. Je me fie à mon physique".

Plus que tout, il souhaite guérir une bonne fois pour toute: "J’ai envie de guérir aujourd’hui , pouvoir être heureux, avoir la vie dont j’ai toujours rêvé et que je n’ai pas pu avoir. Il faut encore que je fasse très attention, ça peut revenir à n’importe quel moment, mais il faut essayer de pas l’écouter (ndlr, la petite voix dans la tête, et donc l’anorexie)"

Malgré tout, le jeune homme se sent "fier" du chemin qu’il a parcouru jusqu’ici. Et se promet une chose : ne jamais retomber dedans. 

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