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Les arômes de cigarettes électroniques bientôt interdits en Belgique? "Le marché s'écroulera complètement", regrette Steven, professionnel du secteur

Le gouvernement belge envisage de restreindre les arômes des cigarettes électroniques pour réduire leur attrait, notamment auprès des jeunes. Une mesure critiquée par les professionnels du secteur, comme Steven, qui nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. Il craint un impact négatif sur son activité et pour la santé publique. L'avis n'est pas partagé par le tabacologue que nous avons interrogé.

Pêche, citron, fruits rouges, pomme… les arômes de cigarette électronique sont très nombreux et c'est sûrement ce qui plaît autant aux fumeurs. Mais en Belgique, cela pourrait bientôt changer.

La Fédération belge de la vape (FEBEVA) a lancé une pétition pour s’opposer à "l'interdiction des arômes dans la vape en Belgique", dénonçant ce qu'elle qualifie de "fausse bonne idée", "qui met en danger des milliers de vapoteurs et favorise le tabac et le marché noir".

S'il est vrai que le nouveau gouvernement veut s'attaquer aux arômes des e-cigarettes, il ne s'agit pas encore de les interdire : "Il faut réduire l’attrait des e-cigarettes en réduisant drastiquement la gamme d’arômes proposés", peut-on lire dans l'accord du gouvernement. Le texte argumente que l'engouement des jeunes pour le vapotage pose problème : "Il a été démontré que le vapotage peut inciter à fumer, bien que ce produit soit présenté comme un moyen d’arrêter le tabac ; en outre, il y a des indications sérieuses que ce (le vapotage) soit néfaste pour la santé."

Un avenir incertain pour les commerces spécialisés

Quelles seront les modalités de cette mesure, qui n’a pas encore été votée ? Pour le moment, rien n'est clair. Mais l’idée déplaît particulièrement à Steve Pomeranc. Ce gérant de plusieurs magasins de cigarettes électroniques nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous et ne cache pas son inquiétude. "S'ils veulent restreindre les arômes, garder seulement le goût tabac, comme cela s'est fait aux Pays-Bas récemment, le marché s'écroulera complètement, les magasins fermeront."

En effet, depuis le 1ᵉʳ janvier, les magasins néerlandais ne peuvent vendre que des e-cigarettes ou recharges aromatisées au tabac. Conséquence : certains vendeurs ont décidé de s'installer de l'autre côté de la frontière, en Flandre.

Il va falloir que j’étoffe mon magasin et trouve autre chose en plus

"Si on interdit tous les arômes, effectivement, il va falloir que j’étoffe mon magasin et trouve autre chose en plus, parce que ce n'est pas suffisant de ne vendre qu’un goût de tabac", admet Steven. "Si on limite les arômes à une liste précise, ça peut être encore jouable, même si c'est pénalisant pour le consommateur final", ajoute-t-il.

Il insiste : "Supprimer tous les arômes, ce serait la fin des magasins spécialisés et des grossistes qui travaillent avec le marché des cigarettes électroniques".

Les arômes, un attrait pour les jeunes

Le risque pour la jeunesse, évoqué par le gouvernement, n'inquiète-t-il pas ce commerçant ? "Cet argument n'est pas recevable", répond-il sans hésiter. Steve Pomeranc affirme que la cigarette électronique est "95 % moins nocive" que la cigarette classique. Il convient toutefois de préciser que cette étude, à laquelle il fait référence, parue dans la revue European Addiction Research en 2014, est aujourd'hui largement contestée. Le pourcentage précis de la réduction des risques n'est pas établi.

Les cigarettes électroniques contiennent encore des particules ultrafines et d'autres toxiques qui présentent des risques pour la santé. Les effets à long terme restent inconnus.

Une étude récente, commandée par la Fondation contre le Cancer et réalisée par Indiville en 2023, révèle que 38 % des jeunes de 15 à 20 ans ont déjà vapoté, 32 % l'ont fait au cours de l'année écoulée, et 16 % vapotent encore actuellement. Les jeunes qui fument ou vapotent aujourd’hui ont, en moyenne, utilisé une cigarette électronique pour la première fois à 16 ans et demi.

En ce qui concerne les arômes, l’étude démontre qu’ils ont leur importance : près de quatre jeunes sur dix (38 %) indiquent que la curiosité pour les arômes a été l’une des raisons de commencer à vapoter.

De manière générale, la plupart des études confirment que les arômes des e-cigarettes attirent les jeunes et augmentent leur intérêt pour le vapotage. En effet, les saveurs non traditionnelles, telles que les fruits et les bonbons, sont particulièrement attrayantes pour les adolescents, par rapport aux saveurs de tabac. De plus, les jeunes perçoivent souvent les e-cigarettes aromatisées comme moins nocives que celles au goût de tabac.

Interrogé, le tabacologue Martial Bodo est tout à fait favorable à l'idée d'interdire ou de limiter la quantité de saveurs disponibles. Selon lui, ces goûts sont même choisis pour plaire aux jeunes : "Il faut que ce soit attrayant, il faut que ce soit bon. D’ailleurs, vous pourrez constater que ce sont essentiellement des arômes sucrés", réagit-il.

Un frein pour les fumeurs souhaitant arrêter ?

Mais qu'en est-il des fumeurs de tabac, qui ont trouvé dans la cigarette électronique une manière de réduire, voire de supprimer leur consommation de cigarettes classiques ? Steve Pomeranc assure que ses clients sont principalement des fumeurs essayant d’arrêter. Selon lui, une interdiction des arômes pourrait les encourager à reprendre la cigarette classique ou à aller chercher des recharges ailleurs. "S’ils n’ont plus de bons goûts, ils iront, par exemple, sur le marché français ou un marché noir. Donc tout le monde serait perdant, en fait. Tant sur le plan de la santé publique que sur celui des magasins qui ont pignon sur rue et qui sont sérieux", réagit-il.

L’étude d’Indiville indique qu’effectivement, pour les personnes de plus de 20 ans, la cigarette électronique est souvent perçue comme un moyen d’arrêter de fumer, avec près de neuf personnes sur dix (88 %) l’utilisant à cette fin. Cependant, chez les jeunes de 15 à 20 ans, seul un sur cinq (20 %) utilise la cigarette électronique comme outil de sevrage tabagique. L’étude suggère que pour eux, le vapotage est souvent une activité en soi, plutôt qu’une méthode pour arrêter de fumer.

Passer par l'étape de la cigarette électronique n'est pas le chemin le plus rapide

Le tabacologue Martial Bodo n'encourage, toutefois, pas cette manière de quitter la cigarette classique. "Pour quelqu'un qui ne veut plus fumer, passer par l'étape de la cigarette électronique n'est pas le chemin le plus rapide pour arriver à ses fins parce qu'il va entretenir toute la connexion de la dépendance psycho-comportementale et psycho-émotionnelle", explique-t-il.

Concrètement, le tabacologue ne nie pas que certains fumeurs réussiront à l'utiliser comme une "passerelle" pour arrêter plus tard. Il affirme malgré tout que la majorité continuera de fumer la cigarette électronique. "Le point commun entre la cigarette classique et la cigarette électronique, c’est la présence de nicotine", ajoute-t-il.

Des incertitudes sur la réglementation à venir

Quoi qu'il en soit, le projet du gouvernement n'est pas encore d'actualité. Nous n'avons, pour l'heure, pas pu obtenir plus d’informations sur les modalités précises ou le calendrier prévisionnel auprès du cabinet du ministre Frank Vandenbroucke.

En attendant, le prochain changement pour la vente des cigarettes électroniques aura lieu le 1er avril : les produits du tabac et du vapotage ne seront plus visibles dans les étals des magasins en Belgique.

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