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Le lac de Warfaaz, vidé à la suite des inondations de 2021, est aujourd’hui envahi par une végétation spontanée, au grand désarroi des riverains. Le chantier a été freiné par des études et l'est toujours par des travaux qui prennent du retard en aval du barrage. Bonne nouvelle cependant : les terres analysées ne sont pas polluées, ce qui allège la facture finale estimée à 9,95 millions d’euros. Si tout va bien, le nouveau lac, plus profond mais à un niveau plus bas, pourrait renaître d’ici 2027.
Maria Luisa Franco habite "la perle des Ardennes". Cette septuagénaire a pour habitude de se balader autour du lac de Warfaaz, une des nombreuses attractions touristiques de Spa. Si elle nous a contactés via notre bouton orange Alertez-nous, c'est à la fois par tristesse et par agacement. En effet, "ça fait depuis 2022 que ce lac a été vidé et on nous avait dit "en 2023, 2024, ne vous inquiétez pas, vous allez retrouver votre lac". On est en 2025 et il n'y a rien qui bouge. Il y a les arbres qui poussent au milieu ! Ce n'est vraiment plus une attraction touristique comme ça l'était avant. Même pour les gens qui se promènent autour, on se promène comme si on allait au cimetière." Et pour cause, une petite forêt de jeunes arbres y a remplacé les pédalos. Seule subsiste une flaque devant le déversoir du barrage.
Endommagé par les inondations de 2021
Pour comprendre l'origine du problème, il faut remonter aux inondations catastrophiques de juillet 2021. Le barrage, qui régule le débit du Wayai, a été fragilisé par les crues exceptionnelles. La Ville a alors constaté un double problème. D'abord, les vannes qui sont à la sortie du lac en direction du centre-ville ne fonctionnaient plus. "Pendant de très nombreuses années, elles n'ont pas fait l'objet d'un entretien adéquat", explique l'ancienne ministre Alda Greoli, aujourd'hui échevine des Travaux à Spa, qui gère le dossier. Ensuite, "on s'est rendu compte qu'il y avait une épaisseur de résidus qui faisait que le lac n'était plus en capacité de remplir sa fonction" historique de bassin d'orage.

Le rénover pour qu'il retrouve sa fonction de bassin d'orage
La commune a alors décidé de rénover l'ouvrage inauguré initialement en 1892. Le but : lui permettre de redevenir un bassin d'orage fonctionnel, pour se vider en partie avant une crue et stocker ensuite l'eau de celle-ci. Cela réduira le risque d'inondation au niveau du Wayai à Spa, puis de la Hoëgne à Theux et de la Vesdre à Pepinster. Au programme : la rénovation du barrage et de son déversoir d'une part "avec la volonté d'ajouter une petite centrale électrique", mais aussi celui du bassin de décantation en amont du lac. "Le décanteur ne jouait plus sa fonction d'empêcher un certain nombre de résidus de s'accumuler dans le fond du lac", précise l'échevine.
Il faudrait qu'ils se bougent hein !
Rénover le lac car c'est nécessaire, Maria Luisa le comprend parfaitement. Son problème, c'est le délai. Une fin de travaux annoncée initialement en 2023 … et pas l'ombre d'un engin de chantier alors qu'on est en 2025. "J'ai vu les panneaux à l'entrée du lac pour montrer le futur de ce que sera le lac. Mais quand le futur ? J'ai 73 ans et je me demande si un jour je verrai encore ce lac. Il faudrait qu'ils se bougent hein !"
Une question à plusieurs millions : des boues ou des terres ?
"Je pense que c'était la première date évoquée mais entre-temps, il y avait toute une série d'études qui ont retardé les choses", explique Alda Greoli. Il a d'abord fallu attendre plusieurs mois après les inondations pour vider le lac, car en été, il faisait trop chaud pour déplacer et sauver les poissons. Ensuite, il y a eu les études de stabilité et étanchéité du barrage et du déversoir. Mais "la principale étude qui explique ce retard est en fait l'analyse des terres, des sédiments, dans le fond du lac, parce qu'en fait vous n'avez pas du tout le même traitement si elles sont considérées comme des boues ou des terres", détaille-t-elle.
Bonne nouvelle : pas de pollution, la facture diminue
La différence n'est pas la viscosité des sédiments, mais leur toxicité. Les terres sont saines, contrairement aux boues qui sont "chargées d'éléments qui nécessitent une dépollution particulière. Ça aurait multiplié quasiment par trois le coût de rénovation du lac si les terres avaient, après analyse, été considérées comme polluées. Vous comprendrez que ça valait la peine d'attendre d'avoir le résultat de ces analyses qui ont d'ailleurs permis que ces terres soient bien des terres et donc ne soient pas polluées", se réjouit l'ancienne ministre.

Une importante intervention européenne possible ...
Pour avancer au plus vite, un terrassement a déjà été réalisé le long du lac pour arriver aux terres à évacuer. Mais pour démarrer concrètement les travaux, il faut désormais attendre certains financements, explique encore Alda Greoli. "Les travaux d'ouvrages, et donc la remise en état du lac, du déversoir, du décanteur, de l'installation électrique etc, on en est à une estimation TVA comprise de 8,95 millions d'euros, dont 8 millions pourraient être pris au travers d'une intervention" européenne.
... qui retarde un peu la finalisation auprès du nouveau gestionnaire du dossier
La SPI, l’agence de développement économique pour la province de Liège qui gère désormais le dossier, a en effet soumis via le gouvernement wallon une demande d'intervention des budgets européens qui avaient été débloqués suite aux inondations de 2021. En janvier 2025, la Région wallonne a déjà pris un accord de principe qui garantit ces 8 millions de subsides. Mais le dossier, qui comporte désormais une demande d'aide européenne, doit repasser auprès du gouvernement wallon et "j'ose espérer que ça va remonter dans les prochains mois", confie l'ancienne ministre.
Budget total : 9,95 millions d'euros
"Pour ce qui est des aménagements touristiques et extérieurs, nous sommes à un budget estimé d'un million et nous allons rentrer une demande de subside en matière de tourisme pour une intervention de 50%". En décembre dernier, la Ville de Spa avait déjà inscrit au budget communal la somme de 15,6 millions d'euros pour ces travaux, dont le coût total est donc désormais connu, et moindre : 9,95 millions d'euros.

Un début de chantier retardé par d'autres travaux de la province de Liège
Enfin, une dernière chose retardera encore le début des travaux : d'autres travaux, un peu plus loin sur la rivière … "Il y a des conditions de sécurité préalables pour le début du chantier. Pendant les travaux, le lac ne pourra pas jouer son rôle de rétention donc il risque d'y avoir un débit un peu plus important du Wayai au centre-ville. Or nous avons eu un deuxième dégât important lors des inondations de 2021. Ce sont des voûtes du Wayai qui passent sous des maisons qui ont été abîmées et qui nécessitent des travaux. Travaux qui devraient être pris en charge par la Province mais qui n'avancent guère", déplore Alda Greoli. Pour accélérer les choses, la Ville de Spa et la Région wallonne vont avancer dans cette rénovation "en nous gardant le droit de se retourner sur la Province pour nous rembourser des travaux". Et tant que ces réparations-là ne sont pas terminées, le chantier du lac restera sur pause.
Un futur lac deux mètres plus bas que l'ancien
Mais une fois démarré, le chantier rénovera le barrage, le déversoir, les bassins de décantation et les aménagements extérieurs. Avec tous ces changements, à quoi ressemblera le "nouveau" lac de Warfaaz ? S'il retrouvera sa taille normale de 6,3 hectares, il sera cependant "à un niveau en temps normal, en dehors de période de crue ou d'inondation, de deux mètres en dessous de ce qu'il était", explique l'échevine des Travaux. Il gardera cependant la même capacité. C'est le fond du lac actuel qui sera creusé pour être plus profond de deux mètres. En cas d'annonce de crue, police et pompiers évacueront les personnes présentes dans cette zone inondable.

Le retour des pédalos ?
Concernant les abords, il y aura toujours une promenade qui en fera le tour. Elle sera agrémentée d'une terrasse avec vue sur le lac près de la route du barrage, de bancs, de zones d'observation de la faune et de la flore, de caillebotis et d'une zone de deux mètres de large entre la rive et des plantations pour y permettre à nouveau de pêcher. "Il y aura au moins autant de places de pêche qu'avant et peut-être un peu plus", assure Alda Greoli. Les pêcheurs devront cependant respecter certaines règles au début car le plan de rempoissonnement prendra 5 ans. Et pour les activités touristiques type pédalos ou activités hôtelières, "la volonté est qu'il y ait cette offre-là mais je ne vais pas cibler une activité en particulier. Les pédalos sont historiquement un amusement au lac mais d'autres choses peuvent être envisagées et donc pour l'instant on est en réflexion", explique encore Alda Greoli.
Elle se réjouit d'ailleurs de l'arrivée récente d'un repreneur pour une brasserie historique du bord du lac ainsi que du rachat d'un établissement de tourisme tout proche par un grand groupe hôtelier. Signes que beaucoup croient au renouveau du lac, même si l'échevine assure que les chiffres montrent que son absence ces dernières années n'a pas eu d'impact négatif sur les rentrées touristiques de la Ville.
Vers une date de fin de travaux en 2027
Enfin, la date à laquelle Spadois et touristes pourront profiter de ce lac de Warfaaz nouvelle version reste "difficile à prévoir quand on n'a pas celle du début des travaux … et qu'on doit tenir compte des périodes de nidification et intervenir en période de plus grande sécheresse", conclut Alda Greoli, qui annonce une fourchette large : "On peut imaginer qu'ils peuvent prendre entre un an et deux ans et demi". Rendez-vous donc au plus tard en 2027.


















