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"Nous sommes en train de nous adapter aux nouvelles épreuves qui arrivent": Bernard Werber se confie

Auteur à succès et notamment célèbre pour sa trilogie des Fourmis, l'écrivain Bernard Werber est revenu plus en détail sur sa vision de l'humanité et de son avenir, qui est un des sujets de son dernier livre, Le temps des chimères. Dedans, il y raconte comment son héroïne est sur le point de mettre au monde des êtres mi-humains, mi-animaux : des chimères. Rencontre. 

Votre dernier livre s'intitule Le temps des chimères. Quand on démarre le livre, on suit Alice, qui révèle un projet fou, sur le point d'aboutir. Quel est ce projet ? Comment est-ce que ça commence ?

Bernard Werber: Son idée, c'est qu'il faut préparer l'humanité à la prochaine épreuve et que l'une des manières de préparer cette humanité, c'est de la diversifier en formes. Actuellement, il n'y a qu'une seule forme d'êtres humains, c'est l'Homo sapiens. Mais avant, il y avait le Néandertal, il y a une Denisova, et d'autres formes d'humains qui étaient différents. Si bien qu'en cas de maladie ou en cas d'épreuves, il y avait d'autres possibilités. Et Alice, elle se dit que, en fait, une seule forme d'êtres humains, ça nous coince. Alors, elle va inventer trois autres formes en mélangeant les humains avec l'ADN humain et de l'ADN animal, et va obtenir des hybrides ou des chimères, c'est-à-dire des êtres moitié moitié animaux.

Il y a trois types d'hybrides : ceux qui volent, ceux qui vont dans l'eau et ceux qui creusent dans la terre. Pour le clin d'œil, ça fait ADN. On le révèle vite dans le livre donc je ne spoil pas grand-chose. On va avoir besoin de muter pour survivre, ou on pourra survivre sans ? 

Je crois qu'on va avoir besoin de changer de forme. Je crois qu'on a besoin de muter pour survivre. De toute façon, toutes les espèces ont muté. Nous avons eu déjà plusieurs épreuves de notre espèce. Rien que récemment, on a eu le covid, on a les guerres, on a la pollution, donc nous sommes déjà en train de changer. Et je pense que nous sommes en train de nous adapter aux nouvelles épreuves qui arrivent.

Et la grande idée de mon héroïne, c'est de chercher des solutions aux problèmes qui sont en train de nous arriver à toute vitesse et qui vont nous obliger à changer. De toute façon, nous n'avons que deux choix : soit changer, soit répéter les mêmes erreurs.

L'avertissement du livre dit : "Cette histoire se déroule exactement cinq ans après le moment où vous ouvrirez ce roman et vous commencerez à le lire". Et donc on se projette dans cinq ans et on y croit. Cela signifie que le futur est si incertain ?

Oui. Tout simplement parce que si je mets une année et que l'année se passe, on va s'apercevoir que ce n'est peut-être pas exactement ça. Il y a eu 1984, il y a eu 2001 l'odyssée de l'espace, et maintenant, c'est du passé, alors que ça semblait être un futur lointain.

J'essaye d'écrire pour donner de l'optimisme, pour dire aux gens : OK, ça va être compliqué, mais il y a des solutions et la problématique, c'est l'imagination. Et donc mon héroïne, Alice, ce qu'elle dit, c'est : avec mon imagination, j'ai trouvé une solution qui est de diversifier l'humanité. Et ce avec des humains avec des ailes, des humains avec des nageoires, des humains qui creusent. Mais en tout cas, si on ne veut pas utiliser ce genre de solutions, on va devoir soit disparaître, soit quitter la planète Terre.

Finalement, malgré les mutations qui existent, on se rend compte que les humains répètent quand même les mêmes erreurs. Et c'est paradoxalement complètement d'actualité aussi.

On a le choix entre la peur et l'amour. C'est ce que répète mon héroïne. Et là, on vit dans la peur. De toute façon, j'ai écouté les actualités avant de venir. C'est un peu anxiogène. Donc il y a un moment où on se dit 'oulala, c'est affreux'.

Et c'est ce qui se passe

Oui, mais il faut quand même réagir. Il ne faut pas rester comme des lapins face à un camion qui va les écraser. Il y a un moment, on doit se dire : OK, on pourrait aller à gauche, on peut aller à droite, on pourrait se baisser pour éviter le camion. Et c'est à nous, auteurs de science-fiction ou auteurs d'anticipation, de proposer des manières pour que les choses s'arrangent.

Moi, j'espère que les prochaines générations ont envie d'un monde meilleur que le nôtre, mais c'est à nous de trouver des idées et c'est un problème d'imagination. Donc c'est à nous, auteurs de science-fiction, de proposer des idées.

En lisant le bouquin, on se dit : mais finalement, c'est un livre qui est sur le temps long car il commence et se termine 60 ans plus tard. Mais ça pose la question de l'histoire de l'humanité en fait, et même de l'histoire du monde. Mais dans 100, 500 ans ou dans 10 000 ans, qu'est ce qu'on va retenir de ce que nous on aura fait ici sur terre et de notre passage ?

Justement, c'est une vraie question, et c'est une question que je m'autorise à poser. Et en même temps, je propose au lecteur de se poser. C'est au-delà de l'effet émotionnel de l'actualité immédiate. Regardons avec perspective d'où nous venons, qu'est ce qui s'est passé, comment notre civilisation est apparue et comment elle a été fragilisée et pourrait disparaître.

Déjà, le seul fait de remettre en perspective dans le temps, comme l'évoquait notre situation, ça fait qu'on est moins focus, on est moins focalisé. l'Empire romain a disparu, attaqué par les barbares, et on a mis 1000 ans avant de retomber sur la Renaissance. On fonctionne par effondrement et renaissance. Et là, ce que propose mon héroïne, c'est comment on va renaître après l'effondrement qui à l'air d'arriver.

Ce qu'il se passe, c'est la troisième guerre mondiale dans mon roman, mais je la gère en 20 pages. Mais là, c'est une péripétie, d'un coup, on rentre en expansion et tout d'un coup truc s'effondre. Et après, il faut trouver le moyen de retrouver de l'air, de renaître. Et j'essaie déjà de penser à l'épisode suivant. Mais en écoutant les actualités, je pense qu'on va avoir des petits soucis dans les mois à venir.

Vous posez aussi la question des avancées scientifiques. Parce que dans le livre, quand vous expliquez les mutations des hybridations humaines, on n'y est pas encore, en tout cas, légalement ou officiellement. Mais des hybridations entre plusieurs espèces, ça, vous l'avez expliqué, ça existe vraiment. On est pas loin de la vérité. On pourrait y arriver, à un moment donné, de créer un hybride humain, une chimère humaine.

Il y a deux ans, au Japon, ils ont autorisé la prolongation des fœtus qui mélangent de l'ADN humain avec de l'ADN animal. Jusque-là, c'était limité à quatorze jours, on pouvait fabriquer des êtres qui étaient un mélange d'êtres humains et d'animaux, mais il fallait les éliminer au bout de quatorze jours. Maintenant il n'y a plus de limite.

Et la raison pour laquelle on autorise ce genre de fabrication d'hybrides, donc de chimère, c'est pour avoir des organes pour les greffes, parce qu'on manque énormément d'organes pour les greffes. Et donc avec des mélanges homme-porc ou homme-singe ou homme-mouton, on espère fabriquer des organes, des cœurs, des poumons qui pourront nous être greffés et nous sauver.

Et c'est la raison pour laquelle ce que je raconte dans Le temps des chimères va réellement arriver. Même aussi dingue que cela paraisse, ça va arriver parce qu'en plus, il y a les Chinois et les Russes qui font des recherches clandestines et qui veulent fabriquer des mélanges entre hommes et animaux.

C'est saisissant ça. Je ne sais pas si on doit avoir peur ou se réjouir de l'avancée de la science.

J'ai essayé d'avertir les gens.

Mais est ce dangereux ou message d'espoir ?

Dans le bouquin, je montre les espoirs et les dangers. Mais surtout, je montre que ça va donner d'autres humains avec d'autres mentalités. C'est-à-dire qu'ils vont se retrouver à penser différemment, parce qu'ils volent, parce qu'ils nagent, parce qu'ils vont sous terre, et que ces êtres humains là, quelque part, vont enrichir notre culture et notre intelligence.

Mais notre humanité survit quand même. Et dans mes livres, je mets toujours un 'Happy End', parce que je veux que mon lecteur, quand il a fini de lire le livre, se dise : OK, ça va être compliqué, mais on va s'en tirer.

On sourit, mais on se pose comme beaucoup, beaucoup, beaucoup de questions. Et vous, entre les chimères de votre personnage, vous choisissez quoi ? L'air, l'eau ou la terre ?

L'air, parce que c'est le vol. Nous avons tous le fantasme de voler. (...) Quand on marche, on est collé au sol. Il y a cette idée de pouvoir s'élancer, voler, voir les choses de haut. Tout à l'heure, je disais que l'auteur de science-fiction devait essayer de remettre en perspective, mais quand on vole, on a automatiquement cette perspective.

Donc, c'est vrai, entre l'eau, l'air et la terre, je choisis l'air. Mais je crois que, s'il y a un réchauffement climatique, ça va être la terre. On va devoir vivre sous terre comme des taupes et ça fait partie aussi des possibilités. Ou dans l'eau, comme des dauphins ou comme des animaux aquatiques. Mais en tout cas, c'est bien de remettre cette possibilité en perspective et de se dire : 'OK, ce monde a de nouvelles possibilités, complètement dingue, et ça se peut qu'on puisse les voir'.

Vous sortez un roman tous les ans et ici, ça s'appelle Le temps des chimères. Le suivant, ce sera en octobre prochain. Il en est où ?

Alors justement, c'est en étant dans le TGV Paris-Bruxelles que j'ai trouvé mon début, mon décollage. Vous savez, c'est comme une fusée, il faut un lancement. J'avais déjà la structure, mais je n'avais pas le début. Et là, d'un coup, j'ai trouvé. Je n'ai fait qu'écrire sur tout le temps du train, donc je suis content pour ça. Rien que pour ça, ça valait le coup de venir. 

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