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Édito: comment passer à côté du brassard

C'est reparti pour un tour. Même l'IRM n'avait pas prévu une tempête pareille, qui secoue le bâtiment de l'Union belge comme un séisme avant une éruption. Thibaut Courtois, le taulier, le gardien suprême, balance ses vérités et déclare forfait pour l'Euro 2024. Légitime d'un point de vue physique, beaucoup plus douteux pour le reste. Dans une interview qui sent le vitriol et la rancoeur d'Arlon à Bruges.

Thibaut Courtois. Tout un personnage. Sur le terrain, un gardien comme nous n'en reverrons sans doute plus jamais en Belgique. Le roi du frisson, celui qui t'arrêterait n'importe quel ballon, tant qu'il peut aider l'équipe à s'imposer. L'homme qui a dit non à Liverpool, les privant d'une Ligue des Champions dans une finale qu'aucun gardien n'avait disputée à un tel niveau. Un génie. L'un des plus populaires parmi les fans, celui que l'on ne critiquerait pour rien au monde, tant son apport sportif est indiscutable. Cette claquette contre le Brésil, rien qu'à l'écrire, j'en pleure encore. Merci Don Thibaut.

Et puis soudain, problème. Depuis juin, c'est changement d'ambiance. D'abord, il y a cette décision de Domenico Tedesco, qui mérite d'être analysée et qui, peut-être, manquait un tout petit peu de psychologie. Ce sera Lukaku capitaine contre l'Autriche, Courtois contre l'Estonie. Et là, c'est le drame. Porte claquée, téléphone verrouillé, Domenico Tedesco s'est soudainement retrouvé face à un mur et n'a pas encore été capable de le façonner comme il fallait. Thibaut Courtois prend sa valise et s'en va retrouver sa future femme. Il laisse derrière lui un groupe médusé et des fans déçus, de voir qu'un vulgaire bout de tissu pouvait semer une telle discorde.

On savait que ça sentait le roussi. Parce que s'il y a un Diable Rouge qui ne baisse jamais la garde, c'est Thibaut Courtois. Question d'approche et ça, c'est comme ça, on ne peut pas s'immiscer là-dedans. Sauf qu'ici, au lieu d'arrêter l'hémorragie avec ses gants, il l'aggrave un peu plus. Pompier pyromane, tout ça. Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire, encore ? L'interview d'hier est celle qui sonne, je pense, le glas de ses ambitions internationales. Elle est lunaire et transpire la suffisance, alors même qu'il avait la légitimité d'incarner l'expérience dans cette équipe. 

Non, quand on se revendique capitaine en exigeant un respect qu'on refuse en fait de regarder en face (parce qu'il est là), on ne dit pas que certains joueurs ne méritent pas d'être en sélection, où que leur situation en club n'est pas suffisante pour pouvoir aider l'équipe nationale. Non, quand on se revendique capitaine, on ne prend pas la décision d'un coach de façon personnelle au point de faire passer son intérêt individuel, son ego, au-dessus de toute une équipe nationale. C'est la Belgique ici, pas le FC Courtois. Thibaut Courtois revendique un peu le fait d'être le porteur de la rébellion, mais il oublie certaines choses.

Lui, qui retourne la situation ? Ah bon ? Qu'a-t-il apporté de plus que quiconque pour renverser la France en Ligue des Nations ou l'Italie à l'Euro 2020 ? A-t-il, à ce moment-là, démontré une faculté supérieure aux autres à relever ses équipiers ? A-t-il oublié que Robson-Kanu, qui a flingué nos espoirs en 2016, était à deux doigts d'être sans contrat au moment de marquer ce but qui nous a tous fait sombrer ? A-t-il oublié qu'à la Coupe du monde, il n'a pas non plus su créer la magie qu'il semble prétendre avoir en lui ? Le microcosme du Real Madrid, où il est adulé, où il prétend avoir un respect largement supérieur à celui témoigné par les Belges, est loin d'être celui qu'il vend. N'oublie-t-il pas que certains médias ont milité, fut un temps, pour le reléguer sur le banc au profit d'Areola ? La vérité ? Personne n'a démontré cette faculté depuis Vincent Kompany. 

Et pourtant. Je garde en mémoire tellement plus de matchs dans lesquels il nous a sauvé que je ne lui en ai jamais voulu. S'il y en avait un à qui je ne reprochais rien du tout sur le terrain, c'était Thibaut Courtois. Et finalement, c'est en dehors qu'il massacre tout son accomplissement. Et il le fait seul, comme un grand, quoi qu'on en dise. On vit une situation ubuesque, où l'un des plus grands gardiens de la planète, si ce n'est le meilleur, s'excuse avant de déverser toute sa haine d'un homme, en prétendant être le seul à avoir une solution... sans la donner, ni la proposer. Il claque la porte et demande qu'on lui rende la poignée, ce serait dommage. 

Qu'aurait-on dû faire de plus ? Lui dédier la Grand-Place ? Renommer le stade ? L'anoblir ? Le respect, il l'avait. Y compris dans le vestiaire. Peut-être a-t-on manqué de considération du au fait qu'il était gardien. Peut-être pouvait-il vraiment prétendre à ce brassard, au départ. Loin de moi l'envie de dire que Courtois est le diable incarné. Mais je suis persuadé qu'il attend plus de gestes des autres qu'il n'est prêt à en donner. C'est un problème et ça a tout fait exploser en donnant finalement à tout le monde du grain à moudre autour de lui. Super gardien, petit capitaine. Ce n'est pas un problème, sauf quand on prétend être le super-héros sans en avoir la preuve. 

C'est un échec complet. Pour lui, pour Domenico Tedesco, pour les Diables Rouges. C'est un divorce décidé par un seul camp. Tout ce que je déteste, ce dossier le comporte. C'est tellement triste, tellement dommage. Parce que cela ne doit jamais arriver. La Belgique a besoin de Thibaut Courtois, mais quand un mur est si robuste, tu ne peux pas le transpercer. C'est son choix. Quitte à dire stop, autant au moins le faire avec classe, non ? Comme toujours, la résolution d'un tel problème dépend d'une volonté commune. Avait-il envie de reconnaître ses torts ? Domenico Tedesco a-t-il tout fait pour que cela s'apaise ? Sans doute pas, ni dans un sens, ni dans l'autre.

Et au bout du compte, c'est l'équipe nationale qui trinque. Santé, si on peut boire à la même table, évidemment. 

 

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