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Patricia Lefranc est une survivante. Mais elle garde les marques de son agression d’il y a 15 ans. Il est impossible d’oublier son visage, il est marqué à vie. Celle qui se bat désormais pour soutenir les victimes est encore incapable de se regarder dans un miroir. Toujours hantée par cet acte de violence.
« Aujourd’hui, je vais plus ou moins bien. Bien quand j’ai des choses à faire, moins bien quand je pense à tout ce qui a été fait sur 15 ans. À ce que ma vie est devenue. Qu’est-ce qu’elle aurait été si ça n’était pas arrivé ? », témoigne-t-elle.
Ses combats lui permettent de « tenir »
Celle que l’on a appelée la vitriolée a aujourd’hui 62 ans. Elle n’aurait jamais pensé atteindre cet âge. Ce qui l’a fait tenir, ce sont ses combats. L’an dernier par exemple, son visage est devenu celui d’une campagne internationale, lancée par une association à Londres.
Elle a accepté d’être mannequin et a été immortalisée par le photographe de la famille royale britannique. Elle raconte : « Faire des photos ce n’est pas évident mais je l’accepte parce que ça va avec mes convictions aussi. »
Elle a notamment rencontré la princesse Anne (NDLR : la sœur du roi Charles III) qui lutte aussi pour interdire l’acide sulfurique en vente libre. « Aider me permet aussi de tenir debout. J’ai fait beaucoup de conférences, j’ai aidé des gens. Ça me booste. Quand on m’appelle, je me dis que je suis quand même utile à quelque chose. »
« J’ai des frissons »
Il y a, en moyenne, 10.000 attaques à l’acide par an dans le monde. Notamment en Belgique. En mars dernier encore, une femme a été attaquée par des jeunes à Mons. En 2018, à Anvers, une femme de 49 ans était victime de son ex-compagnon… comme Patricia.
Patricia vit ces drames de l’actualité avec difficulté : « J’ai des frissons, le souffle coupé, parce que je sais ce que cette personne va vivre. Ça me met en colère. »
Une véritable rage. L’acide sulfurique est constamment dans son esprit, notamment quand elle se rend dans un magasin de bricolage. Elle passe toujours par le rayon des produits d’entretien. Nous l’avons fait avec elle.
Sur place, elle attrape une bouteille : « C’est de l’acide sulfurique à 15 %. » Le produit qu’elle tient dans la main est en vente libre. »
C’est insupportable pour notre interlocutrice : « Je veux absolument que cet acide sulfurique soit vendu avec une traçabilité au minimum. Je ne lâcherai pas. Mon empreinte sur cette terre est pour moi importante. Surtout pour mes enfants. Un jour peut-être, quelqu’un dira que c’est grâce à moi que ces produits ne sont plus à la vente. »
112 opérations
Une trace qu’elle laissera aussi avec cette image microscopique d’une de ses larmes. « C’est une larme différente. Elle est toute noire, cela montre que c’est la larme d’une personne qui a vécu un choc post-traumatique. » Cela tranche avec les larmes claires d’une personne qui n’a pas vécu de drame. Patricia Lefranc a subi 112 opérations chirurgicales. Son combat ne s’arrêtera jamais.
















