Partager:
Lorsqu’elle apprend que son père n’est pas son père biologique, qu’elle est née grâce à un don de sperme, Loréana a 20 ans. À partir de ce moment, elle n’a plus qu’une idée en tête, trouver qui est son géniteur. « On ne connaît pas nos antécédents médicaux. Ça paraît bête, mais c’est très important, témoigne-t-elle. On ne connaît pas les gènes qu’on va transmettre à nos futurs enfants. On ne sait pas si nous-mêmes, on est porteurs d’un gène, s’il y a une maladie ou quoi que ce soit ».
Et la jeune femme de se questionner : « D’un point de vue identitaire, est-ce qu’on peut savoir où l’on va sans savoir d’où l’on vient ? »
Certains parviennent à retrouver leur géniteur
Aujourd’hui, les donneurs de sperme ou d’ovocytes sont toujours protégés par l’anonymat, garantis par la loi. Dans les faits, de nombreux enfants nés grâce à un don sont parvenus à retrouver leurs parents biologiques. « Par recoupement avec les banques ADN récréatives, MyHeritage, des tests comme ça qui circulent sur Internet, certains ont trouvé des fratries et de proche en proche des membres de la famille d’un donneur. Et puis finalement, ils sont remontés jusqu’à leur donneur », raconte Dominique Raick, gestionnaire des donneurs et de la banque de sperme du CHC Montlégia.
Ailleurs en Europe, la loi a déjà changé
L’anonymat n’est donc plus garanti. Aux Pays-Bas et en France, la loi a déjà changé. C’est l’intérêt de l’enfant qui prime, son droit à savoir. En Belgique, la Cour constitutionnelle a dit la même chose en fixant un ultimatum, juin 2027. Le nombre de donneurs ne risque-t-il pas du coup de diminuer ? A priori, pas d’inquiétude du côté des hôpitaux.
« On peut avoir un changement du pôle de donneurs, estime Annick Delvigne, cheffe du service de procréation médicalement assistée au CHC Montlégia. C’est-à-dire que ceux qui sont accrochés à l’anonymat vont disparaître et d’autres vont réapparaître. C’est ce qu’on a vu dans certains pays qui ont changé leur législature. Mais je ne pense pas qu’on sera plus en carence que maintenant ».
Bernard a donné son sperme : « Sûr et certain que ça pourrait créer des super beaux échanges »
Il y a quelques années, Bernard a donné son sperme, un acte qu’il définit comme altruiste et sociétal. Sa semence a probablement déjà été utilisée pour au maximum 6 familles et 3 enfants par famille. Pour lui, il est important que ses enfants aient la possibilité, s’ils en ont besoin, de le rencontrer avec tout de même quelques limites. « J’ai l’intention moi-même d’avoir une famille. Donc si potentiellement avec 3 enfants par famille, 6 familles, j’ai 18 enfants qui viennent sonner à ma porte, il est possible que ce soit quelque chose qui soit un peu plus compliqué à gérer. Donc ce n’est pas une envie particulière, mais je suis sûr et certain que ça pourrait créer des super beaux échanges et que c’est une nécessité pour moi d’inclure ça dans mon processus de don ».
Le droit des enfants à connaître leur origine, c’est le nom du dossier qui est sur la table du gouvernement fédéral. « Enfin ! Il était vachement temps qu’on prenne en considération l’intérêt de l’enfant dans la balance », se réjouit Loréana.
À partir de quel âge et selon quelles modalités ?
Mais il reste de nombreuses questions à trancher. À partir de quel âge l’enfant pourra-t-il avoir accès à l’information ? Le ministre propose 12 ans. Selon quelle modalité, des demi-frères et demi-sœurs issus d’un même don pourraient-ils se rencontrer ? Faut-il inclure le don de sperme ou d’ovocytes dans l’extrait d’acte de naissance comme c’est le cas en France ? Loréana est parvenue à retrouver l’identité de son père biologique. Depuis, elle a le pas plus léger, elle l’a rencontré quelquefois et apprend lentement à le connaître.

















