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Depuis la réforme du décret paysage introduite par la ministre libérale Valérie Glatigny, les critères de finançabilité des étudiants ont été durcis. Concrètement, chaque cours compte pour un nombre déterminé de crédits. Les étudiants doivent obtenir les 60 crédits de la 1e année en 2 ans maximum, sous peine de perdre le financement de leurs études par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Si l’étudiant n’obtient pas ses crédits, il doit se réorienter. Le but de cette règle est de raccourcir la durée moyenne des études : chaque année en 2 ans maximum et pas plus de 5 ans pour obtenir le Bac (3 ans).
Mais la règle est largement contestée par les étudiants qui reçoivent pour l’instant les résultats de leur seconde session et qui tremblent à l’idée de ne plus pouvoir poursuivre leurs études. La FEF, la Fédération des étudiants francophones, estime que cette règle ne tient pas compte de la précarité des étudiants, de leurs situations sociales.
« Les bosseurs qui n’y arrivent pas pénalisés aussi »
« Le concept de finançabilité, donc le fait de dire qu’on ne peut pas faire ses études ad vitam aeternam, ce n’est pas un concept nouveau. Mais les règles ont été modifiées il n’y a pas longtemps. Et c’est pour ça que les étudiants sont en colère, c’est parce qu’ils estiment que les balises qu’on leur demande de réussir sont impraticables avec les conditions de vie étudiante aujourd’hui. Le nombre d’étudiants qui jobent a doublé, le prix des kots a augmenté. Il y a toute une série de choses qui étaient possibles avant et qui aujourd’hui sont beaucoup plus compliquées », explique son président, Adal Assaoui.
Mathis, qui étudie à Solvay à Bruxelles, est également du même avis. « Ce qu’ils aimeraient bien, c’est qu’au final il n’y ait pas trop d’étudiants qui glandent et « profitent du système » pour alléger les dépenses au niveau de l’enseignement. On peut pénaliser juste les étudiants qui ne travaillent pas mais on pénalise tout le monde et c’est là où est le problème justement. Où les glandeurs vont peut-être partir mais les bosseurs qui n’y arrivent pas à cause du stress, de l’angoisse, de la difficulté des cours, ce sont eux aussi qui sont des dans situations problématiques. Parfois en fin d’examen moi je vois des étudiants en pleurs ou les larmes aux yeux parce qu’ils ne sont plus finançables. À quel point c’est vraiment très très stressant et très angoissant. Qui après avoir eu leur dernière note d’examen voient qu’ils n’ont pas réussi et qui se disent « ah, là qu’est-ce que je fais ? ». »
« Je vis dans la peur »
« Je suis stressée par ce décret paysage. J’arrive à un point où je ne dors pas, je ne mange pas, je ne sais rien faire la veille d’un examen. Il faut absolument que j’étudie. Je n’ai pas le choix que de réussir et ça impacte ma vie personnelle », témoigne Enola, 20 ans, étudiante en 1re année de droit à l’UMons.
« J’ai perdu contact avec beaucoup d’amis et je ne m’en suis fait aucun à l’Université. Je suis toujours renfermée sur mon bureau à étudier et j’ai trop peur. Je vis dans la peur qu’on m’interdise d’étudier ce que j’aime. J’ai beaucoup d’amis qui ont été éjectés de l’Université parce qu’ils ne sont plus finançables et ils ont trouvé quelque chose d’autre à faire. Mais moi si c’était le cas je ne saurais pas quoi faire. Pour moi il n’y a pas de plan B, c’est que le droit ou rien. Je sais que si je ne suis plus finançable je ne pourrai pas continuer mes études. Ma mère sacrifie déjà beaucoup de choses pour me payer mon kot et mes courses, donc je suis consciente que sans finançabilité je ne pourrai plus continuer mes études. »
« Important qu’on puisse étudier des choses qu’on aime »
« Ce sont des gens qui ne nous connaissent même pas qui ont voté ça », estime-t-elle. « Moi j’ai vu des amis pleurer à leurs résultats en disant que c’était fini pour eux, qu’ils ne pourraient plus étudier. Qu’ils devaient choisir des études qui les intéressent beaucoup moins par dépit. Ce n’est pas l’objectif parce qu’on représente quand même l’avenir et c’est important qu’on puisse étudier des choses qu’on aime, des choses qui nous intéressent. Et mettre la pression sur les étudiants c’est contre-productif. On en vient à être complètement démoralisés, on n’en dort plus, on s’isole. C’est tout sauf bénéfique. »
D’autres prennent cependant ces nouvelles règles avec philosophie, comme Soufiane, également rencontré à Solvay. « Si je ne suis plus finançable, je vais devoir introduire un recours et si le recours ne passe pas je vais devoir m’inscrire autre part et où la vie me mène quoi. »
La FEF table sur 70.000 étudiants qui ne seront plus finançables et qui vont donc devoir se réorienter. Des chiffres contestés par l’administration qui tente d’obtenir le nombre exact.
















