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C’était une attente interminable. Plus de 11 heures assis sur les toits de leur maison. Durant tout ce temps, l’eau engloutit plusieurs habitations. Des voisins sont emportés. Madeline assiste à ces scènes d’horreur aux côtés de son mari et de ses enfants.
« À partir de 3 h de l’après-midi, on savait que nous, on était condamnés et il n’y avait plus de possibilité de descente. Donc il fallait qu’on nous évacue », racontait-elle le 15 juillet 2021.
Les pieds dans la boue. Une libération après 11 heures d’attente, un choc émotionnel après être passé sur les toits de six maisons différentes. 19 personnes sont sauvées, dont Madeline. Quatre ans plus tard, la revoilà au même endroit.
« Des civils ont placé deux bars de passage à niveau, se souvient-elle. Il y avait un muret, donc du muret jusqu’à la balustrade de la terrasse, et on nous évacue par le toit. Et puis on descend comme sur une poutre en fin de compte. Mes amis sont venus et m’ont pris dans leurs bras ».
Depuis les inondations de 2021, c‘est une partie de Pepinster qui a disparu. La commune a racheté les maisons devenues inhabitables avant de les détruire. En mars 2024, celle de Madeline a été rasée, comme beaucoup d’autres du quartier.
« C’est notre ancien quartier (…) Il n’y a plus rien », constate-t-elle.
Qu’est-ce que ça lui fait de voir ça ? « Je suis nostalgique de ce qu’il y avait avant, répond-elle. Mais c’est difficile quand même de se repérer. C’est un terrain vague. »
Avec l’argent de son ancienne habitation et l’enveloppe de la Région wallonne qu’elle a longuement attendue, Madeline a finalement pu racheter une nouvelle maison, toujours à Pepinster et toujours à 200 mètres d’une rivière. L’eau n’est pas devenue source d’angoisse, mais le choc psychologique de ces inondations n’a pas totalement disparu.
Les cicatrices, elles se referment toujours un peu
« La cicatrice est encore ouverte, mais on apprend à vivre avec », confie-t-elle.
Est-ce qu’elle repense encore à ce jour-là ? « Ça arrive., oui. C’est pas tous les jours. Avant, c’était quotidien. Ici, ce n’est pas encore fréquent, je trouve. Une fraction de seconde, un souvenir, une odeur. Quelqu’un qu’on croise dans la rue, qu’on n’a plus vu depuis un certain temps, par la force des choses. »
Madeline a pu redémarrer son métier de accueillantes d’enfants à domicile depuis quelques mois seulement. Après ces chocs psychologiques, reprendre une activité professionnelle, selon cette spécialiste, c’est l’une des manières de soigner sa santé mentale.
« Les cicatrices, elles se referment toujours un peu, assure Caroline Depuydt, psychiatre. Il faut du temps. Parfois, il faut beaucoup de temps. Mais heureusement, le temps, le fait de reprendre une vie aussi quotidienne, de retrouver des moments de joie permet quand même qu’une cicatrice, une plaie, se cicatrise. Par contre, une cicatrice ne disparaît pas toujours. »
Pour cicatriser, Madeline a décidé de mettre ses angoisses sur papier. Elle sortira l’année prochaine. Un livre qui devrait s’intituler Le printemps revient toujours, dans lequel elle raconte la manière dont elle a vécu ces inondations. Comme de nombreux sinistrés, elle revient encore régulièrement devant son ancienne maison devenue terrain vague. C’est ici, en juillet 2021, que sa vie a subitement basculé.


















