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Des prix cassés au détriment des conditions de travail? L'opérateur télécom DIGI, nouvel acteur en Belgique, est accusé d'employer des ouvriers roumains détachés et de négliger la sécurité sur ses chantiers.
Comment l’opérateur télécom DIGI, récemment implanté en Belgique, arrive-t-il à proposer des prix aussi bas? D'après une longue enquête de nos confrères de Het Laatste Nieuws, cela passe par des conditions de travail précaires et des économies inquiétantes sur la sécurité.
17 février, une cinquantaine d’ouvriers roumains arrivaient à Charleroi, envoyés par DIGI pour déployer son réseau mobile. L’opérateur, déjà actif en Roumanie, en Espagne ou encore au Portugal, impose une cadence soutenue pour s’implanter en Belgique. Actuellement locataire du réseau Proximus, il vise une autonomie totale d’ici 2030.
DIGI fait appel à des travailleurs détachés roumains, logés dans des maisons louées par l’entreprise. "Ils restent six mois avant d’être envoyés ailleurs", témoigne un ancien employé auprès d'HLN
Un ancien installateur belge a expliqué à nos confrères que ces travailleurs roumains gagnent un salaire minimum, mais peuvent gagner des primes s'ils posent plus de 300 mètres de câble par jour : "Trois euros par mètre de câble supplémentaire posé, à partager entre cinq installateurs. Mais 300 mètres par jour, c’est irréalisable si l’on veut un travail de qualité", dénonce-t-il.
Manque de sécurité flagrant
Des manquements en matière de sécurité sont également pointés du doigt. Plusieurs anciens employés dénoncent un manque flagrant de mesures de sécurité sur les chantiers. L’entreprise limiterait les coûts en fournissant des équipements de protection inadaptés. "Les chaussures de sécurité venaient d’Espagne et coûtaient à peine 18 euros la paire. Elles n’étaient vraiment pas suffisantes", explique un ex-technicien.
Les formations obligatoires pour le travail en hauteur n’auraient pas été respectées. "Normalement, il faut une formation spécifique pour escalader les bâtiments élevés. DIGI trouvait cela trop cher", accuse un autre employé.
Autre problème : le manque d’installations de base sur les chantiers. "L’accès à des toilettes est obligatoire, mais DIGI refuse d’en louer", témoigne un employé, évoquant une plainte déposée après des excréments retrouvés à proximité d’une cour.
Un contrôle en préparation
Selon Het Laatste Nieuws, des serveurs d'un centre de réseau de DIGI seraient situés dans le sous-sol d'une maison où vivent des travailleurs roumains, à côté de la buanderie.
Le SPF Emploi a confirmé au Tijd que les services d'inspection sociale vont entreprendre des contrôles chez l'opérateur, en coordination avec le service d'information et de recherche sociale (SIRS). Les informations de l'article du Laatste Nieuws sont "seulement un des éléments", fait encore savoir le SPF. L'auditorat du travail bruxellois indique pour sa part ne pas avoir ouvert d'enquête sur DIGI.
DIGI réagit
Face aux critiques, le directeur général de DIGI, Jeroen Degadt, se défend : "Ils ne sont pas nécessairement moins chers que les travailleurs belges (...) Le grand avantage, c’est que nous pouvons les déployer facilement et rapidement, alors que d’autres opérateurs peuvent prendre plus de temps pour chercher sur le marché du travail", répond-il. En ce qui concerne les exigence de 300 mètres par jour : "C’est réalisable. D’ailleurs, nous avons aussi des exigences en matière de qualité. Et l’existence d'une prime signifie également que les équipes sont bien rémunérées".
Au niveau de la sécurité, Jeroen Degadt assure que les sites sont surveillés par "des superviseurs locaux et des entreprises externes" et que des contrôles externes ont lieu. Bien que DIGI affirme que toutes les règles locales sont respectées, des contrôles supplémentaires sur les chantiers devraient avoir lieu.
Malgré ces assurances, plusieurs employés restent sceptiques. Certains ont déjà quitté l'entreprise : "Tôt ou tard, il y aura un problème grave, mais ce sera sans moi", lâche l’un de ces anciens employés interrogés par HLN.



















