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Tour à tour chauffeur de taxi, serveur, ouvrier, Pierre a travaillé toute sa vie. Aujourd’hui coordinateur logistique, il vient pourtant d’apprendre qu’il lui manque un jour de travail en 1985 pour que cette année soit comptabilisée dans le calcul de sa pension : « J’ai terminé mes études le 30 juin 1985 et je suis rentré à l’armée pour faire mon service militaire le 1er juillet, raconte-t-il. Si on calcule du 1er juillet jusqu’à fin décembre, j’ai 155 jours. Donc il était impossible pour moi de faire plus de jours que ce que je n’aurais pu faire puisque je sortais de l’école ».
Il avait pourtant déjà tout planifié : partir vivre avec sa compagne en Thaïlande l’été prochain. Il a d’ailleurs commencé à vider sa maison pour le grand départ, un projet mûrement réfléchi, aujourd’hui remis en question. « C’est assez choquant de voir que, pour un jour, je devrai retravailler un an de plus », confie-t-il.
Pierre n’est pas un cas isolé. En Belgique, l’âge de la pension recule réforme après réforme. Hassane Bousetta est professeur d’université et ancien sénateur. Il l’avoue, tous ces changements en cours de carrière fragilisent la confiance envers le monde politique. « Il y a à l’heure actuelle une forme d’appauvrissement collectif qui crée des détresses sociales assez profondes, constate-t-il. Toutes les grandes réformes qui visent à assainir les finances publiques au détriment de la protection sociale font douloureusement mal, en particulier aux classes populaires ».
Un jour manquant, une année supplémentaire. Résigné face aux murs qui se dressent devant lui, Pierre n’a d’autre choix que de continuer à travailler. « La plupart des hommes politiques croient que parce qu’ils ont été élus, ils peuvent tout faire parce qu’on les a élus, déplore-t-il. Ils n’écoutent pas le peuple. Et je veux bien comprendre, mais ils trouvent de l’argent pour certaines choses, mais pour ses propres citoyens, ils n’y arrivent pas ».
Pour lui, la retraite devait marquer le début d’une nouvelle vie. Elle sera finalement reportée comme pour des milliers d’autres travailleurs confrontés aux réformes.
