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À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, ce mardi 10 décembre, les bâtonniers belges ont visité les prisons du pays pour mettre en lumière les failles du système pénitentiaire. Surpopulation, conditions indignes, inefficacité : ils appellent à une réforme profonde et à l’exploration de solutions alternatives.
Les prisons belges, loin de résoudre les problèmes de criminalité, exacerbent souvent les fractures sociales: c’est le constat des bâtonniers et bâtonnières du pays, qui, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’Homme, visitent plusieurs établissements pénitentiaires afin de dresser un état des lieux inquiétant. Surpopulation, conditions de vie indignes, réinsertion compromise… Selon eux, le "tout à la prison" ne fonctionne pas. Et pour cause: 57 % des détenus récidivent, selon une étude du NICC publiée en 2015.
Les prisons se remplissent au rythme de leur construction, sans distinction entre détenus en attente de jugement et condamnés. Une réalité que regrettent les bâtonniers du pays. "On y entasse les détenus sans distinguer les longues peines des courtes peines, les personnes condamnées de celles qui sont en détention préventive et attendent, parfois très longtemps, d’être jugées", écrivent-ils dans un communiqué. Selon eux outre, la surpopulation carcérale ne fait que créer "des hautes écoles pour délinquants", les conditions de vie "indignes néfastes à la réinsertion" ne feraient qu'augmenter "les risques de récidives et d'insécurité dans nos rues". Ces conditions ne concerneraient pas que les détenus, mais également les agents pénitentiaires.
Repenser la sanction
Pour les bâtonniers, la prison ne peut plus être l'unique réponse à la délinquance. Si elle reste nécessaire pour certains criminels, d'autres solutions doivent coexister. Parmi les pistes évoquées: des peines de travail, des transactions financières adaptées aux revenus des délinquants ou encore des mesures de médiation et de prévention. "Il ne s’agit pas d’abolir les prisons, mais de leur redonner un rôle qui respecte les droits fondamentaux", explique Marie Dupont, bâtonnière francophone de Bruxelles.
Un tiers des détenus en Belgique se trouvent en détention préventive, parfois pendant des mois, sans jugement. Une situation que les avocats jugent intolérable dans un État de droit. "Si l’emprisonnement est nécessaire pour certains délinquants et criminels, il est essentiel de s’interroger sur l’efficacité d’un système qui, plutôt que de favoriser la réinsertion, semble accroître les risques de récidive", indique quant à lui Me Frank Judo, le bâtonnier néerlandophone de Bruxelles.
Des coûts pour l'État
En Belgique, un détenu coûte en moyenne 55.000 € par an, soit 700.000 millions d'euros par an pour les 12.700 personnes se trouvant en prison.
Le pays compte 35 établissements pénitentiaires en Belgique, avec des capacités variant entre moins de 100 places (7 prisons) et plus de 400 places (9 prisons). L'augmentation des places de prison de 50 % en 30 ans, tandis que la population carcérale a progressé de 80 %. La Belgique est le 4ᵉ pays d’Europe en termes de surpopulation carcérale (chiffres de septembre 2024).
"L’investissement dans l’agrandissement des établissements pénitentiaires, sans une révision des politiques pénales, alimente uniquement la surpopulation carcérale", précisent les bâtonniers. Autrement dit: un prisonnier coûte un certain montant au pays et ces coûts augmentent sans que des conséquences et bénéfices ne soient ressentis.
Quelques chiffres
Le 31 décembre 2023, le nombre de prisonniers a augmenté dans toutes les catégories mais les courtes peines ont enregistré les hausses les plus significatives : les internés sont passés de 850 à 979 (+129), les condamnés à moins d’un an de peine de 121 à 178 (+57), ceux condamnés à une peine de un à trois ans de 396 à 845 (+449), et les détenus
purgeant une peine de trois à cinq ans de 1 555 à 1 820 (+265). Cette tendance s'est poursuivie après le 31 décembre, avec 992 internés au 4 mars 2024 (+13), 279 prisonniers condamnés à moins d’un an(+101), 987 condamnés à une peine de un à trois ans (+142), et 1 906 condamnés à une peine de trois à cinq ans (+86).
La surpopulation carcérale est de 12,3%.
En mai 2024, l'État belge devait 24 millions d’euros pour violations des droits de l’Homme en lien avec les conditions de détention.
Un appel à l’action
Les bâtonniers souhaitent que leur mobilisation dépasse le symbole. En compilant les observations issues de leurs visites, ils espèrent convaincre les décideurs politiques de s’attaquer aux racines des problèmes carcéraux. Le message est clair : il faut traiter les détenus avec dignité, car des conditions de détention humaines favorisent la réinsertion et renforcent la sécurité publique.