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Dans Lyon et sa région, la culture persistante des braquages de fourgons

L'attaque spectaculaire il y a une semaine à Lyon d'un transport de fonds, pour un butin estimé à 9 millions d'euros, rappelle que la région, bastion du grand banditisme, a conservé sa tradition de terre de braqueurs professionnels, dont la Suisse voisine constitue le nouvel eldorado.

"A Lyon et en Rhône-Alpes s'est développée historiquement une culture du vol à main armée qui est persistante. Il y a peu d'endroits sur le territoire national où cette culture est aussi présente", résume à l'AFP le commissaire Yann Sourisseau, patron de l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO), compétent sur toute la France.

Les attaques de banques ont "marqué un peu le pas au début des années 2000", avec la reconversion de braqueurs dans le trafic de stupéfiants, précise un policier lyonnais.

Mais certains ont fini par abandonner ce "business compliqué" pour revenir "à leurs premières amours", ajoute-t-il.

"Sur le bassin lyonnais, vous avez beaucoup d'ateliers de bijouterie. Et qui dit joaillerie dit métaux précieux… Il y a ici des sociétés que vous n'avez pas ailleurs, c'est pour ça que vous avez de grosses attaques depuis quelques années", analyse ce même policier.

Deux transporteurs chargés d'or ont ainsi été attaqués en banlieue lyonnaise en décembre 2016 à Dardilly, pour une valeur marchande de 2,5 millions d'euros, puis en avril 2017 à La Tour-de-Salvagny.

Avec l'attaque de Lyon le 28 août, "ce qui est nouveau, c'est le retour en France des braquages de fourgons bancaires blindés", plus rares ces dernières années, souligne le policier lyonnais.

"On en comptait jusqu'à dix à vingt par an dans les années 90. Désormais, on a une ou deux affaires par an maximum, voire aucune", abonde M. Sourisseau.

"Il y a très peu d'équipes qui peuvent le faire. Il faut une logistique importante, savoir qu'il y a un certain montant dans un fourgon blindé à tel moment, être suffisamment nombreux mais agir de façon discrète, avoir des armes, des gilets pare-balles, des voitures volées", énumère le chef de l'OCLCO. "Ça ne s'improvise pas du jour au lendemain".

- Culture du cash -

Pour décourager les attaques, les sociétés françaises de transport de fonds ont drastiquement renforcé leurs dispositifs de sécurité, avec notamment des "valises permettant la maculation" des billets pour les rendre inutilisables, explique à l'AFP François Daoust, le délégué général de Fédération des entreprises de la sécurité fiduciaire (Fedesfi).

Le braquage de Lyon, réalisé en centre-ville à la sortie d'une succursale de la Banque de France, pose aussi la question d'une éventuelle faille de sécurité ou d'une complicité interne. Dans le milieu, il se dit que le coup a été "trop facile", note un avocat pénaliste lyonnais.

Il fait d'ailleurs presque exception dans le paysage criminel actuel car, depuis quelques années, le nouveau terrain de jeu des malfaiteurs s'est déplacé en Suisse, aux normes de sécurité moins strictes.

"En France, il y a des plafonds fixés par les transporteurs depuis des années mais ce n'est pas le cas en Suisse, où les valeurs transportées sont énormes", explique Yann Sourisseau.

En mai 2017, sept malfrats de la région lyonnaise ont ainsi été arrêtés au retour d'un braquage commis en Suisse. Le butin était colossal: 35 millions d'euros. "Cette affaire a aiguisé les appétits", assure le policier lyonnais.

La culture helvète du cash "implique des transports très réguliers" de liquidités, ajoute-t-il. Y compris la nuit où ils sont plus vulnérables car leur niveau de blindage est allégé pour respecter une législation anti-bruit qui interdit aux véhicules de plus de 3,5 tonnes de circuler.

"Il y a une porosité des milieux à la frontière franco-suisse, on a affaire à des gens qui ont des connaissances familiales, amicales et de fil en aiguille, des connexions se font", ajoute l'enquêteur lyonnais.

Côté français, la crainte est qu'à l'avenir la Suisse inspire des malfaiteurs au-delà de la région lyonnaise. "Des criminels aguerris et professionnels ont une capacité de projection qui dépasse largement les 300 km", prévient le patron de l'OCLCO. "S'ils ont la certitude de mettre la main sur un butin conséquent, ils vont le faire".

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