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Décryptage: entre répression et dépénalisation, comment lutter contre les trafics de drogues?

Les actes de violence liés au trafic de drogue se multiplient à Bruxelles. Les habitants de plusieurs quartiers doivent s'habituer à vivre malgré les deals au pied de leur porte et les réglements de comptes de plus en plus fréquents. Il faut ainsi chercher des solutions pour lutter efficacement contre les drogues à Bruxelles. Les moyens sont nombreux, mais deux modèles tendent à s'opposer : le tout répressif ou la légalisation.

La Belgique est loin d’être le seul pays à devoir s’attaquer à de grands réseaux de trafiquants de drogues. Certains pays, comme le Salvador, ont choisi la méthode forte. Celui-ci est perçu par certains comme étant la "success story" de la lutte contre la drogue.

Car les effets sont, effectivement, évidents : le nombre d'homicides dans le pays aurait diminué de 70%, alors qu’il était, un temps, l’un des pays les plus dangereux au monde. C'est la politique du président Nayib Bukele qui explique ce résultat. Sa méthode est celle de l’état d’urgence, actif depuis 2022. Celui-ci lui permet d’arrêter sans mandat et de déployer l’armée dans les rues. Le commerce, la consommation et la possession de drogues sont strictement interdites. C’est ainsi que 75.000 "criminels" auraient été envoyés dans des méga-prisons.

Mais les organisations de défense des droits humains critiquent. Ils dénoncent des "détentions arbitraires", des actes de "torture" et des décès dans ces prisons surpeuplées. Les barrages militaires à l’entrée des quartiers défavorisés contrôlent tous les passants. Un tatouage, un casier judiciaire, ou le simple fait de vivre dans un quartier contrôlé par des gangs, peut valoir un Salvadorien la prison.

Plutôt impopulaire à l’étranger, Nayib Bukele vient pourtant de se faire réélire avec près de 85% des voix au Salvador. Le président, âgé de 45 ans n’hésite pas à ironiser sur sa réputation en s’auto-proclamant "le dictateur le plus cool du monde".

Chez nous, faut-il miser sur le répressif ? Pas question, bien entendu, d'emprisonner arbitrairement. "On est dans un État de droit", réagit le professeur de criminologie à l'UCLouvain, Christian De Valkeneer. Il admet cependant que les efforts sur le plan judiciaire sont toujours importants : "Il faut travailler sur tous les maillons de la chaîne. Du gros trafiquant sur le plan international, qui va importer en Belgique ou en Europe des tonnes de cocaïne, jusqu'au dealer. Il faut développer des moyens judiciaires importants, aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau local", estime-t-il.

Pour le criminologue, ces méthodes répressives, à l'encontre des trafiquants, ont un intérêt bien spécifique : "Cela permet d'exercer une pression sur l'offre. On va diminuer l'offre, donc cela veut dire que le produit va augmenter de prix aussi. La cocaïne est peu chère aujourd'hui. Son prix a diminué parce que sa production a augmenté. Si on peut agir sur l'offre, on peut agir sur le prix de la cocaïne. Si le prix augmente, peut-être qu'il y aura moins d'amateurs", explique-t-il.

La dépénalisation ?

Le Portugal a choisi, il y a plus de vingt ans déjà, une tout autre approche : la mise en place, dès 2001, de sa "stratégie sur la drogue". Ce pays qui était considéré, dans les années 70, comme étant une plaque tournante du trafic international a décidé d'agir. Le Portugal choisit d'abord la répression, sans succès, pour finalement se tourner vers la dépénalisation. L'idée était, initialement, de réduire le nombre de nouveaux cas de VIH et de SIDA.

L'objectif est de ne plus considérer les toxicomanes comme des criminels (qui engorgeaient alors les prisons portugaises et se partageaient les seringues) mais plutôt comme des malades. Le nombre de nouvelles infections au VIH a ainsi, selon l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, chuté de 1016 cas en 2001 à 30 en 2016. La quantité de décès a, elle aussi, diminué drastiquement. Surtout, la consommation de drogues au Portugal reste en dessous des moyennes européennes.

Les forces de l'ordre ne traquent plus les consommateurs, mais plutôt les trafiquants. Nuance cependant : la drogue n'est pas légalisée au Portugal, mais dépénalisée. Cela signifie qu'un consommateur attrapé sera renvoyé, non pas vers la justice, mais vers un service de santé. Il sera encouragé à se soigner pour arrêter.

Réguler les marchés

Se concentrer à soigner les consommateurs, c'est ce que prône la FEDA, la Fédération bruxelloise francophone des institutions pour toxicomanes. "La répression n'est pas utile pour les personnes qui n'ont pas une consommation problématique et pour ceux qui l'ont, il faut travailler avec eux et offrir un parcours de soin en fonction de leurs besoins, ou une aide social", déclare Stéphane Leclercq, le président de l'association.

En ce qui concerne la lutte contre les réseaux de traficants de drogue, la FEDA a une proposition concrète, dans la même ligne que la dépénalisation : "Il faut réguler le marché, depuis la production jusqu'à la vente", estime-t-il, en faisant référence principalement au cannabis. "L'année dernière, les réseaux criminels ont capté plus de 11 milliards d'euros. Ce sont des sommes colossales. Il me semble que l'État reprenne le contrôle de ces marchés en mettant en place un modèle belge ou européen, non-commercial, qui permettrait de mieux définir les taux de THC, les quantités qu'il serait possible d'acheter, à qui, dans quelles conditions et de mieux contrôler la situation".

Pour venir à bout des trafics de drogues, il semblerait que la réponse soit multiple, tant au niveau social, médical, éducatif et judiciaire.

 

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