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Guichetier chez Bpost, Benoît a écrit un livre sur ses plus belles rencontres: "Quand le quotidien devient extraordinaire"

Derrière le guichet de l’agence Bpost du quartier De Wand à Laeken en région bruxelloise, se trouve un homme de 64 ans discret et à première vue pas très loquace. C’est Benoît Hissette.  Le 1er mai, il va prendre sa retraite après 20 années de service passées dans la célèbre entreprise postale. Avant de quitter ses collègues, ses clients et ce métier de contact qu’il a adoré, ce Bruxellois a mis sur papier ses souvenirs les plus chers de ses nombreuses rencontres parfois truculentes, étonnantes ou savoureuses, et en a rédigé un livre "Carnets d’un guichetier ou l’étonnant ordinaire", soit une véritable ode au quotidien devenu au fil des 120 pages de son ouvrage tout simplement extraordinaire.

Je ne comprends pas que dans un lieu si ordinaire, on puisse vivre des choses si particulières

Un lieu de travail a priori "banal"

Ce livre rédigé à la première personne illustre les rencontres de cet homme au sein d’un bureau de poste. Entre transactions bancaires, achat de timbres postaux, l’auteur établit au fur et à mesure des mois de véritables liens avec ses collègues mais aussi avec de nombreux clients.

Entre les visites quotidiennes de Monsieur Jamme, les commentaires acerbes de Claudine qui le taquine "parce que le service est trop lent", le guichetier jouit des boutades, des habitudes, des remarques de ses clients sans jamais s'attarder sur sa propre personne. Ce narrateur dont les observations défilent et les sentiments humains foisonnent à profusion reste un mystère entier pour son lecteur.  "A priori, je voulais faire état de la surprise existentielle que j’ai eue de travailler dans un lieu "banal" où on n’attend rien de particulier. Je ne comprends pas que dans un lieu si ordinaire, on puisse vivre des choses si particulières", nous décrit-il d’emblée comme enivré par son quotidien.

Et c’est le pouvoir des rencontres humaines qui donne au livre de Benoît Hisette tout son sens.

Comme dans cette anecdote relayée dans son bouquin concernant une dame qui s'est fait voler son sac en faisant ses courses dans un supermarché et qui s'empresse dans le bureau de poste, accompagnée d'une autre, comme si elle cherchait refuge et du réconfort auprès de visages familiers. Elle n'a plus rien, ni argent, ni carte de banque, mais c'est une habituée du bureau. Benoît Hissette la reconnaît. A son grand étonnement, la dame, bouleversée, a quand même ses sacs de course avec elle. "Vous avez tout de même payer vos achats?", lui demande-t-il. 

"Non", répond la dame, "Mais les gens de la file ont voulu me les payer".

"Ces paroles, je les garde au fond de moi précieusement. Elles m'ont si soudainement surpris, et en même temps, si réjoui, si ramené à moi-même, à cette nature humaine qui se cherche et cherche à s'exprimer, besoin vital. Dans le pire, elle s'égare, dans le meilleur, elle se trouve. Elle découvre sa source, tel un exilé, revenant au pays", écrit le guichetier dans ses carnets, ébloui par cette humanité. 

Et de développer : "Chez bpost, les échanges avec les clients sont brefs mais certains se révèlent intenses. En très peu de temps, quelque chose peut se passer et c’est comme si on s’était parlé entre les mots et que quelque chose avait été transmis", nous raconte-t-il. 

"L’écriture me supplée"

Il poursuit: "Et puis je me suis posé cette question : mais pourquoi le soir en rentrant chez moi, me mettais-je à penser à un détail particulier d’un échange de ma journée et pas à un autre ? Je me suis mis alors à écrire pour exprimer ce que j’ai en moi. Enfant, on m’a dit : "Tais-toi, tu parles trop". L’écriture me supplée. Elle exprime ce que je n’ai pas l’habitude de faire", estime l’auteur.

"Je ne voulais pas laisser passer un moment. Je n’ai pas une excellente mémoire et je me suis dit, qu’il n’y avait rien de tel que de les noter. Faire cet exercice par écrit m’aide à mieux comprendre ce qui est intéressant, surprenant, ce qu’il y a eu dans une relation. Quand on veut approcher au plus près par la pensée une idée qu’on veut exprimer. Ce n’est pas toujours simple. On tourne autour. On n’a pas conscience de sa portée. Mais par écrit, on peut y arriver. C’est là, la force de l’écriture… "

En contraste avec ses carnets dont l’écriture est vibrante et les descriptions truculentes, notre interlocuteur se décrit comme un introverti. "J’écoute plus que je ne parle. j'ai toujours été comme cela." Mais derrière cette enveloppe contrôlée, se cache un esprit qui bouillonne et qui recherche à tout prix à faire de nouvelles rencontres, révèle-t-on à la simple lecture de cet ouvrage.

"Communiquer, ce besoin vital pour l’homme"

Pour Benoît Hissette, de nombreux clients se rendent avant tout dans les bureaux de poste pour communiquer et rencontrer des personnes: "Il y a bien sûr des clients qui viennent acheter des timbres, etc… mais ils viennent tout autant pour parler. Dans notre société, à l’heure de la digitalisation et de la fermeture de nombreux bureaux de poste, il y a ce besoin de parler, de s’exprimer, de rencontrer des gens qui reste fondamental. Si ce n’est pas dans le bureau de poste, c’est dans le coin de la rue, au supermarché. Les gens sont contents d’avoir des contacts et en sont à la recherche."

"Il y aura d'autres rencontres"

Deux mois avant de quitter son guichet, Benoît nous confie un peu ému, que cela va être sans doute difficile de dire aurevoir à ses collègues. "J’ai vraiment eu de la chance de pouvoir travailler avec une superbe équipe. Dans ces circonstances, venir au travail est quelque chose de très agréable, les matins sont légers. On est contents de tous se retrouver, d’échanger… Je ne peux pas m’imaginer comment cela peut être autrement… ", nous confie-t-il. Restrictions liées à la pandémie obligent, il n’y aura pas de dîner d’adieu mais "des petites attentions pour chacun", promet-il.

L’auteur des carnets d’un guichetier commence déjà à faire ses adieux à certains clients en leur distribuant des petits billets qui leur sont destinés. "Je veux prendre le temps de dire au revoir et ne pas partir du jour au lendemain. Mes petits billets sont des mots courts mais amusants, parfois accompagnés de dessins. Les clients sont touchés parce que cela marque des moments forts que l’on a vécus."

Benoît Hissette ne quitte pas tout à fait bpost. L’ancrage est réel chez les Hissette: "Sur 3 enfants, j’en ai deux qui travaillent chez bpost. J’ai une fille factrice et un fils distributeur de paquets", lance fièrement le guichetier.

Pendant sa retraite, Benoît Hissette va se mettre à l’écriture d’un deuxième livre : "Beaucoup de personnes me le demandent", confie-t-il. Et le philanthrope nourrit déjà de nouveaux projets. Il va travailler au palais de justice où il va accueillir les gens. "J’ai envie de rester actif, continuer à rencontrer des gens et faire partie de la vie active… Il y aura d’autres rencontres… ", lâche-t-il résolument optimiste.

"Carnets d'un guichetier ou l'étonnant ordinaire" à découvrir aux éditions Fidélité


 

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