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C’est la première fois qu’Adam, 13 ans, revient sur les lieux. « C’est là exactement. C’est là ils m’ont plaqué. Je me suis évanoui. » Le 5 mai dernier, il se trouvait place Rogier à Bruxelles. Ce jour-là, des émeutes éclatent au lendemain de la finale de la Coupe de Belgique. Adam a vu des jeunes s’enfuir. Il a suivi le mouvement et s’est fait rattraper par un policier. « Il a pris ma tête et me l’a plaqué sur le sol », explique-t-il.
En plus des blessures, le rapport médical confirme une commotion cérébrale. Comment expliquer cette violence qui semble disproportionnée ? La zone de police de Bruxelles Capitale-Ixelles refuse de répondre. Mais il y aurait, selon des policiers de la zone, des agents violents au sein d’un service.
« Des policiers qui dénoncent d’autres policiers, qui ne cautionnent pas le comportement, ça existe », note Patrick Baus, délégué permanent CGPS Police. « Cela donne une très mauvaise image de la police, alors que ce sont quelques individus ».
Avec sa famille Adam a porté plainte parce qu’il y a plus grave selon lui : il estime avoir été ciblé pour son apparence. Pas son comportement. « Certains sont violents, pas tous, mais je ne me sens plus en sécurité », dit-il. Selon le délégué général aux droits de l’enfant, il existerait une discrimination systémique au sein de la police.
« Il y a des dysfonctionnements au sein de la police, il ne faut pas le cacher. Ce n’est peut-être pas un processus conscient, mais ils interviennent de manière disproportionnée sur le même public », note Solayman Laqdim, délégué général aux droits de l’enfant.
Adam a-t-il été violenté pour son apparence ? Sarah Van Praet, criminologue, a étudié pendant deux ans les activités d’une zone de police bruxelloise. « Le profil qui a le plus de chance d’être contrôlé est un garçon jeune, racisé, qui traîne dans des quartiers populaires et dans une tenue qui l’identifie comme étant un jeune de quartier », note-t-elle.
Comme Adam, Wassim dit avoir été agressé par des policiers de la même zone le 5 mai. « Je n’arrivais plus à respirer et ils me disaient de la fermer, en me traitant de putain d’arabe. Avant, j’avais confiance en la police, maintenant c’est tout le contraire ».
Dans une circulaire, la précédente ministre de l’Intérieur avait nommé le problème. « Du profilage ethnique et des contrôles de police discriminatoires continuent de se produire. » Est-ce le fait d’individus isolés ? Pour Sarah Van Praet non. Le problème est systémique : les policiers agissent sur base d’ordres et de missions.
« Du bourgmestre par exemple, qui demande de contrôler plusieurs quartiers. Cela les amène à contrôler ceux qu’on leur demande de contrôler », note-t-elle. Des initiatives existent pour tenter de concilier jeunes et policiers. Des espaces de discussions, pour lever l’incompréhension et la colère. Dans des écoles, ou via des associations, ces rencontres offrent une vraie proximité, indispensable pour les policiers.
« Cela nous permet nous aussi d’avoir un contact facilité avec ces jeunes car on se connaît, il n’y a pas de problème de communication, ce qui permet de court-circuiter une tension », note Eric Frippiat, commissaire de police à la Zone de Bruxelles Nord.
Les plaintes pour violences policières sont en diminution : 2793 en 2021 et 2557 en 2023. Mais Wassim, par exemple, n’a pas porté plainte. « Car je ne crois en la justice, tout simplement », dit-il. Le sentiment que les policiers ne sont pas punis dérange et tronque les chiffres. Plus d’un mois plus tard, Adam n’a lui aucune nouvelle de sa plainte.


















