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Dans un monde anxiogène, Luz se rit des mâles

Guerres, épidémies, radicalisation, angoisse pour l'avenir de la planète n'y changeront rien: avec Luz, ancien dessinateur de Charlie Hebdo, reste de la place pour rire, cette fois-ci des mâles angoissés face aux attaques contre la masculinité "toxique".

"Testoterror" (éditions Albin Michel), BD sortie mercredi, est une "comédie graphique", selon son auteur, c'est-à-dire une charge, brutale et loufoque, contre le grotesque des "virilistes" se sentant menacés par le féminisme ambiant.

"En ce moment, ça n'est vraiment pas facile d'aborder le monde avec un grand éclat de rire", concède le dessinateur. "C'est beaucoup les femmes qui ont parlé de la virilité, de leur rapport avec cette virilité parfois toxique. (...) Peut-être que c'était important qu'il y ait un homme qui se moque des hommes sur 300 pages".

Avec une profusion de détails, dans le style abrasif à la Charlie, Luz dézingue tout le monde, un peu les femmes, passionnées d'huiles essentielles et de recettes au tofu, et surtout les mâles qui, à force de se vouloir "alpha", finissent bêtas.

Caricatural? Bien sûr. Le magazine L'Obs a cependant vu "humour et sagacité" dans la "zizanie" de Luz. D'après franceinfo, "son crayon n'a rien perdu de son originalité".

- Sortir de l'introspection -

"Certains hommes ont, en ce moment, une panique qui serait liée, selon eux, à l'égalité hommes-femmes, qui serait en faveur des femmes", constate l'auteur, interrogé par l'AFP.

Mais "les hommes sont les premiers à se donner eux-mêmes des injonctions", remarque-t-il. La "compétition" dans laquelle ils se sentent pris en permanence ou "ce mythe de l'homme surpuissant, (...) ce n'est pas les femmes qui leur imposent ça. C'est eux-mêmes!"

Luz (Renald Luzier de son vrai nom) est évidemment imprégné du féminisme de combat de Virginie Despentes, dont il a adapté en bande dessinée "Vernon Subutex", en deux tomes parus en 2020 et 2021.

Ce travail a été salutaire pour le faire sortir un peu plus de l'introspection. Il y est ramené, plus ou moins régulièrement, par son statut de survivant à l'attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015.

Ce matin-là, le retard de Luz à la conférence de rédaction lui avait fait échapper à la tuerie perpétrée par deux jihadistes.

Dans "Testoterror", le dessinateur tourne la page de l'année terrible que fut 2015. Son scénario imagine un virus venu de l'Est qui fait chuter le taux de testostérone des hommes. Le président de la République, lors d'une allocution télévisée, déclare solennellement: "Nous sommes en guerre".

- Homme remplaçable -

Se monte alors une résistance de mâles radicalisés (et ridiculisés par la BD), qui rejettent les consignes sanitaires, manifestent pour le droit aux manifestations les plus outrancières de la virilité et voient dans la pandémie un complot, prélude à un projet de "grand remplacement" des hommes par les femmes.

"J'ai utilisé pertinemment l'idée de grand remplacement parce que, souvent, le virilisme est très lié à l'extrême droite française", explique Luz.

Hélas pour le héros, il va se montrer très remplaçable, que ce soit dans son travail ou au sein de son foyer.

Que les inquiets se rassurent: c'est une pure fiction.

C'est elle qui permet à Luz, qui vit sous protection policière, de ne pas perdre sa foi dans l'humour, à une époque où les auteurs doivent songer à "ne pas heurter les sensibilités" et être exacts sur les sujets graves.

"Pour maintenir sa liberté de création, en fait, la meilleure des choses, c'est de créer son propre monde", affirme-t-il. "Le meilleur moyen, c'est de passer par la fiction. La fiction totale".

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