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"En 1999, dernier jour du festival, même heure, on était ici avec Émilie et on montrait Rosetta": vive émotion des frères Dardenne à la projection de "Jeunes mères"

"Jeunes mères", le dernier film des frères Dardenne présenté hier à Cannes pourrait prétendre à la Palme d'or ce soir lors de la cérémonie de clôture. La projection d'hier était aussi l'occasion de rendre hommage à Émilie Dequenne, décédée en mars, et que les frères avaient révélée il y a pile 26 ans dans leur film "Rosetta". 
 

Les frères Dardenne sont entrés vendredi dans la course pour une troisième et historique Palme d'or, au dernier jour d'une compétition cannoise qui a mis en lumière la star montante Josh O'Connor.

Dans "Jeunes mères", Jean-Pierre et Luc Dardenne suivent cinq adolescentes cabossées par la vie qui font leurs premiers pas dans la maternité. Trait d'union entre elles, une maison maternelle. Le duo belge, sacré à Cannes pour "Rosetta" (1999) et "L'Enfant" (2005), en fait l'épicentre de la reconstruction de ces filles-mères. S'ils étaient sacrés samedi, les septuagénaires deviendraient les premiers réalisateurs à totaliser trois Palmes.

"Emilie aimait la vie, donc vive la vie"

Après la salve d'applaudissements qui a suivi la projection, ils ont salué la mémoire d'Emilie Dequenne, décédée d'un cancer à 43 ans en mars, qu'ils avaient révélée dans "Rosetta". Ce rôle lui a valu le prix d'interprétation féminine. "Emilie était quelqu'un de très vivante", a déclaré Luc Dardenne devant une salle comble. "Emilie aimait la vie, donc vive la vie", a complété son frère. 

Vendredi fin d'après-midi, l'équipe de "Jeunes mères" a foulé le tapis rouge sur des musiques aux accents résolument belges, parmi lesquelles "Formidable" de Stromae ou encore "Vivre pour le meilleur" de Johnny Hallyday. Jean-Pierre et Luc Dardenne étaient également accompagnés des frères Michiel et Lukas Dhont, coproducteurs du long métrage.  

"En 1999, le dernier jour du festival, à la même heure, on était ici avec Emilie et on montrait 'Rosetta'. Aujourd'hui, nous sommes aux côtés de cinq actrices magnifiques qui ont le même âge qu'Emilie à l'époque. On vous applaudit en pensant à Emilie", a déclaré Luc Dardenne à l'issue de la projection. Son frère Jean-Pierre a lui parlé de "boule d'émotion" à l'évocation de ces souvenirs.    

Après cet hommage rendu à l'actrice disparue d'un cancer en mars dernier, l'équipe de "Jeunes mères" a ensuite quitté le Palais des festivals au son de "Quelque chose de Tennessee", autre chanson de Johnny Hallyday.  

300 candidates

Avec "Jeunes mères", les frères signent leur premier film choral. "C'est la première fois que l'on s'attèle à une écriture plurielle" avec son lot de défis comme l'intégration d'ellipses dans l'histoire, explique Jean-Pierre Dardenne. "Pour ce film, on a construit séparément cinq trajectoires avec différents éléments qui nous conduisent vers une trouée de lumière, même très fragile. Mais personne n'échoue", renchérit Luc Dardenne.    

Cette manière de travailler a poussé le duo à modifier le titre de son film, les jeunes filles devenant leur sujet principal et non plus la maison maternelle en tant que telle, comme initialement prévu. "C'est pour cela qu'on n'a plus appelé le scénario 'La maison maternelle' mais 'Jeunes mères'", confie Luc Dardenne.    

Un peu plus de 300 jeunes filles ont envoyé leurs candidatures en vue d'obtenir l'un des rôles. "C'est le fils de Luc qui s'est occupé du casting. On a rencontré 150 personnes, avec lesquelles on a un peu travaillé. Et puis on s'est assez rapidement retrouvé avec les cinq jeunes filles choisies", souligne Jean-Pierre Dardenne.    

Des répétitions intensives

Pour ce film, "on a beaucoup répété, plus que les autres fois", poursuit Luc Dardenne. "On a répété tous les plans, avec une caméra vidéo, dans les décors. Donc quand on s'est retrouvé au tournage, on a été très vite. On a tourné en 38 jours au lieu de 51."  

Outre les répétitions intensives qui ont accéléré le travail, le fait de travailler avec des nourrissons, dont le plus jeune avait cinq jours et était prématuré, a aussi forcé les frères à se réinventer. "Travailler avec des bébés nous a sans doute aussi poussés à aller plus vite, à ne pas viser une certaine perfection qu'on visait peut-être avant dans nos plans séquences", reconnait Luc Dardenne. "Tous les bébés ont été choisis alors qu'ils n'étaient pas encore nés. On a répété cinq semaines, dont quatre avec des poupées. En parallèle, les jeunes actrices ont suivi un coaching bébé. Une fois qu'elles ont été prêtes, on a poursuivi les répétitions avec de vrais bébés."  

Parmi les favoris pour la Palme d'Or

Habitués des marches, les deux cinéastes font partie du club très fermé des réalisateurs doublement "palmés" grâce à "Rosetta" (1999) et "L'Enfant" (2005).  Sur 13 longs-métrages réalisés par les frères, 11 ont été présentés au Festival de Cannes, dont 10 en compétition officielle. Outre les deux Palmes, le duo y a également raflé six prix majeurs: le Prix d'interprétation féminine (Emilie Dequenne) pour Rosetta en 1999, le Prix d'interprétation masculine (Olivier Gourmet) pour Le Fils en 2002, le Prix du scénario pour Le Silence de Lorna en 2008, le Grand Prix pour Le Gamin au vélo en 2011, le Prix de la mise en scène pour Le Jeune Ahmed en 2019 et un prix spécial pour la 75e édition du festival pour Tori et Lokita en 2022.  

Alors que le Festival de Cannes se clôturera samedi soir avec la remise des prix, le duo a déjà raflé deux récompenses secondaires sur la Croisette. Après avoir été récompensés, vendredi dernier à Cannes, par le Prix Ecoprod pour leur côté écoresponsable lors des tournages, les frères Dardenne ont en effet reçu ce vendredi le Prix du Cinéma Positif. Cette distinction leur a été remise sur la plage Gray d'Albion et consacre "un cinéma qui éveille les consciences, alerte, interroge l'industrie du cinéma et met l'art au service d'une société plus juste et inclusive".  

"Jeunes mères" sortira en salles le 4 juin en Belgique.

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