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Quand tombe Pâques ? La réponse éternelle est à Strasbourg

C'est une des grandes attractions de Strasbourg: l'horloge astronomique de la cathédrale, dont le carillon attire chaque jour les touristes. Mais ce monument séculaire contient aussi un ingénieux mécanisme, sorte d'ordinateur avant la lettre, qui permet de calculer à tout jamais la date de Pâques.

Sur le vaste calendrier en forme de cadran installé en bas de l'horloge, la fête chrétienne est bien indiquée cette année au dimanche 9 avril. Le résultat d'un savant calcul effectué juste à gauche du cadran par le "comput ecclésiastique", un incroyable enchevêtrement de roues métalliques exposé aux regards.

Ce "calcul de l'Eglise" est l'oeuvre de Jean-Baptiste Schwilgué, l'autodidacte qui restaura l'horloge entre 1838 et 1842.

L'Alsacien "est un des plus grands génies mondiaux -ou au moins français- du XIXe siècle", s'enthousiasme l'archevêque de Strasbourg, Luc Ravel.

Si certaines fêtes chrétiennes tombent à dates fixes, comme Noël le 25 décembre, d'autres sont variables comme Pâques, qui commémore la résurrection du Christ. En 325 de notre ère, le concile de Nicée a posé une règle: la fête de Pâques sera célébrée le premier dimanche qui suit la première pleine Lune du printemps.

En pratique, cela signifie que la fête peut tomber sur 35 dates différentes, entre le 22 mars et le 25 avril.

- Un comput en cache un autre -

Afin de pouvoir calculer la date de Pâques jusqu'à la fin des temps, Jean-Baptiste Schwilgué a mis au point cet étonnant mécanisme qui combine plusieurs variables: les phases de la Lune, le placement des dimanches, les années bissextiles...

Chaque année au 31 décembre, le mécanisme est remonté et les dates de Pâques et des autres fêtes qui lui sont liées (Ascension, Pentecôte...) se placent comme par miracle au bon endroit sur le calendrier de l'horloge astronomique.

Autre miracle: un premier comput ecclésiastique réalisé par Schwilgué et qu'on croyait perdu depuis la Seconde guerre mondiale a été retrouvé et confié à l'Eglise, qui compte l'exposer avant la fin de l'année à la cathédrale de Strasbourg.

"C'est une pièce minuscule qui tiendrait dans une boîte à chaussures, incroyable de miniaturisation", observe Mgr Ravel.

Jean-Baptiste Schwilgué l'avait mis au point dès 1815 puis présenté au roi Louis XVIII six ans plus tard. L'objet, connu ainsi sous le nom de "comput de 1821", avait servi de modèle au mécanisme incorporé à l'horloge astronomique.

Pendant la dernière guerre, les héritiers avaient enterré ce petit comput (15 cm X 20 cm contre 90 X 150 pour celui de l'horloge) avant de le récupérer et d'en faire don à la cathédrale de Strasbourg en 2021.

- "Moi, je la ferai marcher" -

Au lieu d'annoncer la nouvelle par communiqué, Mgr Ravel a demandé à l'écrivain Jacques Fortier, auteur de polars alsaciens, de ressusciter le comput de 1821 dans un roman policier.

"Le Maître des horloges" est publié vendredi par Le Verger Editeur. Il y est question du vol de l'objet et de sa récupération rocambolesque par un détective dans une fiction qui se déroule en 1931.

Le titre du polar renvoie à Jean-Baptiste Schwilgué, dont le portrait apparaît sur l'horloge astronomique au dessus du grand comput ecclésiastique. La légende raconte qu'âgé de 11 ans, en 1788, le jeune Strasbourgeois avait été traumatisé par la panne de l'horloge astronomique, qui datait du XVIe siècle.

"Moi, je la ferai marcher Maman", aurait-il promis à sa mère. Il mettra plus de quarante ans à tenir promesse.

"C'est une sorte de chef d'oeuvre de l'horlogerie inutile", fait dire Jacques Fortier à son détective à propos du comput.

Quant à l'archevêque, il se demande pourquoi Schwilgué s'est donné "le défi" d'ajouter le calcul de la date de Pâques à une horloge qui permet déjà d'indiquer l'heure, la date, le zodiaque et la position des planètes...

Mgr Ravel y voit une réponse au livre de la Genèse, le premier de la Bible, lorsque le temps apparaît au premier jour de la création du monde: "Dieu appela la lumière +jour+, il appela les ténèbres +nuit+. Il y eut un soir, il y eut un matin".

Au quatrième jour, Dieu créa le soleil et la Lune, avec pour premier objectif de célébrer les jours de fête: "Qu'il y ait des luminaires au firmament du ciel, pour séparer le jour de la nuit ; qu'ils servent de signes pour marquer les fêtes, les jours et les années".

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