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Mexique: pour survivre ou enterrer un proche, il faut attendre

Au Mexique, le Covid-19 contraint à la patience ceux qui en sont atteints et leurs proches: l'attente avec l'espoir de recevoir des soins, l'attente pour enterrer ou incinérer un corps.

Lorsque Miguel, 78 ans, a présenté les premiers symptômes de la maladie fin décembre, sa famille s'est lancée désespérément dans la recherche d'une bouteille d'oxygène. Mais sans succès.

"Le médecin nous a demandé d'aller chercher de l'oxygène et c'est là que le long chemin a commencé", confie à l'AFP Karina, sa petite-fille âgée de 32 ans qui préfère taire son nom de famille.

Après de longues et vaines recherches, l'état de Miguel se dégradant jour après jour, il a ensuite fallu patienter pour trouver un lit d'hôpital où le faire transporter en ambulance.

Lorsque le vieil homme s'est finalement éteint, le 4 janvier, ses proches se sont vu signifier qu'ils devraient encore faire preuve de patience.

"On nous a dit que mon grand-père avait été mis sur une liste d'attente pour être incinéré", explique Karina. "Vous devez attendre", a fait savoir à la famille le funérarium, invoquant un engorgement dû au nombre élevé de morts.

De fait, la pression exercée sur les services funéraires du pays face à l'augmentation des décès qui pourrait faire de janvier 2021 le pire depuis le début de la pandémie.

Selon des données officielles, le Mexique s'approche des 160.000 morts pour un total de 1,8 million de cas confirmés de contamination, en troisième position derrière les Etats-Unis et le Brésil.

"C'est tellement long, il faut en moyenne jusqu'à huit jours pour réaliser une crémation", déplore Roberto Garcia, directeur commercial du funérarium Olimpia, situé dans l'est de la ville de Mexico.

Avant la pandémie, se souvient-il, une dépouille était gardée entre 12 et 24 heures avant l'incinération. Mais face à l'hécatombe, c'est le découragement. Derrière lui, sur un tableau noir, s'alignent les noms de ceux qu'il va devoir récupérer dès le lendemain dans les hôpitaux.

L'attente avant l'incinération ou l'enterrement est telle que les autorités craignent une saturation des chambres froides dans les hôpitaux et préfèrent se rabattre sur celles des funérariums.

"La demande est excessive", constate Garcia au milieu des cercueils et des urnes en exposition dans son entreprise de pompes funèbres.

- "Apocalyptique" -

Alors que beaucoup de gens cherchent à faire incinérer leurs défunts, d'autres préfèrent enterrer leurs proches, en dépit là aussi de l'inévitable liste d'attente.

"Un jour de décembre, la demande est montée en flèche", raconte Pedro Jaramillo, directeur d'une entreprise qui fabrique des cercueils en métal.

"Nos entrepôts étaient remplis de ces cercueils, mais lorsque la pandémie a éclaté, nous avons commencé à en vendre en quantité, jusqu'à ce que la situation devienne apocalyptique", poursuit-il.

Depuis, son entreprise, située à Ecatepec, dans la banlieue de Mexico, fabrique en moyenne 70 cercueils par jour.

A proximité, des employées mettent la dernière main aux cercueils : des ornements aux coins ainsi que le tissu de satin qui en tapisse l'intérieur.

La logique voudrait que la production de cercueils augmente afin de répondre à la demande. Pas si simple, estime Jaramillo, car "c'est un métier spécialisé qui doit être réalisé par des mains qui connaissent le processus. Il est impossible pour nous de dire +doublons la production+", dit-il.

L'équipe de Margarita Beristain, directrice commerciale du cimetière Jardines del Recuerdo, situé au nord de la capitale, a été contrainte de refuser des services funéraires aux familles.

"La demande a énormément augmenté à cause du Covid-19. Nous n'avons pas la capacité de fournir le service à tous et nous devons refuser du monde", se désole-t-elle.

Vêtue de noir, comme il sied dans sa profession, Margarita Beristain affirme qu'elle est tributaire de la contenance de sa chambre froide, "la salle blanche", où un maximum de 44 corps peuvent être réfrigérés avant d'être incinérés ou enterrés.

"Quand nous refusons un service funéraire, c'est que nous n'avons plus de place. Nous ne voulons pas faire perdre de temps aux familles", assure-t-elle.

Pour répondre à la demande croissante, les autorités ont commencé à creuser plus de tombes et prolongent les heures d'ouverture des pompes funèbres, parfois jusqu'à 2 heures du matin.

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