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Dans le village ukrainien de Storojevé, reconquis lors de la contre-offensive lancée en juin, les forces de Kiev découvrent des cadavres de soldats russes, des rues ravagées et récupèrent des trophées de guerre.
Cette localité située dans la région de Donetsk fait partie des territoires repris par l'armée ukrainienne depuis le lancement de son opération de reconquête.
Après cette légère avancée, la situation reste cependant fragile et les Ukrainiens sont toujours exposés à la puissance de feu russe.
Les troupes de Kiev ont recours à de nombreux drones pour connaître les positions adverses de l'autre côté du front, qui n'est situé qu'à quelques kilomètres, tandis que l'armée de Moscou cherche, elle, à harceler l'ennemi.
A Storojevé, c'est la 35e brigade ukrainienne d'infanterie navale qui opère.
Dans le cadre d'une visite organisée par l'armée ukrainienne, l'AFP a pu se rendre sur place et observer la situation sur la ligne de front.
Au début, des tirs d'armes légères se font entendre dans les alentours.
Puis, d'un coup, un "bang" très puissant fait trembler le sol: un obus de char russe vient s'écraser à quelques mètres de là, faisant virevolter de la terre dans le ciel.
Les journalistes de l'AFP se mettent à l'abri dans un profond trou creusé dans le sol. Un deuxième obus tombe non loin. Puis le danger passe.
"Avec un char, vous n'entendez pas le départ du tir. En une seconde, vous entendez le tir qui arrive", explique un soldat ukrainien qui répond sous le pseudonyme "Matioriï".
"Heureusement, les Russes ont deux mains gauches", raille-t-il. Ses frères d'armes apparaissent relativement détendus.
- "ruines" et "Russes morts" -
"La situation est la même que d'habitude: un peu eux (qui attaquent) et un peu nous", observe Valentin, un militaire originaire de la région d'Odessa qui a participé aux combats pour reprendre Storojevé.
"Nous avons tout d'abord couvert notre infanterie pour qu'ils puissent prendre d'assaut" le village, dit-il. "Puis on a avancé."
Une fois entrés dans le village, "nous avons vu des bâtiments en ruines et des (Russes) morts", raconte-t-il. "On a pris pas mal de prisonniers et ils (les Russes) ont laissé beaucoup de leurs morts", ajoute Valentin.
"Il y en avait cinq ou six sur la route", précise le soldat. Les Ukrainiens ont pu ramasser les cadavres dans les zones les plus sécurisées, dit-il.
Puis son unité reçoit l'ordre d'ouvrir le feu avec un mortier de 120 mm. "Tir !", dit un soldat avant d'introduire un obus dans le mortier.
Les dégâts provoqués par les combats sont visibles partout : quasiment plus aucune trace de présence de civils, des maisons aux toits détruits, des murs criblés de balles.
Seize mois de guerre intense ont ravagé la région de Donetsk déjà meurtrie depuis 2014 par les affrontements entre l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses soutenus et armés par Moscou.
Dans un autre village, celui de Neskoutchné, reconquis le 11 juin, un grand drapeau ukrainien flotte au-dessus d'un bâtiment en ruines dans le centre-ville.
Mais les signes de la récente présence russe restent visibles partout.
La lettre "Z", symbole du soutien à la guerre en Russie, a été peinte par l'occupant sur de nombreuses maisons et leurs portails.
Sur une route, un soldat russe tué gît sur le dos. Une forte odeur de corps en décomposition émerge des environs. Des oiseaux tournoient dans les airs à la recherche d'une proie.
- une glace sur "la Place Rouge"-
Les soldats ukrainiens affichent fièrement leurs prises de guerre venant de Storojevé : un gilet pare-balles, des plaques métalliques utilisées dans les vestes militaires, un casque au nom de "Jackson" écrit en cyrillique.
"Quand les Ukrainiens les ont chassés, (les Russes) ont abandonné beaucoup d'équipements et de munitions", affirme Ivan, l'attaché de presse de la brigade, disant vouloir donner les trophées de l'unité à un musée.
Beaucoup de soldats de la brigade sont originaires de la région de Donetsk et disent avoir rapidement voulu rejoindre l'armée pour repousser les Russes.
"Ils ont commencé à beaucoup frapper Sloviansk, j'en avais marre", explique Matioriï, chauffeur avant la guerre, en évoquant sa ville natale, située à quelque 170 km de là.
"Nous sommes chez nous", abonde Valentin. Pour lui, la contre-offensive en cours n'est pas encore une réussite.
"Ce le sera quand je m'achèterai une glace avec des hryvnias (la monnaie ukrainienne) sur la place Rouge", à Moscou, dit-il en souriant.