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Chaos en France après le passage de force de la réforme des retraites: voici ce qui risque de menacer le gouvernement

Le gouvernement affronte vendredi le dépôt de plusieurs motions de censure et les manifestations de colère qui éclatent dans tout le pays, déclenchées par la décision d'Emmanuel Macron de recourir la veille au 49.3 sur la très contestée réforme des retraites. Après les rassemblements émaillés de tensions de plusieurs milliers de manifestants jeudi soir, la CGT a perturbé vendredi pendant environ une demi-heure la circulation sur le périphérique parisien. Le syndicat a également annoncé la mise en arrêt de la raffinerie TotalEnergie de Normandie dès ce weekend.

Pourquoi ce chaos?

Jeudi après-midi, l'exécutif a opté pour l'article 49.3 de la Constitution. Cette procédure, déclenchée pour la 11e fois par Élisabeth Borne, permet l'adoption d'un texte sans vote à l'Assemblée nationale, sauf si une motion de censure venait à renverser le gouvernement. Le Rassemblement national doit déposer sa motion vendredi. Le groupe des députés indépendants Liot projette également de déposer une motion de censure "transpartisane", particulièrement surveillée par l'exécutif, même si la barre de la majorité absolue pour faire chuter le gouvernement paraît difficile à atteindre.

Tout en encourageant les "mobilisations spontanées dans tout le pays", Jean-Luc Mélenchon a annoncé vendredi que LFI allait "retirer" sa motion de censure pour soutenir celle de Liot qui a davantage de chances d'être votée par des députés de droite défavorables à la réforme des retraites. Le petit groupe Libertés, Indépendants Outre-mer et Territoires (Liot), qui compte 20 députés de diverses tendances politiques, se retrouve ainsi en position de pivot. Son président Bertrand Pancher a lancé vendredi "un appel" aux députés LR défavorables à la réforme "pour signer avec nous cette motion de façon à faire en sorte que le gouvernement soit renversé", dans une déclaration à l'AFP. 

Les motions de censure doivent être déposées moins de vingt-quatre heures après le déclenchement de l'article 49.3, soit avant vendredi en milieu d'après-midi. Puis il faudra attendre au minimum quarante-huit heures pour qu'elles soient débattues. En attendant, les poids-lourds du gouvernement ont été dépêchés dans les matinales télés et radios vendredi matin pour tenter d'éteindre l'incendie. "Nous avons vocation à continuer de gouverner", a affirmé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, renouvelant sa "confiance" à la Première ministre Elisabeth Borne dont la position à Matignon semble menacée.

De son côté, le ministre du Travail Olivier Dussopt, qui porte ce texte prévoyant notamment un recul de deux ans de l'âge de départ à la retraite, de 62 à 64 ans, a refusé de présenter le recours au 49.3 comme "un échec". "Il y a un texte et ce texte sera, si la motion de censure est rejetée, mis en oeuvre", a-t-il estimé. Pour la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, "nous ne sommes pas en crise politique". 

 

"On tiendra jusqu'au retrait"

Mais dans la rue, les opposants à la réforme sont bien décidés à ne pas abandonner le combat. "On est remontés", a déclaré Soumaya Gentet de la CGT Monoprix, sur le périphérique parisien. "On tiendra jusqu'au retrait, Borne n'a aucun respect, ils ne tiennent pas compte de la volonté du peuple". La veille, des milliers de personnes s'étaient rassemblées place de la Concorde lorsqu'Elisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement.

Annonçant 310 arrestations en France, dont 258 à Paris, jeudi soir, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a dénoncé vendredi notamment "des effigies brûlées" à Dijon et des "préfectures prises pour cible". Des incidents ont aussi éclaté à Rennes, Nantes, Amiens, Lille, Marseille ou encore Grenoble. La patronne des députés Renaissance Aurore Bergé a demandé à M. Darmanin de "mobiliser les services de l'Etat" pour la "protection des parlementaires" de la majorité.

L'intersyndicale a appelé à "des rassemblements locaux de proximité" ce weekend ainsi qu'à une neuvième journée de grèves et de manifestations le jeudi 23 mars. Elle a dénoncé un passage "en force" et dit mesurer "avec gravité la responsabilité que porte l'exécutif dans la crise sociale et politique qui découle de cette décision, véritable déni de démocratie". Plusieurs responsables syndicaux dans les secteurs du transport et de l'énergie ont mis en garde contre de possibles "débordements" ou "actions individuelles" de salariés de la base.

"Un crash"

A l'Assemblée, l'heure est aux règlements de comptes. D'abord au sein des Républicains, dont les divisions sur ce texte,  pourtant façonné par leurs collègues LR du Sénat, ont lourdement pesé sur la décision de l'exécutif. Mais aussi au sein de la majorité, où le 49.3 risque de laisser des traces. A droite, le président du parti Eric Ciotti a assuré jeudi que les députés LR ne s'associeraient ni ne voteraient "aucune motion de censure". Avant d'être contredit quelques minutes plus tard par le député LR Aurélien Pradié, en pointe parmi les frondeurs sur ce texte.

Dans la majorité, l'amertume était palpable, notamment chez les alliés de Renaissance. "C'était une erreur de faire le 49.3 sur un texte comme ça vu l'état de notre démocratie. Il fallait aller au vote, quitte à perdre. Je suis sous le choc", a réagi le député MoDem Erwan Balanant. Pour un responsable du groupe majoritaire, sous couvert d'anonymat, "c'est un crash. Il faut une dissolution". 
 

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