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À Paris, Laurent Wauquiez, le candidat à la présidence du parti les Républicains, a lancé hier un étrange pavé dans la mare : il a proposé de déporter les étrangers en instance d'expulsion, ce qu'on appelle en France les O.Q.T.F (orde de quitter le territoire français), dans l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, au large du Canada. Cette proposition a été vivement rejetée par Manuel Valls, le ministre des Outre-mer, qui l'a comparée au rétablissement du bagne de Cayenne.
La plupart des Français ne connaissent Saint-Pierre-et-Miquelon que par les bulletins météo consacrés à l'Outre-mer. En général, c’est : Martinique, soleil et 30 degrés, Réunion, nuageux avec 27 degrés, Tahiti, beau temps, un peu de vent, 32 degrés… Saint-Pierre-et-Miquelon, brouillard et neige et moins 10 degrés !
Le petit archipel voisin de Terre-Neuve est une incongruité historique. Il est resté français, car on l’a oublié dans le traité de Paris en 1763, qui cédait la Nouvelle-France à l’Angleterre. Ce n’était à l’époque, qu’un point de ravitaillement pour les navires de pêche qui venaient de Bretagne ou du Pays basque. Une grande partie de la population est d’ailleurs d’origine basque et sur la place de la mairie de Saint-Pierre, il y a un grand mur pour jouer à la pelote.
L’archipel fait 242 km2 et est peuplé d’environ 6000 habitants, 85% vivent dans l’île de Saint-Pierre, 25 km2, soit 5 km sur 5. Il n’y a qu’une route et il est impossible de passer la quatrième au risque de se retrouver dans l’océan ! Miquelon, à côté, est plus grande et reliée à Langlade par un isthme étroit.
Laurent Wauquiez a donc proposé, dans une interview, de transférer à Saint-Pierre-et-Miquelon les étrangers frappés d’une obligation de quitter le territoire français, les OQTF qui refusent de rentrer dans leur pays ou que leur pays refuse de reprendre. Et Wauquiez ne mâche pas ses mots : "Il fait 5 degrés de moyenne pendant l’année, il y a 146 jours de pluie et de neige, ça va amener tout le monde à réfléchir". Un "effet dissuasif" loué par l’élu de droite, dite modérée, qui ajoute : "Saint-Pierre-et-Miquelon n’est pas dans l’espace Schengen, on peut y contrôler les OQTF, ils n’ont plus la possibilité de revenir sur le territoire métropolitain".
Cette proposition s’inscrit dans ce qu’on a déjà connu au Royaume-Uni quand le gouvernement proposait d’envoyer les candidats à l’asile au Rwanda. Un projet qui a échoué. L’Australie aussi reléguait pendant des années les étrangers dans l’île de Nauru, en plein Pacifique, elle y a finalement renoncé.
La proposition de Laurent Wauquiez a été moquée et condamnée de toute part, y compris par Marine Le Pen qui a déclaré : "La place des OQTF, c’est dans leur pays... sûrement pas dans un territoire français. Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont pas des sous-citoyens". Quant à Manuel Valls, ancien Premier ministre et actuel ministre des Outre-mer, il a fait appel à l’histoire : "Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est la France, pas une prison. Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon sont des Français à part entière et non des Français entièrement à part. L’exil forcé, c’est une méthode de colons, pas d’élu de la République. Le bagne de Cayenne, c’est loin et tant mieux". Comme le chantait Jacques Higelin autrefois : "Cayenne, c’est fini, Cayenne, c’est bien fini".


















