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Dans le nord-ouest de la Syrie, des habitants s'inquiètent mercredi des conséquences du non-renouvellement d'un mécanisme d'aide humanitaire transfrontalier, vital pour les populations d'une région qui échappe toujours au contrôle de Damas.
Le mécanisme permettait à l'ONU d'acheminer aux habitants du nord-ouest du pays, dernière région résistant au régime de Bachar al-Assad, nourriture, eau ou médicaments depuis la Turquie. L'aide passait par le poste-frontière de Bal al-Hawa et sans autorisation de Damas, qui dénonce régulièrement une violation de sa souveraineté.
Ce mécanisme, qui bénéficiait à plus de quatre millions de personnes, a expiré lundi. Et mardi, la Russie, grand allié du régime syrien, a mis son veto au Conseil de sécurité de l'ONU à sa prolongation de neuf mois.
Dans un camp de déplacés non loin de la ville de Batabo, dans la région d'Idleb, Ghaith al-Chaar, 43 ans, se dit consterné par les querelles politiques et préoccupé par les graves conséquences que cette décision pourrait avoir sur sa famille.
Sans l'aide de l'ONU, "c'est impossible (de s'en sortir), en particulier si on a des enfants", dit ce père de cinq enfants, qui a fui les violents combats de la Ghouta orientale, banlieue est de Damas, il y a cinq ans.
"Même s'il ne s'agissait que d'une aide simple, cela nous apporte un soutien", souligne M. Chaar.
Déclenchée en 2011, la guerre civile en Syrie a tué plus de 500.000 personnes, déplacé des millions d'autres et ravagé les infrastructures du pays.
La Russie est intervenue militairement dans le conflit en 2015, aidant le régime à reprendre une grande partie des territoires passés sous le contrôle des rebelles.
- "Question politique" -
"La Russie nous a forcés à quitter nos maisons et aujourd'hui (...) elle fait de l'aide humanitaire une question politique", accuse M. Chaar, qui reçoit de la nourriture, des soins médicaux et d'autres aides d'organisations internationales.
Le passage de Bab al-Hawa est contrôlé côté syrien par le groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ancienne branche locale d'al-Qaïda).
Après un séisme meurtrier en février, Damas a autorisé --jusqu'à mi-août-- l'ouverture de deux points de passage supplémentaires dans des zones sous le contrôle de forces rebelles soutenues par la Turquie.
Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l'ONU, a dit mardi espérer que cette autorisation soit renouvelée, mais ces deux passages "ne pourront pas compenser" Bab al-Hawa. "85% de nos besoins passaient par la porte qui a été fermée aujourd'hui", a-t-il précisé.
Mercredi, il a déclaré que "le secrétaire général n'abandonnait pas à propos de la possibilité de garder" Baba al-Hawa ouvert.
Les négociations se poursuivaient mercredi à l'ONU pour tenter de trouver une solution à l'impasse.
- "Guerre contre nourriture?" -
Selon l'ONU, quatre millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie, la plupart des femmes et des enfants, ont besoin d'aide humanitaire pour survivre après des années de conflit, de crise économique, d'épidémies et de pauvreté grandissante aggravée par des tremblements de terre dévastateurs. Or, le mécanisme en question permettait d'aider 2,7 millions de personnes chaque mois.
Depuis le séisme, plus de 3.700 camions de l'ONU transportant de l'aide sont passés par les trois points de passage, essentiellement par Bab al-Hawa, dont 79 lundi.
"La vie de millions d'enfants dépend entièrement de l'aide apportée" par ce passage, prévient dans un communiqué Kathryn Achilles de Save the Children: "le Conseil de sécurité des Nations unies doit se réunir de nouveau d'urgence et annuler cette décision fatale".
Le représentant russe à l'ONU Vassili Nebenzi a a menacé mardi de "fermer" le mécanisme d'acheminement de l'aide si une proposition russe de renouvellement de six mois n'était pas soutenue. Mais ce texte remet également en cause les sanctions occidentales imposées à la Syrie.
Dans le camp de déplacés, Jaziyah al-Hamid, 55 ans, dit sa colère: "Veulent-ils nous faire la guerre pour notre nourriture?", s'élève cette mère de famille qui a perdu son mari et sa fille dans le tremblement de terre et vit maintenant avec ses cinq enfants dans des conditions difficiles.
Le peu d'aide qu'elle recevait aidait sa famille à couvrir le strict minimum, dit-elle.
"Nous voulons plus d'aide", pas moins. "La Russie ne doit pas fermer le passage."