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L'ex-général Prabowo Subianto, qui a revendiqué mercredi soir la vicotire à l'élection présidentielle en Indonésie, a bénéficié de l'appui tacite du président sortant malgré son passé militaire controversé pendant l'ère Suharto.
L'actuel ministre de la Défense, âgé de 72 ans, avait déjà été candidat à deux reprises à la présidence, en 2014 et 2019.
Pour cette élection il a privilégié un discours populiste et bénéficié du soutien du président sortant Joko Widodo, surnommé "Jokowi", son ancien adversaire, pour viser la présidence de la troisième plus grande démocratie au monde.
"Tous les décomptes, tous les sondages... ont montré que (le ticket) Prabowo-Gibran avait gagné en un seul tour", a-t-il déclaré mercredi soir, au côté de son colistier Gibran Rakabuming Raka, fils aîné de Jokowi.
Près de 205 millions d'électeurs devaient désigner le successeur de Jokowi, qui ne pouvait plus se représenter après deux mandats. Prabowo Subianto affrontait l'ancien gouverneur de la province de Java central, Ganjar Pranowo, et l'ex-gouverneur de Jakarta, Anies Baswedan.
S'appuyant sur une confortable fortune et le choix stratégique du jeune fils de Jokowi comme colistier, il a décroché plus de 55% des suffrages, selon les premières projections, ce qui devrait lui permettre d'être élu dès le 1er tour. Les résultats officiels ne sont pas attendus avant mars.
En tant que chef des forces spéciales, il a été accusé par des ONG d'avoir ordonné l'enlèvement de militants pro-démocratie dans les années 90, vers la fin du régime de Suharto (1967-1998), dont une dizaine n'a jamais réapparu.
Mais grâce notamment à une large présence sur les réseaux sociaux, l'homme a adouci son image auprès des jeunes Indonésiens - plus de la moitié des électeurs - qui ignorent souvent les accusations portées contre lui pendant sa carrière militaire et apprécient sa promesse de poursuivre la politique du très populaire Jokowi, selon les analystes.
- Soutien des jeunes électeurs -
"Il existe un écart entre les électeurs de plus de 40 ans et ceux de moins de 40 ans. Les plus de 40 ans (...) sont plus prudents envers Prabowo", a expliqué à l'AFP Alexander Arifianto, chercheur à l'École d'études internationales S. Rajaratnam de Singapour.
Mais son accession à la présidence suscite des inquiétudes quant à un éventuel basculement vers un régime plus autoritaire.
"Nous craignons qu'il puisse restreindre des droits tels que la liberté d'expression, de réunion et de la presse, ainsi que d'autres droits civils, ce qui pourrait conduire à davantage de violations des droits humains", a déclaré Usman Hamid, directeur exécutif d'Amnesty International Indonésie avant le scrutin.
Né en 1951 au sein d'une famille aisée, Prabowo Subianto est le fils de Sumitro Djojohadikusumo, plusieurs fois ministre à la fois sous Sukarno dans les années 1950 puis sous Suharto.
Alors que son père, impliqué dans un mouvement séparatiste, avait choisi l'exil, Prabowo Subianto a vécu enfant à l'étranger, à Singapour, en Suisse ainsi qu'en Angleterre. A son retour en Indonésie, il a embrassé la carrière militaire en 1970.
Il s'est marié en 1983 à Siti Hediati Hariyadi, l'une des filles de Suharto, dont il a ensuite divorcé. Il a eu avec elle un fils, Didit Hediprasetyo, créateur de mode, qui partage son temps entre Paris et Jakarta.
Démis de ses fonctions militaires en 1998, Prabowo Subianto s'était exilé en Jordanie avant de revenir plusieurs années plus tard pour se lancer dans les affaires, dans la pâte à papier, l'huile de palme ou encore l'énergie.
Longtemps privé de visa par les États-Unis et par l'Australie pour des allégations de violation des droits humains, il a connu un retour en grâce en tant que ministre de la Défense et a effectué de nombreuses visites à l'étranger dans ces fonctions y compris à Washington et Canberra.