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"Il n'y avait aucune issue pour les victimes". La perpétuité a été requise mardi contre Ayoub El Khazzani, monté surarmé à bord du Thalys Amterdam-Paris en août 2015, un "plan parfait" de "tuerie de masse" selon l'accusation, déjoué uniquement grâce à l'intervention des passagers.
"Peu de dossiers d'attentats permettent de juger les auteurs, et la présence d'Ayoub El Khazzani a suscité des espoir de compréhension", dit l'avocat général à la fin de trois heures de réquisitions. "Mais l'intéressé n'est pas à la hauteur, il a refusé d'assumer (...), s'est enfermé dans une version fantaisiste".
Face aux deux avocats généraux, Ayoub El Khazzani, 31 ans, chemise en jeans bleue et cheveux noirs ramenés en petit chignon, ne montre pas de signe d'émotion devant les lourdes réquisitions prononcées.
Pendant tout le procès devant la cour d'assises spéciale de Paris, il a maintenu qu'il était monté à bord de ce Thalys le 21 août 2015 avec pour seule mission, donnée par son commanditaire Abdelhamid Abaaoud, de tuer les soldats américains présents à bord.
"Une version montée de toutes pièces qui ne résiste à aucun élément du dossier", martèle l'un des avocats généraux.
Il revient sur la préparation du tireur, dans les toilettes du TGV. "Il se prépare, il rassemble ses forces", décrit-il.
"Dans sa main, une kalachnikov". Dans un sac à dos ouvert placé sur son ventre, huit chargeurs supplémentaires, pour un total de près de 300 munitions.
"Le pistolet, l'arme secondaire, est positionné dans la ceinture. Le cutter dans la poche droite en dernière alternative, et le téléphone dans la poche gauche pour filmer le massacre", décrit-il.
"Sauf que derrière la porte" des toilettes, un premier passager le maîtrise, "changeant le destin de ce massacre annoncé", continue l'avocat général. "A partir de ce moment-là, il n'aura plus aucun instant de répit" de la part des passagers, dont deux soldats américains en vacances, qui parviendront à le maîtriser.
"Rarement un terroriste aura été confronté à autant d'obstacles", note-t-il aussi, saluant longuement le courage de passagers, "héros malgré eux". "On lui saute dessus", puis "son arme s'enraye", "on lui enlève, il la récupère, puis on lui fonce dessus...".
- "Grand absent" -
S'adressant à la cour, l'avocat général insiste aussi longuement sur le "contexte" dans lequel s'est inscrite l'attaque du Thalys: "vous ne devez jamais perdre de vue que cette procédure s'inscrit dans une campagne beaucoup plus large", dit-il, mentionnant notamment les attentats de Paris en novembre 2015, également coordonnés par Abdelhamid Abaaoud, et ceux de Bruxelles en mars 2016.
"Pour nous ce sont des dossiers différents mais pour les jihadistes, il s'agit de la même campagne" lancée par l'Etat islamique depuis la Syrie.
Une campagne avec "un personnage central : Abdelhamid Abaaoud, évidemment le grand absent dans ce box", continue-t-il. Celui qui était l'un des tireurs des terrasses le 13-Novembre a été tué peu après par les forces de l'ordre.
"C'est lui qui fait le lien" entre les accusés dans le box, "qui ne se connaissent pas ou peu" mais qui "ont tous croisé Abaaoud à un moment", souligne-t-il.
L'accusation a requis 30 ans de réclusion contre Bilal Chatra, "éclaireur" qui a guidé Ayoub El Khazzani et Abdelhamid Abaaoud entre la Syrie et la Belgique, et "bombe à retardement" qui "peut rebasculer à tout moment".
Contre Mohamed Bakkali, "chauffeur" des jihadistes et par ailleurs logisticien présumé du 13-Novembre, l'accusation a requis 25 ans. Contre le dernier accusé Redouane El Amrani Ezzerrifi, passeur qui a aidé Abdelhamid Abaaoud, huit ans de prison ont été requis.
Avant de conclure, l'avocat général s'adresse aux quatre accusés dans le box.
"Dans ce dossier nous avons échappé au pire", dit-il. Mais "ce que nous n'oublierons pas, c'est que le soir du 13-Novembre, quand nous comptions nos morts sur les trottoirs de Paris, vous cachiez la seule chose qui aurait pu empêcher ce massacre : la présence d'Abdelhamid Abaaoud en Europe. Nous n'oublions pas et nous ne pardonnons pas".