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« Ce Grand Curtius, c’est presque un Petit Louvre à Liège », lâche Edith Schurgers, animatrice des musées de la ville de Liège. « À découvrir absolument ».
« Jean Curtius, au départ, s’appelle Jan De Corte. Il a fait latiniser son nom. C’était un peu plus tendance, un peu plus smart à l’époque », raconte Edith Schurgers.
En bord de Meuse, dans le cœur historique de Liège. Cet édifice de la Renaissance en briques rouges abrite un musée hors du commun, le Grand Curtius, du nom de ce célèbre marchand d’armes du XVIIᵉ siècle.
« Jean Curtius va faire fortune dans le commerce de poudre à canon. D’ailleurs, on disait à Liège, au début du XVIIᵉ siècle ‘riche comme un Curtius de Liège’, raconte Edith Schurgers. Ça montre à quel point ce personnage avait une aura commerciale et internationale toute particulière. Il va notamment fournir en poudre à canon les armées espagnoles. »

Ironie du sort, alors qu’une importante collection d’armes occupe le palais, une artiste humaniste et pacifiste s’est provisoirement installée dans la résidence de l’armurier.
Françoise Schein est bruxelloise, mais elle a parcouru le monde. Cette architecte plasticienne est connue pour avoir placé des œuvres monumentales dans l’espace public, en particulier dans les métros, comme ici à la station Saint-Gilles. Les murs carrelés de céramiques bleu et blanc reprennent le texte de la Déclaration des droits de l’homme, un sujet cher à l’artiste utopiste.

« Le début du début, c’était dans le métro à New York, dans le Bronx. Là, ça a démarré, raconte Françoise Schein. J’ai compris que le métro était essentiel pour les villes, était essentiel pour le système de circulation veineux, je dirais, de l’urbanisme, des villes, le monde entier, enfin, la circulation. C’est l’espace-démocratie par excellence. »

Françoise Schein distille son art dans des lieux insoupçonnés. En 2019, elle dessine cette fresque sur la façade de l’Institut public de protection de la jeunesse à Fraipont. Un arbre de vie réalisé avec les jeunes du centre fermé, sensibilisés sur la question des droits humains.
« On est souvent devant. C’est une très, très bonne idée », se réjouit Démo, résident de l’IPPJ. Démo est ici depuis quatre mois et préfère rester discret sur les raisons qui l’ont amené à l’IPPJ. L’adolescent est interpellé par le dessin qui dénonce les arrestations arbitraires, les préjugés.

« On me traitait de gros porc, de gros lard. C’est plus des moqueries que des préjugés », se souvient-il. « L’art, c’est une façon de s’exprimer, de faire ressortir les sentiments qu’on n’arrive pas à exprimer », dit-il.
« Les jeunes qui y ont participé l’ont fait un peu comme une espèce de témoignage et d’héritage, explique Seifi Kumulu, directeur de l’IPPJ de Fraipont. Les jeunes qui évoluent devant ces fresques ont la possibilité de s’arrêter devant et d’échanger avec les éducateurs, de poser des questions. Ça suscite pas mal de débats et d’échanges. »
Artiste engagée, Françoise Schein collabore avec des jeunes en difficulté partout dans le monde, du Brésil aux Territoires palestiniens, avec pour mission : inscrire dans leur vie quotidienne leurs droits mais aussi leurs devoirs.

« Évidemment, on parle toujours des droits humains et moi, je rajoute toujours les devoirs humains. C’est la question de la citoyenneté », souligne-t-elle. « C’est quoi naître et vivre ensemble avec d’autres sur cette Terre ?, interroge l’artiste. Que ce soit à Fraipont, à Liège, à Bruxelles ou à Tombouctou, c’est pareil. On vit ensemble. »
Celle qu’on surnomme «l’architecte de l’espace et de l’humain» a quitté provisoirement le terrain pour exposer son travail au Grand Curtius jusqu’à la fin de l’été.



















