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De nombreux couples nous ont contactés, souvent dépités, via le bouton orange Alertez-nous. Censés se marier dans les prochaines semaines, l'angoisse est à son comble pour ceux qui préparent ce jour spécial depuis de nombreux mois.
"Le propriétaire de la salle refuse de nous rembourser et nous oblige à reporter notre mariage", nous a écrit Joséphine. "Comment pouvons-nous être certains que nous pourrons assurer le bon déroulement de cette journée?", s'interroge Valentin, dont le mariage est prévu en juillet. "Risquons-nous de devoir restreindre le nombre de participants ?", se demande Jennifer, qui doit aussi se marier en juillet.
On espère que d'ici là, même si on doit restreindre le nombre d'invités, on pourra quand même se marier
Si la plupart des futurs mariés d'avril et de mai ont dû se résoudre à reporter leur fête, de nombreux couples espèrent encore pouvoir se dire oui à la date prévue. Tout dépendra du moment où le confinement prendra fin. On sait que le dé-confinement sera progressif et qu'il nécessitera plusieurs phases. Reste à connaître le timing et à savoir combien d'invités seront autorisés.
"C'est une année symbolique"
"Pour l'instant, on maintient, on attend juin avant de décider", nous confie Jennifer, qui doit épouser Frédéric le 18 juillet prochain. "On espère que d'ici là, même si on doit restreindre le nombre d'invités, on pourra quand même se marier. C'est une année symbolique car c'est aussi les 50 ans de mariage de mon oncle et ma tante", explique la jeune femme, qui se dit "angoissée" mais confiante. Entre 75 et 80 personnes ont été conviées à leurs noces et s'ils doivent réduire à leur famille proche, ils peuvent limiter à 50 personnes, mais à contrecœur évidemment.
Pour Jennifer et Frédéric, l'annulation ou le report ne sont donc pas vraiment à l'ordre du jour. Même chose pour Valentin et Romain qui doivent se dire oui le 4 juillet à Marche-en-Famenne, avec 250 invités. Les futurs mariés se posent des questions : "J'aimerais savoir si d'ici là, des événements de ce type seront autorisés ou si nous devons prévoir un report à l'année prochaine de notre mariage", explique Valentin, 28 ans.
On est dans l'inconnu. C'est vraiment très flou et moi ça me stresse un peu, mon compagnon non, heureusement, ça compense
Il a déjà contacté l'organisatrice de leur mariage mais n'a pas pris la décision de reporter pour l'instant. "On est dans l'inconnu. C'est vraiment très flou et moi ça me stresse un peu, mon compagnon non, heureusement, ça compense", explique-t-il. Leur rêve est de se marier en été, une seule certitude donc : "Si on doit reporter c'est d'office dans un an", lance Valentin.
Pour Caroline et Cédric, un couple de Mettet, le jour J est plus proche : le 13 juin. Ils ne pensent pas qu'ils devront reporter mais lors d'un contact téléphonique avec la propriétaire de la salle, l'éventualité a été soulevée.
"Elle a été très ferme: elle veut absolument que le report se fasse en 2020 mais elle n'a plus que des dimanches ou des vendredis en plein hiver à nous proposer", raconte la future mariée.
On a signé pour un mariage un samedi d'été, pas un dimanche de novembre
Eux-mêmes indépendants, ils savent que la situation est très difficile : ils travaillent dans le bâtiment, ont des prêts pour des machines à rembourser et des salaires à verser. Ils n'ont pas insisté auprès de la propriétaire, toujours confiants quant à la date. Mais ils souhaitent rester maîtres de la situation en raison de la somme qu'ils ont investie dans ce mariage : 18.000 euros.
"On ne veut pas mettre toutes nos économies dans un mariage qui n'est pas nous, qui ne nous ressemble pas. On a signé pour un mariage un samedi d'été, pas un dimanche de novembre", souligne Caroline.
Bien sûr, la location d'une salle pour un mariage est régie par un contrat entre les deux parties, avec le versement d'un acompte (ici, 800 euros), prévu pour garantir l'exécution du contrat. S'il y a annulation de la part du locataire, il perd généralement l'acompte. Mais lorsqu'il s'agit d'un cas de force majeure, ce sont des circonstances exceptionnelles, régies par l'article 1148 du code civil.
"Il n'y a lieu à aucun dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit."
Cela signifie que le locataire n'a pas à payer dans la mesure où il n'est pas responsable de l'annulation. Dans ce cadre, l'acompte versé doit être remboursé.
Si Caroline et Cédric ne peuvent se marier le 13 juin comme prévu, ils souhaitent reporter d'un an afin de se marier en été, pour diverses raisons personnelles.
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"Mes tantes et ma grand-mère ont attendu dehors avec un policier"
Le report du mariage, Joséphine l'a vécu. Elle a dit oui civilement à Bilal à la commune d'Anderlecht le 21 mars. Mais pour le reste, tout est reporté à plus tard.
"On célébré le mariage civil avec les 4 témoins, les parents, et les frères et sœurs. On avait le droit de réunir 10 personnes. D'autres personnes de la famille étaient venues mais n'ont pas pu entrer dans la maison communale. Mes tantes et ma grand-mère ont attendu dehors avec un policier", confie la jeune femme.
Soulagée d'avoir pu célébrer son mariage civil, Joséphine regrette d'avoir dû annuler la fête, même si elle comprend la nécessité des mesures de confinement. "Nous avions loué une salle de mariage et payé l’intégralité. Le propriétaire a refusé de nous rembourser et nous a obligés à reporter notre mariage", nous avait-elle écrit via Alertez-nous.
Sur le moment et vu le climat morose lié à la pandémie, Joséphine a envisagé d'annuler purement et simplement la fête. Mais le temps a fait son œuvre : "Avec le recul, j'ai quand même envie de faire la fête. C'est vrai, je voulais annuler, mais maintenant, j'ai envie de fêter ça. C'est un an de préparation donc ça a été lourd à encaisser", raconte aujourd'hui la jeune mariée. Elle n'a pas encore fixé de date mais envisage une fête en novembre.
"Anticiper leur stress"
Dans cette problématique, c'est en effet les propriétaires de salle qui déterminent le plus souvent le report des noces. "Leur position influence la décision des mariés et du coup, de tous les autres prestataires. Certains sont flexibles et à l'écoute mais d'autres ne se montrent pas compréhensifs", explique Élodie Wilmes, de Love & Tralala, wedding planner, décoratrice florale et officiante de cérémonies. Cette spécialiste de l'univers des mariages a elle été très proactive avec ses mariés du printemps.
"Je les ai contactés avant qu'ils ne paniquent, au tout début du confinement", lance-t-elle. Objectif dans un premier temps : simplement discuter avec eux, garder le contact et "anticiper leur stress". Elle a ensuite plus longuement parlé avec tous ceux qui devaient se marier en avril, mai ou juin.
"Certains faisaient l'autruche, pensaient qu'ils allaient pouvoir se marier et ne voulaient pas encore y croire. C'était un peu difficile de leur expliquer que le dé-confinement va sans doute se faire en plusieurs étapes et qu'il fallait réfléchir à un plan B", raconte-t-elle.
S'il est difficile pour les mariés de se résoudre à reporter, pour les prestataires comme les loueurs de salle, l'agenda des mois à venir est un véritable casse-tête.
Certains week-ends, j'avais 4 mariages. Ça fait des gros chiffres, et on a besoin de cet argent pour compenser les investissements qu'on fait dans la ferme
"Un manque à gagner incroyable"
"J'essaye de gérer ça en bon père de famille mais c'est pas génial. Ça va être un manque à gagner incroyable", raconte Pierre Scolas, propriétaire de la Ferme Bertinchamps d'Ophain, dans le Brabant wallon. Tous les mariages d'avril ont d'ores et déjà été reportés, mais c'est un fameux trou dans la caisse pour le prestataire.
"Certains week-ends, j'avais 4 mariages. Ça fait des gros chiffres, et on a besoin de cet argent pour compenser les investissements qu'on fait dans la ferme", raconte le propriétaire, qui vient justement de revendre ses vaches laitières pour se consacrer à l'événementiel. "On risque d'aller vers la catastrophe si ça dure, insiste-t-il. On fait le gros dos mais c'est des gros montants, des gros investissements".
Il se montre malgré tout compréhensif et ouvert au dialogue avec ses clients. "J'ai une personne qui m'a demandé un report de 2 ans car elle vient de perdre son boulot", confie-t-il. En revanche, il est parvenu à recaser tous les mariages d'avril et jusqu'au 15 mai. "Ceux qui se marient après le 15 mai ont encore de l'espoir, même si c'est avec un nombre de personnes limité", ajoute-t-il.
La plupart des reports se passent bien pour ce loueur de salle : de nouvelles dates sont trouvées en accord avec chacun. Mais d'autres demandent une annulation, qu'il est forcé de refuser : "Financièrement, c'est très très difficile. Si on doit rembourser les acomptes, on met la clé sous le paillasson. On discute, on reporte et généralement, ils sont très heureux", explique encore Pierre Scolas.
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"Plus vous attendez, moins vous aurez d'options"
Étant donné que l'agenda de 2020 était déjà bien rempli, même avant les mesures de confinement, certains doivent opter pour un mariage le vendredi, "qui est un jour de plus en plus prisé pour les mariages, même en temps normal", précise Élodie.
Mais attention : "Plus vous attendez, moins vous aurez d'options", rappelle Élodie Wilmes. Elle constate d'ailleurs que certains loueurs de salle mettent la pression aux futurs mariés. Ils demandent parfois de choisir absolument maintenant entre le maintien de la date prévue (par exemple en juin) ou leur "plan b", à une date ultérieure. Pour les futurs mariés de juin, il est encore trop tôt pour prendre cette décision d'un report. Tant qu'on en sait pas davantage sur les modalités du dé-confinement, ces couples ne vont pas prendre le risque d'annuler une fête et une cérémonie qu'ils préparent depuis de longs mois alors que, comme c'est là, elle pourra avoir lieu.
"On ne sera peut-être plus là en 2021"
D'une manière générale, les futurs époux privilégient un report de quelques mois. "Les gens espèrent quand même se marier cette année", nous confirme le propriétaire de la ferme Bertinchamps. Et heureusement, car sans rentrées financières en 2020, "on ne sera peut-être plus là en 2021", rappelle Élodie. Une réalité que tous les prestataires de mariages vivent aujourd'hui.
Tout indépendant, et c'est le cas de la plupart des prestataires de mariage, qui a été contraint d'arrêter ses activités en raison des mesures exceptionnelles prises dans le cadre des mesures de confinement touche le droit passerelle pour les mois de mars et avril. Ils bénéficient aussi de certaines facilités de paiement de leurs cotisations sociales.
Élodie Wilmes bénéficiera du droit passerelle, mais ce n'est pas cette somme qui compensera les pertes en cette période de mariages. Pour elle, c'est maintenant que la saison est lancée. Elle reste malgré tout positive et tente d'accompagner au mieux ses futurs mariés durant cette période délicate.
"Les mariés d'avril, mai et juin, je leur ai proposé un report sans frais supplémentaires jusque fin avril 2021. S'ils reportent avant cette date, c'est ok pour moi. Mon agenda de la saison était déjà bien rempli mais j'avais encore quelques dates en automne, en hiver ou au début du printemps 2021. Parfois, on propose des dates en semaine et ça leur convient", explique encore la wedding planner.
Aucune décision n'a encore été prise pour les mariages censés se dérouler en juillet et août : "J'attends, c'est encore un peu tôt pour décider".
Comme tout le monde, Élodie ne sait pas comment va se dérouler le déconfinement et doit composer avec un scénario fait de suppositions et de bon sens. "J'imagine une prolongation du confinement jusqu'au 3 mai puis un déconfinement progressif avec une reprise des événements avec des limites de participants (X personnes). J'ai des mariages intimistes pour qui ça va marcher, d'autres plus gros pour qui ça ne marchera pas", note la spécialiste.
"Dialoguer, la seule solution possible"
Elle estime que face à la situation particulière vécue par les futurs mariés et les prestataires, chacun doit y mettre du sien et essayer de se mettre à la place de l'autre.
"Il faut dialoguer, c'est la seule solution possible. C'est une situation sans précédent et les uns et les autres doivent essayer de se comprendre. Il y a moyen de trouver des compromis", insiste-t-elle.
Tout comme Pierre Scolas de la Ferme Bertinchamps, la jeune femme parvient à trouver des solutions avec ses clients : "ils se rendent compte que c'est une crise sans précédent, donc, ils arrivent à voir le positif. Le seul couple qui voulait absolument se marier l'été reste sur cette idée et donc se mariera en 2021. Le fait qu'ils soient accompagnés fait qu'ils ne sont pas catastrophés. Par exemple, s'ils ont du mal à se projeter, je leur montre des photos de décorations forales automnale ou hivernale en photos".
L'essentiel, c'est qu'ils vont s'unir à la personne qu'ils aiment
Pour elle non plus, en tant qu'indépendante, la situation n'est pas évidente "J'oscille entre mon point de vue de citoyenne, humain, qui pense à la santé de ma grand-mère et à mes petits mariés et mon point de vue de business woman qui doit gagner sa vie, ajoute-t-elle. On doit pouvoir se mettre à la place des autres pour trouver des solutions joyeuses et agréables. Pour les prestataires, ce n'est pas simple non plus, ils ont aussi des loyers à payer…"
La wedding planner reste positive et fait passer un message en ce sens aux futurs mariés stressés. "Je leur envoie du courage et qu'ils n'hésitent pas à se faire accompagner, ne fut-ce que pour un coaching, pour y voir plus clair, pour parler. Qu'ils se recentrent et ne perdent pas de vue l'essentiel : même si ce n'est pas exactement ce qu'ils avaient prévu, l'essentiel, c'est qu'ils vont s'unir à la personne qu'ils aiment".