Accueil Actu

Réunions de familles: l'amertume des proches de Sud-Coréens enlevés par Pyongyang

Il y a les Sud-Coréens qui ont la chance, depuis lundi, de revoir enfin leurs proches vivant au Nord. Et il y a l'amertume de Hwang In-cheol, qui attend depuis un demi-siècle le retour de son père, dont l'avion avait été détourné par Pyongyang.

M. Hwang avait deux ans quand son papa, Won, est parti fin 1969 pour un voyage d'affaires dont il n'est jamais revenu. Et il a passé sa vie à espérer le retour d'un père qu'il ne connaît que sur des photos de plus d'un demi-siècle.

Des dizaines de Sud-Coréens participent depuis lundi à de poignantes retrouvailles avec des membres de leur famille qui vivent au Nord et qu'ils n'ont plus revus depuis la Guerre de Corée (1950-1953).

Mais aucun de ces derniers n'appartient au contingent des milliers de Sud-Coréens qui ont, selon Séoul, été enlevés par Pyongyang.

"Le spectacle de ces familles réunies est très beau, mais aucune de ces réunions ponctuelles ne constitue une solution au problème", lâche M. Hwang.

"J'espère que moi aussi je reverrai mon père. J'espère qu'il vivra jusque là."

Won était un des passagers du vol intérieur de Korean Air qui avait été détourné par un agent nord-coréen en décembre 1969. L'appareil transportait 47 passagers et quatre membres d'équipage.

Au total, 39 personnes furent renvoyées au Sud quelques mois plus tard, mais pas Won, qui travaillait pour la chaîne sud-coréenne MBC.

Certains passagers affirmèrent à leur retour qu'il avait été emmené alors qu'il résistait aux séances d'endoctrinement et remettait en question l'idéologie nord-coréenne.

- "Ce que mon père a pu ressentir" -

Tout ce dont M. Hwang connaît de ce père, c'est ce qu'on lui a raconté.

Au début, sa mère lui assura que son père travaillait aux Etats-Unis et qu'il rentrerait pour Noël.

"Alors j'ai attendu Noël mais il n'est pas venu", se rappelle-t-il. Il en vint à se dire que son père les avait abandonnés. "Je me suis dit qu'il ne nous aimait pas. J'étais dévasté."

Mais à neuf ans, ses oncles lui ont dit la vérité.

Il perdit tout espoir jusqu'à l'an 2000, quand Séoul et Pyongyang commencèrent à organiser des réunions de familles séparées par la Guerre, comme celles qui ont débuté lundi dans la station de montagne nord-coréenne du Mont Kumgang.

En 2001, une des hôtesses du vol HL-5208, Seong Kyung-hee, qui était toujours retenue au Nord, put rencontrer sa mère lors d'une de ces réunions.

Sa douleur s'est encore renforcée quand sa propre fille a eu deux ans, l'âge qu'il avait au moment de l'enlèvement de son père.

"L'idée d'être privé de ma fille m'était tellement douloureuse", dit-il. "Je ressentais ce que mon père avait pu ressentir."

Mais cinq ans plus tard, la Croix-Rouge lui annonça que la Corée du Nord l'avait informée qu'elle était incapable de dire si son père était vivant ou non.

Pyongyang n'admet quasiment jamais d'éventuels enlèvements, ce qui complique les efforts pour organiser des réunions avec les familles.

- Le temps est compté -

Le gouvernement sud-coréen estime à près de 4.000 le nombre de ses ressortissants qui ont été enlevés par le Nord depuis la fin de la Guerre. Certains ont disparu lors d'une promenade sur la plage, d'autres étaient des pêcheurs dont le bateau n'est jamais revenu...

Le ministère sud-coréen de l'Unification estime que 516 sont toujours retenus au Nord. Mais seuls 19 ont pu revoir brièvement leur famille.

La question des enlèvements n'est pas aussi médiatisée en Corée du Sud qu'au Japon, alors que les chiffres sont sans commune mesure.

Le Nord avait admis en 2002 l'enlèvement de 13 Japonais. Un mois après ces aveux, cinq avaient été autorisés à rentrer au Japon. Pyongyang affirme que les huit autres sont morts mais n'a pas fourni de preuves. Tokyo compte au moins 17 kidnappés et soupçonne des dizaines d'autres disparitions d'être le fait des services nord-coréens.

"Pour nous, rencontrer notre famille est aussi difficile que d'attraper une étoile dans le ciel", indique M. Hwang.

Il a abandonné tout espoir de participer à une réunion de famille officielle et s'est lancé dans une quête solitaire. Il en a même perdu son emploi chez un éditeur.

Il est convaincu que son père est en vie, en s'appuyant sur les affirmations d'un intermédiaire qui a été capable de lui donner des informations sur sa famille que seule une personne très intime aurait pu connaître.

Il n'a eu ni photo, ni contact direct, et un plan pour faire passer son père en Chine en 2013 n'a rien donné.

"J'ai fait une liste des raisons de continuer et d'abandonner" les recherches, dit-il. "La seule raison d'abandonner est la difficulté."

Le temps, pourtant est compté. S'il est en vie, son père fête cette années ses 81 ans.

À lire aussi

Sélectionné pour vous