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"Un casse-tête tous les jours": le réseau TEC a été réaménagé à Jemeppe, les lignes rurales sont-elles délaissées?

Le TEC a organisé un vaste réaménagement de ses lignes sur le territoire wallon, notamment dans la région Gembloux-Basse Sambre, qui englobe Jemeppe-sur-Sambre. Certaines lignes ont été supprimées, et de nouvelles ont été créées. Muriel déplore la suppression d'arrêts de bus près de chez elle. Son quotidien en est chamboulé, ainsi que celui des autres habitants. Les lignes rurales sont-elles délaissées au détriment des zones urbaines? 

"On a le sentiment d'être abandonnés". Muriel, maman de 3 enfants et habitante de Jemeppe-sur-Sambre nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous suite au réaménagement du réseau TEC dans sa région depuis le 1er août. En cause, la suppression de certains arrêts de la ligne 23, qui permettait auparavant de relier Namur depuis Jemeppe. Les enfants de Muriel prenaient notamment ce bus pour se rendre à l'école. Aujourd'hui, la ligne 23 fait la liaison entre Spy et Namur, excluant donc la commune où habite Muriel.

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Le quotidien de la famille est donc chamboulé par la suppression de ces arrêts : "Cet arrêt était vraiment important pour nous ! On a choisi de venir habiter à Jemeppe, il y a une dizaine d’années parce qu’on savait qu’il y avait un moyen de transport et que les enfants savaient aller facilement à l’école avec ce bus. Et maintenant qu’ils l’ont retiré, ça devient très compliqué", dénonce-t-elle.

Avant la suppression, la fille de Muriel, âgée de 11 ans, pouvait se rendre à l'école en prenant uniquement la ligne 23. Aujourd'hui, puisque l'arrêt situé à côté du domicile de Muriel a été supprimé, sa fille ne peut plus prendre de bus depuis Jemeppe pour aller à l'école. L'alternative serait le train, mais Muriel n'est pas rassurée quant à cette solution. Elle est donc obligée de la déposer, mais aussi de venir la récupérer à Spy, soit à une quinzaine de minutes de route, où un bus fait la liaison jusqu'à Namur. 

C’est fort contraignant

Mais cette solution n'est pas optimale, explique Muriel : "C’est un casse-tête tous les jours pour savoir où est-ce qu’on dépose notre enfant pour aller à l’école, où est-ce qu’on va la rechercher, quelles sont les liaisons possibles envisagées avec d’autres moyens de transport... Mais sur le terrain, c’est beaucoup plus complexe que sur papier… Hier, le premier bus est arrivé en retard, et donc le deuxième était déjà parti. Résultat, on a été obligés d'aller la chercher". 

Muriel a lancé une pétition, signée par plus de 1.200 personnes, afin de demander le rétablissement complet de la ligne. Car c'est toute son organisation qui est impactée par le réaménagement du réseau TEC: "C’est un peu le jeu tous les jours de savoir comment on va s’organiser... C’est fort contraignant: on jongle, le matin, on dépose Louise à Spy en partant travailler, et pour le soir, on s’arrange, soit elle retourne chez une copine, soit je prends congé pour aller la chercher, mais bon les jours de congés ne sont pas illimités donc c’est difficile", confie Muriel. 

Nous avons demandé la restauration complète de la ligne

Avec ces suppressions d'arrêts de bus, Muriel et les autres habitants de la commune se sentent délaissés. "On a le sentiment d’être abandonnés, nous, mais aussi les autres, et je pense surtout aux personnes âgées qui ont des difficultés pour marcher... Faire 2-3 km pour aller chercher un arrêt de bus qui se trouve plus loin, ce n'est pas évident pour elles et du coup elles se retrouvent dans un isolement social", pointe-t-elle. 

Du côté de la commune, Muriel Minet, échevine de la Mobilité à Jemeppe-sur-Sambre, nous assure soutenir ses citoyens, et donc leurs plaintes à ce sujet, nous explique-t-elle : "La ligne 23 est assez utilisée par les citoyens donc nous avons demandé la restauration complète de la ligne, on essaie de faire notre maximum. Pour le moment, on attend un retour des instances". 

Des projets de vie remis en question avec ce réaménagement, et des habitués laissés de côté  

Pour l'asbl navetteurs.be, une partie de la population est laissée de côté avec ce réaménagement. Duncan Smith, vice-président de l'asbl, explique : "On laisse des gens sur le côté, on ne tient pas compte de leur réalité quotidienne qui est d’utiliser depuis un certain nombre d’années les moyens de transport qui sont mis à disposition. Ce sont des personnes qui habitent dans des zones reculées, rurales, et pour qui le petit arrêt de bus au coin de la rue est devenu au fur et à mesure du temps un moyen essentiel de se déplacer". 

Notre maison, travail, école ont été choisis aussi car le 23 passait par chez nous

D'autant que bien souvent, les petites lignes sont déterminantes dans un projet de vie, qui est alors remis en question par des suppressions et réajustements de ce type, pointe-t-il: "Ce sont des personnes qui sont parfois installées à un endroit depuis 15 ans, qui ont posé le choix de s’établir à un endroit parce qu’il était relativement bien connecté, et qui du jour au lendemain, se retrouvent obligés d’avoir une voiture ou d’utiliser un autre mode de transport comme le vélo qui n'est pas accessible à tout le monde". 

Parmi les signataires de la pétition, Hélène, une maman seule, est justement dans ce cas, écrit-elle : "Nous n'avons plus de solutions pour nous rendre à l'école en transports en commun à partir de la rentrée. Notre maison, travail, école ont été choisis aussi car le 23 passait par chez nous. Nous avons appris cette mesure 2 mois avant la rentrée. Incroyable. Maman monoparentale que cette mesure impacte considérablement", peut-on ainsi lire. 

Un réajustement car pas assez de fréquentation? 

Le vice-président de l'asbl explique que les lignes rurales sont mises de côté au détriment de lignes plus urbaines, et plus fréquentées : "Ces suppressions, c’est malheureusement une rationalisation de toute l'offre de transport, visant à la redéployer, mais en mettant des arrêts et des bus, là où il y a le plus de monde. C’est le jeu de la rentabilité : c’est une façon de dire qu’il faut du nombre pour faire du service. Et c’est très violent ! Finalement, vous êtes client depuis un certain nombre d’années, et on se retourne contre vous, en disant 'bon bah voilà, vous n’êtes pas suffisamment nombreux, on ferme la ligne, et on va faire quelque chose pour plus de personnes qui ne sont pas encore clientes ailleurs'. Je trouve ça très agressif !"

La ligne 23 a justement été modifiée à cause d'un manque de fréquentation. C'est en tout cas ce qu'avait expliqué le SPW à nos confrères de l'Avenir à la mi-août: "Pour la ligne 23, il apparaissait qu’en moyenne 0,7 voyageur par parcours embarquait à Jemeppe pour aller vers Namur. C’est donc bien inférieur au chiffre de 11 passagers par parcours qui est le seuil écologique en dessous duquel il est moins écologique de faire circuler un bus que de demander à chacun de prendre sa voiture".

Mais pour Muriel, cet argument ne tient pas la route: "Ils disent qu’il n’y avait pas assez de voyageurs, effectivement à certaines heures il n’y en avait pas assez mais c’était pendant les heures creuses. Par contre le matin, le midi, et le soir, beaucoup d’usagers prenaient ce bus. Il était d'ailleurs difficile de rentrer dans le bus à Namur pour pouvoir avoir une place, et ça arrivait des fois qu’on doive prendre le prochain parce qu’il n’y avait pas assez de places", pointe-t-elle.  

Un vaste réaménagement du réseau TEC est prévu d'ici 2030

Alors pour tenter de comprendre pourquoi le TEC a décidé de supprimer certains arrêts de la ligne 23, et de modifier les tracés d'autres lignes dans la région, nous avons rencontré Martin Duflou, directeur de l'Autorité Organisatrice des Transports (AOT). De manière générale, ce réaménagement dans la zone de Gembloux - Basse Sambre entre dans la stratégie régionale de mobilité de la Wallonie, nous explique-t-il. Puis développe: "La volonté, c’est de faire évoluer progressivement d'ici 2030, zone par zone, le réseau TEC pour qu’il puisse être au goût du jour avec davantage d’intermodalité, surtout avec le train".  Ce point est donc central dans le réaménagement du réseau. 

Un réaménagement qui a été pensé en concertation avec le TEC, les communes, et toute une série d'acteurs du secteur, explique le directeur de l'AOT. Pour ce faire, l'AOT analyse les flux de mobilité en terme de déplacement professionnel, de loisir ou bien scolaire. Une analyse du territoire est également faite afin de proposer un réseau de transport en commun qui englobe le plus de monde, explique Martin Duflou: "On ne concentre pas les moyens au contraire, je dirais qu’on a vraiment une politique et une analyse d’équité du territoire. Nous veillons vraiment à ce que toutes les localités aient accès à un transport public, que ce soit en bus TEC ou en train. L’objectif est vraiment de garantir un déplacement pour tous, et donc de pouvoir proposer des alternatives à chacun". 

Concernant la ligne 23, l'AOT explique que des alternatives existent: "On supprime rarement une ligne parce que si elle est là, évidemment, c’est qu'elle a son potentiel. La ligne 23 dans le nouveau réseau est une ligne principale, une ligne forte pour relier Spy à Namur. Et pour le bout de la ligne qui allait jusque Jemeppe ou Velaine, l'offre qui est proposée maintenant, c’est d’avoir des bus qui rabattent sur la Basse Sambre vers les gares, et de là pouvoir prendre un train S vers Namur, ce qui permet d’avoir une fréquence à l’heure pendant les heures de pointe, et toutes les deux heures en heures creuses, pour rejoindre Namur du matin au soir". 

Il ajoute que l'offre globale est plus importante en termes de moyens et de chauffeurs: "Il y a vraiment eu une croissance d’offre dans cette zone. On a créé tout un tas de lignes qui n’existaient pas avant. Globalement, sur ces 5 dernières années, l’offre en Wallonie a augmenté de 10%. On essaye de le faire progressivement, là où les carences sont les plus importantes". 

Quelle sera la prochaine zone wallonne à être repensée ?

Martin Duflou admet cependant que la communication sur ce réaménagement dans la zone de Gembloux - Basse Sambre a été tardive et qu'il faudra davantage anticiper pour la prochaine zone. 

Le prochain réaménagement du réseau TEC est prévu pour janvier 2024, et aura donc lieu du côté de Florenville dans la région du Luxembourg.

Muriel et les habitants demandent le rétablissement de la ligne sous condition

Concernant la ligne 23, Muriel et les signataires de la pétition demandent le rétablissement complet de la ligne, du moins par rapport aux arrêts: "Notre solution est, plutôt que de mettre un bus toutes les heures, de ne pas faire rouler ceux des heures creuses. En diminuant le nombre de bus en heures creuses, cela permettrait de remettre en route la fin de l’ancienne ligne 23 au moins aux heures importantes, le matin, le midi et le soir". 

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Commentaires

1 commentaire

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  • C'est un véritable casse-tec !

    roger rabbit
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