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Une montgolfière photographiée à Namur près d'un ORAGE, une situation dangereuse? "On ne gère rien mis à part l'altitude"

Un ciel noir et une montgolfière. Ce qui aurait pu être une simple photo artistique suscite finalement l'indignation. Car selon les conditions météorologiques prévues ce jour, ce vol n'aurait pas dû avoir lieu. Explications. 

"Cette photo est magnifique, mais elle témoigne d'un comportement irresponsable", souffle Maxime. Depuis plusieurs jours, un cliché circule sur les réseaux sociaux. On y voit une montgolfière qui survole le ciel de Namur. Un énorme nuage noir surplombe la ville et fait craindre le pire pour ce ballon à gaz.

Maxime est météorologue. Lorsqu'il prend connaissance de cette photo, il est excédé. "Les pilotes prennent de plus en plus de risques. Une montgolfière est un usager faible. Elle est à la merci du temps qu'il fait. En voyant cette photo, je me suis dit que je n'aurais pas voulu être à la place du pilote et de ses passagers s'il y en avait", indique-t-il. 

Dans une montgolfière, on ne gère rien mis à part l'altitude.

Cette photo a été prise le 21 avril dernier. Selon Maxime, le pilote a commis une grave erreur. "Il n'aurait pas dû décoller dans des conditions pareilles. Les prévisions météorologiques étaient très claires", estime-t-il. Avant d'ajouter : "Dans une montgolfière, on ne gère rien mis à part l'altitude. On ne peut pas se poser n'importe où. C'est ça qui est vraiment irresponsable".

Un vol qui devait durer 40 minutes

Nous avons pu joindre celui qui se présente comme étant le pilote de cette montgolfière. Éric Lannoy se souvient très bien de cette journée particulière. "Ce vendredi, le bulletin météo précisait un risque orageux. Tout l'après-midi, il a fait plein soleil. Donc ce jour-là, j'ai décidé, avec les trois passagers, d'aller sur le terrain d'envol. Il y avait des développements de cumulus, de cumulonimbus à l'horizon, mais qui étaient très éloignés donc j'ai pris la décision de faire ce vol qui devait durer 40 minutes. L'objectif était de passer au-dessus de la ville de Namur", nous raconte-t-il. 

Le pilote raconte qu'après 25 minutes de vol, un développement orageux s'est formé. "On a cherché à se poser. Mais, on était encore au-dessus des habitations. Donc il a fallu pratiquement 10 minutes pour que le vent nous pousse en dehors de ces habitations. On s'est retrouvé avec ce nuage. La photo qui a été prise montre uniquement la partie noire des nuages mais il y avait vraiment une ligne bien nette entre ce ciel bleu et cette masse noire", assure Eric. 

Tout s'est bien terminé, il n'y avait pas de blessé

Suite à cela, le pilote n'avait d'autre choix que de se poser en urgence. "Les masses d'air en dessous de ces nuages sont totalement instables. Et ça devient très difficile de contrôler un ballon car les forces mises en jeu sont impressionnantes", éclaire-t-il. Le pilote a donc pris la décision de se poser dans un verger. Pour cela, il a fallu freiner la nacelle et le pilote s'est servi des arbres situés sur ce verger pour le faire. "On a été amorti par cette végétation. Tout s'est bien terminé, il n'y avait pas de blessé", se remémore-t-il. 

Le ballon endommagé

Lors de cet atterrissage d'urgence, pas de place à l'angoisse. "Je connais la problématique de se poser par grande vitesse et par des vents rafaleux. Le tout est de ne pas transmettre ce stress à des passagers et de les rassurer. On rappelle toutes les consignes de sécurité à l'atterrissage", affirme Eric. Le bas du ballon a été endommagé par les branches d'arbres et est donc actuellement à l'atelier de réparation. 

Aujourd'hui, le pilote regrette d'avoir décollé ce jour-là. "De plus en plus, on remarque que ces phénomènes météo sont de plus en plus soudains et violents. Ça m'a surpris fortement. En moins de 10 minutes, le ciel s'est obscurci très rapidement (...) C'est une expérience qui vous remet à votre niveau par rapport à la nature. Dans des conditions similaires, je prendrai la décision de ne pas voler. C'est évident", témoigne-t-il. 

Les prévisions météo, incontournables pour tout pilote

Avant de décoller, un pilote de montgolfière est tenu à quelques obligations. Parmi elles, la consultation des prévisions météorologiques. "Il ne faut pas trop de vent au sol car cela complique le décollage et l’atterrissage. Il faut une bonne visibilité afin d’éviter des collisions avec des bâtiments, avec les lignes de haute tension, et les obstacles. Il ne faut pas de précipitations car cela complique le vol à cause des turbulences. Un éclair peut détruire l’enveloppe du ballon, les turbulences pourraient la déformer ce qui met en danger la stabilité du ballon", nous explique l'Institut Royal Météorologique. 

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Chaque jour, les pilotes agréés reçoivent les prévisions météo via le service météo de Skeyes, l'entreprise publique autonome chargée du contrôle du trafic aérien. La plupart du temps, les vols de montgolfières ont lieu en espace aérien non contrôlé. Cela signifie que les pilotes ne doivent pas introduire de demande auprès de Skeyes avant un vol. Skyes n'est donc pas compétente pour refuser un vol si la météo est mauvaise. "Il s’agit de la responsabilité du pilote, qui doit préparer son vol correctement, en se briefant notamment sur les conditions météo", indique Audrey Dorigo, directrice de la communication de Skeyes. 

Pour la situation qui a été photographiée ce 21 avril, Skeyes nous précise que des météorologues avaient signalé très précisément une zone orageuse dans les prévisions spécifiques quotidiennes, accessibles à tous les pilotes de montgolfières sur simple demande.

La directrice de communication de Skeyes nous renseigne sur les deux situations dans lesquelles une montgolfière ne peut pas voler : 

  • une masse d'air instable et convective : lorsque la masse d'air est instable, des courants ascendants et descendants, des turbulences, des nuages d'orage se développent. En raison des turbulences, des averses et des orages, il peut y avoir des rafales de vent, de fortes précipitations, de la grêle. Tous ces phénomènes sont très dangereux pour un ballon.
  • le passage d'un front avec des précipitations et des nuages bas (trop de vent, le ballon est mouillé, les nuages obstruent la visibilité...).

Un pilote doit donc connaître parfaitement les conditions météo qu'il va rencontrer lors de son vol : le vent au sol afin de garantir le décollage et l'atterrissage, le vent en altitude pour savoir la direction que le ballon va prendre et la stabilité de l'atmosphère.

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Avant de voler, Michel Ries consulte systématiquement ces prévisions. Michel est pilote depuis 36 ans et depuis plusieurs années, il est le pilote attitré des montgolfières Bel RTL. Il y a quelques jours, il a, lui aussi, découvert cette photo du ciel namurois. "En plus de 30 ans de ballon, si je faisais un cauchemar la nuit, ce serait cette image que je verrai : celle d'un ciel avec un côté clair et de l'autre, un côté noir", confie Michel. "À mon avis, le pilote a été quitte d'une solide frayeur", souffle-t-il. 

"En Belgique, pour éviter toute mauvaise circonstance, on vole surtout de mai à septembre. Et parfois début octobre, si on a un bel été indien. En-dehors de ça, les risques de mauvaise météo sont beaucoup trop nombreux. On risque d'endommager le ballon, de le remballer humide, de voir des passagers pas contents parce qu'ils reviennent avec de la boute jusqu'aux mollets", éclaire Michel Ries.

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Lors de la réservation d'un vol en montgolfière, les clients versent un acompte mais la confirmation du voyage ne peut se faire que le jour même. "Quand nos passagers réservent, on leur dit toujours que le verdict sera donné le jour du vol à 14h pour les vols du soir et à 19h pour les vols qui pourraient avoir lieu le matin", indique le pilote. Car à chaque fois qu'un vol est effectué, la responsabilité du pilote est clairement engagée. "C'est le pilote qui prend la décision. Et si c'est non, c'est non (...) Ça m'arrive d'annuler, ça fait partie du lot", indique Michel Ries. 

Le pilote insiste: "La montgolfière est un transport sécurisé. On entend rarement des problèmes. Les pilotes sont sérieux et savent bien que s'il se passe quelque chose (s'il y a un accident ndlr), c'est pire que tout". En effet, les graves accidents de montgolfière sont rares. Dernier en date : le 23 avril 2011. Le pilote d'un ballon était décédé à Oudenburg, en Flandre occidentale. Le ballon avait raté son atterrissage dans une prairie très certainement à cause d'une bourrasque de vent et a finalement atterri dans un fossé.

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